Situé sur les bords de la Seine à Paris, le centre de jour l’Adamant reçoit quotidiennement des patients adultes atteints de troubles psychiques. Leur prise en charge personnalisée offre la particularité d’un espace de liberté « bordée ».

En traversant le pont Charles de Gaulle, qui relie la gare de Lyon à celle d’Austerlitz à Paris, difficile de ne pas apercevoir en contrebas, sur le port de la Rapée, cette péniche tout en bois, construite spécifiquement pour le centre de jour. Comme tous les lundis matin, à l’entrée, dans la pièce de vie où se trouve le bar, patients et professionnels sont réunis pour « lundispensable ». Installés en arc de cercle, ils attendent le début de cette réunion ouverte à tous, où chacun est libre de participer pour faire le point sur l’actualité et les activités de la semaine. « Que mettons-nous à l’ordre du jour ? », interroge Laurent*, infirmier, qui coordonne aujourd’hui la séance avec une patiente. Les professionnels, à tour de rôle, énoncent les points à aborder, en commençant par « la présentation des nouvelles têtes ». Ils enchaînent ensuite avec des explications sur le déroulement des nombreuses activités prévues cette semaine.
Parmi celles-ci figurent une sortie à la base de loisirs de Souppes-sur-Loing, un atelier de couture organisé par Ottavia, agent de service hospitalier (ASH), une sortie dans une ferme pédagogique sur le site Saint-Maurice des Hôpitaux Paris Est Val-de-Marne (HPEVM) proposée par Julia, infirmière, à la demande d’une patiente, ainsi qu’une braderie en fin de semaine devant la péniche. Liza, infirmière, aborde aussi l’organisation d’un snack thématique, autour du festival Trace(s) qui articule arts et psychiatrie. Une troupe de cinq danseurs va venir en résidence sur la péniche pour préparer une représentation en octobre. Le groupe de patients et les professionnels prévoient, pour l’occasion, des snacks pour une centaine de personnes. « Chacun peut participer sur des petits temps, par exemple pour prévoir le menu, établir la liste des courses ou même les faire », explique Liza.
Cet article a été publié dans le n°54 d’ActuSoins magazine (septembre 2024).
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Apporter de la quotidienneté
Après cinq années de travaux, le centre de jour a ouvert ses portes en 2010, à l’initiative du Dr Eric Piel, psychiatre et ancien chef de pôle Paris Centre des HPEVM, auxquels est rattaché l’Adamant. « Il vivait sur une péniche et il voulait que les patients et les personnes avec lesquelles il travaillait puissent eux aussi profiter des bienfaits de ce mode de vie », se souvient Arnaud Vallet, infirmier en psychiatrie de formation, aujourd’hui responsable de l’équipe.
La péniche accueille les patients habitant dans les quatre premiers arrondissements de Paris. « Nous avons une file active d’environ 200 personnes par an », souligne l’infirmier. Elles sont généralement orientées par les CMP du quartier, les professionnels libéraux, ceux des HPEVM ou encore par la cellule de crise psychiatrique. Elles viennent au centre de jour, en seconde intention, dès lors qu’elles rencontrent des problématiques avec la quotidienneté. « Elles peuvent être confrontées à une perte de l’évidence naturelle, analyse Arnaud Vallet. Quelque chose ne fonctionne pas dans leur rapport aux autres et aux choses. Elles vont tout interroger. » À bord de la péniche, l’objectif est donc de refonder un environnement et des échanges conviviaux dans le rapport aux autres. Pour y parvenir, le centre de jour rassemble deux structures. Tout d’abord l’hôpital de jour, qui assure des soins psychologiques polyvalents et intensifs au quotidien, de façon modulée en privilégiant dès que possible l’intégration sociale. « Ce dispositif hospitalier est davantage à visée thérapeutique avec des ateliers peintures, photos ou encore de la danse », explique Arnaud Vallet. Le Club thérapeutique est, quant à lui, une structure associative offrant un accompagnement dans la construction de la quotidienneté, avec des activités visant à maintenir ou favoriser l’autonomie par des actions de soutien ou des thérapies de groupe. Vingt-cinq professionnels exercent « à bord » : infirmiers, ASH, psychomotriciens, éducateurs spécialisés, ergothérapeutes, psychologues, assistants médico-administratifs, responsable. Le psychiatre, responsable médical, rencontre le patient à son arrivée et programme des entretiens afin d’interroger la pertinence de la venue des patients, leur emploi du temps ou encore la nécessité de mettre en place davantage de temps d’accueil. « Ces rendez-vous qui, en fonction des patients, peuvent avoir lieu toutes les semaines, tous les quinze jours ou tous les six mois, sont importants puisqu’en raison de leur pathologie, les patients vivent souvent avec une dysrythmie », rapporte Arnaud Vallet.
Liberté d’organisation
Le fonctionnement à bord de l’Adamant est organisé autour de la liberté de circulation et de l’acceptation du fonctionnement de chacun. « Si un patient veut prendre une guitare pour jouer de la musique, il peut le faire, il n’a pas besoin de demander l’autorisation, de même qu’il peut se rendre à la bibliothèque autogérée », donne en exemple Arnaud Vallet. Les patients peuvent en effet venir quand ils le souhaitent, parfois juste pour discuter, prendre un café, voir du monde, et d’autres fois pour participer à des ateliers ou à des sorties. « Nous respectons le rythme de chacun, sans forcer la parole ou la désaliénation, insiste-t-il. Nous devons cependant trouver le juste équilibre entre ces ateliers et les temps libres, car même si nous acceptons que certaines personnes ne fassent rien, le lieu doit rester vivant. »
Sur la semaine, une trentaine d’ateliers sont proposés aux patients. « Ils sont organisés dans une dynamique groupale avec des médias élaborés tels que la radio ou le vitrail, et d’autres qui le sont moins, notamment les groupes de parole », explique le responsable. La proposition d’ateliers repose sur les compétences et les appétences de chaque professionnel. À titre d’exemple, Liza, infirmière, aime particulièrement travailler avec les patients autour du quotidien : se lever, se laver, déjeuner, gérer le budget. « Avec le Snack, nous préparons à manger, nous cuisinons ensemble puis faisons la vaisselle », énumère-t-elle. Des tâches simples, qui font partie du quotidien de chacun mais pour lesquelles certains patients peuvent rencontrer des difficultés. Elle gère aussi le bar à l’entrée de la péniche, un lieu de convivialité générateur d’entraide entre les patients. « En psychiatrie, le relationnel tient une place importante, souligne Julia, infirmière, insistant sur le fait qu’au Centre de jour, tous les professionnels jouent le même rôle. Il n’existe pas de réunions dédiées aux infirmiers par exemple. En revanche, nous passons beaucoup de temps à parler avec les patients, ce qui relève de notre rôle propre infirmier. » « Il nous arrive aussi de les accompagner dans leur quartier pour prendre un café dans une brasserie afin de travailler à la création du lien social », ajoute Liza.
Les sorties et les ateliers représentent de vrais moments de soins et pas uniquement des activités, « car ils offrent aux patients la possibilité de parler d’eux à travers le média et le vivre ensemble », précise Julia. « Nous pouvons ensuite partager, entre professionnels, des éléments cliniques pour chaque patient. Les ateliers sont des passerelles qui permettent une remise en commun des informations. » Et de conclure : « En fin de compte, notre mission est de fédérer, et nous sommes particulièrement ravis lorsque nous apprenons que les patients sortent entre eux le soir ou le week-end. »
*À la demande des professionnels, nous n’avons pas mentionné les noms defamille des soignants.
Laure MARTIN
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Cet article a été publié dans ActuSoins Magazine
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Cet article a été publié dans le n°54 d’ActuSoins magazine (septembre 2024).




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