La peau est l’interface qui sépare le milieu intérieur de l’environnement qui nous entoure. Son rôle est fondamental car il permet d’éviter le contact du milieu intérieur (stérile) avec l’environnement qui nous entoure (non stérile).
Parfois, des germes se développent au sein des plaies. Une interaction entre l’hôte, le germe et l’environnement va alors se créer, susceptible de modifier l’évolution de la cicatrisation.
Contamination, prolifération et infection
Toutes les plaies peuvent être contaminées par des micro-organismes mais le germe ne se multipliera pas, ni ne persistera, si les conditions nutritives et environnementales ne lui sont pas favorables ou s’il ne parvient pas à échapper aux défenses de l’hôte. A ce stade – défini comme celui de la contamination de la plaie -, sa présence n’est donc que temporaire et elle ne perturbera pas la cicatrisation de la plaie.
Celui de la prolifération bactérienne est atteint lorsque les germes prolifèrent et se divisent, mais ne provoquent pas de lésions tissulaires et n’altèrent pas le fonctionnement cellulaire physiologique de l’hôte.
Celui de l’infection est caractérisé lorsque la prolifération des germes dans les tissus de l’hôte provoque des lésions cellulaires et des réactions immunitaires symptomatiques de l’hôte, ce qui entraîne une interruption de la cicatrisation de la plaie.
>> LIRE AUSSI – Optimiser la guérison des plaies chroniques par une gestion efficace de l’exsudat <<
Le processus de la prolifération bactérienne et l’infection
La multiplication des germes sur une plaie se manifeste par l’augmentation de son nombre, c’est-à-dire par la multiplication suite à des divisions binaires (figure 1). Lorsqu’une cellule bactérienne est placée dans un milieu de culture favorable, elle va assurer ses biosynthèses, augmenter de taille puis se diviser, par fission binaire, en deux cellules « fille ».
Théoriquement, une bactérie, placée dans un milieu convenable, peut se multiplier indéfiniment, par fission binaire. La croissance se fait selon une progression géométrique : 1, 2, 4, 8, etc. ou 20, 21, 22, 23,… 2n (où n = nombre de générations). Il s’agit d’une croissance exponentielle.
Ce phénomène relève de la notion de cinétique de prolifération et le développement exponentiel des germes, mis dans un milieu favorable, se fait rapidement au détriment de l’hôte. Par conséquence, si ce développement est plus rapide que la réaction immunitaire, une colonisation de la plaie au profit de l’infection se produit.
Il s’en suit des réactions inflammatoires au sein de la plaie. Ces dernières se traduisent, entre autres, par la production massive d’exsudat.
Il existe donc un lien entre l’infection et l’exsudat. En effet pour se développer, les germes ont besoin d’évoluer dans un environnement chaud et humide.
Reconnaître une plaie infectée
• érythème
• chaleur
• odeur nauséabonde
• augmentation de la température locale
• dégradation de la plaie
• retard de cicatrisation/élargissement du lit de plaie
• augmentation du volume de production d’exsudat.
La gestion des plaies infectées et les pansements absorbants
Cette gestion est efficace si elle est portée par un travail d’équipe, par une collaboration étroite entre les équipes soignantes, les dispositifs médicaux et le patient.
L’utilisation de pansements à forte capacité d’absorption – Ka élevé – (cf. ActuSoins n° 19, p. 16) permet ainsi une meilleure efficacité. Cependant une autre variable va optimiser considérablement cette recherche d’efficacité : l’indice de relargage (Kr).
Un pansement bactériostatique a la capacité au travers de son faible indice de relargage – Kr faible – de garder les germes au sein de sa matrice (figure 2).
Ainsi, en utilisant des pansement à Ka élevé (forte absorption) et à faible Kr (faible indice de relargage), les germes seront maintenus au sein de la matrice du pansement et ne seront donc plus sur le lit de la plaie ni sur les berges.
Autre phénomène à prendre en compte : les germes ont une cinétique de multiplication temporelle, c’est-à-dire que la charge bactérienne augmente au fil du temps si les germes restent présents sur l’hôte.
Par conséquent, outre l’utilisation de pansement bactériostatique, une augmentation de la fréquence de changement du pansement par 24 h permet de casser cette cinétique multiplicative des bactéries, provoquant une diminution par unité de temps de la charge bactérienne.
Changer le pansement deux ou trois fois par jour, dans le cadre d’une plaie infectée, permet ainsi de casser la cinétique bactérienne et d’optimiser la cicatrisation.
Tableau sur la classification des pansements
Classement des pansements en fonction de la TENE
Philippe Viseux de Potter,
PDG D’I-CICA Institut de la Cicatrisation,
Directeur d’Atousoins formation continue.
Cet article est initialement paru dans le n°26 (octobre 2017) d’ ActuSoins Magazine.
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Références
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15. Norme EN13726 chapitre 3.
16. Articles pour pansements (Titre Ier, chapitre 3, section 1 de la liste des Produits et prestations mentionnés à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale).
17. Décret n° 2004-1419 du 23 décembre 2004 relatif à la prise en charge des produits et prestations mentionnés à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.
18. Arrêté du 12 juillet 2005 (au journal officiel du 28 juillet 2005).
19. Auto-saisine de la CEPP en date du 7 février 2007 concernant notamment les descriptions génériques articles pour pansements.
20. La Commission d’Evaluation des Produits et Prestations recommande de modifier les conditions d’inscription des articles pour pansements, conformément au projet de nomenclature.
21. Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et technologies de santé (CNEDiMTS) de la Haute Autorité de Santé (HAS). A la suite de ce rapport, la nomenclature des pansements remboursables a été modifiée (arrêté du 16 juillet 2010, paru au J.O. du 7 août 2010).
Bonjour,
Je me permets d’intervenir suite aux informations rapportées dans ce forum sur les alginates, notamment au fait que selon « l’Arrêté du 16 juillet 2010,…., les alginates ne sont reconnus que pour leur propriété hémostatique et rien d’autre ».
Il est précisé au Paragraphe 3 (Pansements alginates) de la LPP prévue à l’article L165-1 du code de la Sécurité Sociale, en lien avec l’Arrêté du 16 juillet 2010, et distingué que :
1. « les pansements alginates sont des pansements composés de plus de 50 % d’alginates, associés ou non à de la carboxyméthylcellulose (CMC). La prise en charge est assurée en traitement séquentiel, pour les plaies chroniques en phase de détersion et les plaies très exsudatives. »
2. « ALGOSTERIL, pansement d’alginate de calcium pur, BROTHIER. La prise en charge est assurée, en traitement séquentiel, pour les plaies chroniques en phase de détersion et pour les plaies très exsudatives.
Elle est également assurée pour le traitement des plaies hémorragiques. ».
Algostéril a par ailleurs démontré son efficacité dans les plaies exsudatives, infectées ou non, via de nombreuses études cliniques multicentriques. En témoigne notamment une étude prospective à laquelle j’ai participée, menée par 53 investigateurs indépendants chez 381 patients porteurs de plaies cavitaires traitées avec Algostéril.
Infirmière référente Plaies & cicatrisation au sein de l’AP-HP et présidente de l’AFET, j’utilise depuis de nombreuses années les alginates en particulier Algostéril, du fait de ses indications tant dans les plaies profondes/chirurgicales que dans les plaies infectées, et je peux témoigner de son efficacité dans ce domaine.
Cordialement,
Danièle CHAUMIER
Effectivement tous les alginates ne sont pas hémostatiques…
Marion Rusel Amély Lépine Emeline Lcr Cassandre Biass’ Biassadila Geoffrey Guérin plutôt intéressant pour nos pansements
Lucas Bernel
Marie Bazin Marine Gerbeaux si vous voulez jeter un coup d’oeil 😉