« T’inquiète pas, j’te couvre » : une fausse bonne idée en cas de glissement de tâches
Les soignants le savent : en France, la profession infirmière est très encadrée et les « glissements de tâches » ne sont réglementairement pas autorisés. Mais, face à un « t’inquiète pas, j’te couvre », ils pourraient se sentir protégés. À tort.
Cet article a été rédigé par un juriste en droit de la santé, pour ActuSoins.com.
Un médecin qui demande à un infirmier de réaliser un acte ne relevant pas de ses compétences ; un infirmier qui procède de même avec un aide-soignant ou avec un étudiant, laissant ce dernier, par exemple, seul pour gérer les patients…
Il n’est pas rare que certains professionnels en sollicitent d’autres, et pensent bien faire avec un « t’inquiète pas, j’te couvre », pour réaliser des actes ou des missions qui ne sont pas les leurs. En cas de problème, les deux parties sont responsables.
Personne ne couvre personne
Car en droit, c’est bien celui qui commet l’acte répréhensible qui est d’abord responsable. En cas d’acte illégal d’un professionnel qui entraînerait un dommage sur le patient, la responsabilité pénale du professionnel peut être engagée car ce dernier a commis une infraction. « Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait », indique ainsi l’article 121-1 du code pénal. On comprend bien ici que personne ne couvre personne.
Celui qui utilise sa position dominante pour pousser l’autre professionnel à agir dans l’illégalité, peut aussi être poursuivi pénalement. « Les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer », précise l’article 121-3 du code pénal.
Concrètement
Prenons l’exemple d’un infirmier qui demande à un étudiant en soins infirmiers de préparer des perfusions et de réaliser des actes de soins hors de sa présence, en lui déclarant : « ne t’inquiète pas, s’il y a un problème, je te couvre ».
Si l’étudiant commet une erreur en préparant puis en injectant un produit (comme cela a déjà pu arriver avec du potassium par exemple) et que cela entraîne un dommage grave, voire un décès, la responsabilité de l’étudiant est engagée : il a réalisé l’acte.
Celle de l’infirmier aussi : il a permis la réalisation du dommage en laissant seul l’étudiant, ce qui implique une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité.
L’étudiant et l’infirmier peuvent donc être condamnés à une peine de prison, une amende ou encore à une interdiction d’exercer.
Si le patient ou sa famille demande une réparation pécuniaire du dommage devant une juridiction civile ou administrative, l’assurance de l’établissement couvrira la faute du professionnel salarié (sauf cas particulier). Dans cette situation, ce n’est pas un professionnel qui en « couvre » un autre mais une assurance qui prend en charge les réparations financières d’un dommage.
Vincent Lautard
Infirmier et juriste en droit de la santé
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