Les soignants très attachés à l’approche palliative de la fin de vie

Les résultats de la convention soignante organisée par la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) auprès, essentiellement, de professionnels de santé travaillant dans cette filière, montrent leur attachement très fort à l'approche palliative de la fin de vie. Malgré leurs réticences ou leur opposition face à l'aide active à mourir dont la légalisation semble se profiler, ils espèrent qu'un cadre et des limites seront posés et que leur vécu sera pris en compte.

Les soignants très attachés à l’approche palliative de la fin de vie

© Akkalak Aiempradit / ShutterStock

Contrairement à la convention citoyenne sur la fin de vie qui a donné lieu à un vote en faveur de l’aide à mourir à l'issue des échanges, la « convention soignante » de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) n'a pas donné lieu à une prise de position officielle.

Il s'agit plutôt d'un « instantané » de l'état d'esprit général d'équipes impliquées dans les soins palliatifs par rapport aux sujets qui sont revenus sur le devant de la scène depuis qu' Emmanuel Macron a lancé les travaux sur la fin de vie l'année dernière.

La SFAP a mobilisé ses membres sur ce qu'ils considèrent acceptable, inacceptable et ce qui les questionne. Quelque 130 équipes travaillant dans des services ou des unités mobiles de soins palliatifs, des Ehpad, des services hospitaliers ou des établissements médicosociaux se sont réunies pour réfléchir à ces questions.

Elles représentent environ 5000 personnes, parmi lesquelles 200 à 250 infirmiers et 120 à 150 aides-soignants, selon la SFAP.

Sept messages clés

La société savante a regroupé leurs réponses les plus « représentatives » en sept grands « messages clés » qu'elle a présentés le 15 juin lors de son congrès national.

Le premier, « donner la mort n'est pas un soin » est « un des messages principaux de la SFAP et celui que les participants (membres de la SFAP, NDLR) nous ont renvoyé dans leur immense majorité », explique le Dr Emmanuel Judde de Larivière, membre du bureau de la société savante.

Pour eux, poursuit-il, « le suicide assisté est incompatible avec les soins palliatifs » et s'il était légalisé, ce ne serait « pas aux soignants de le faire, qu'ils soient médecins, infirmiers, ou tout autre professionnel du soin ».

Les verbatims présentés au congrès évoquent sur ce sujet des « risques de dérives inévitables » et la nécessité d'étudier toutes les autres possibilités avant d'envisager toute aide active à mourir. L'un d'eux exprime aussi que « personne ne se projette dans le fait d'injecter un produit létal ».

Le second message clé, « continuer à accompagner le patient quoi qu'il arrive », reprend un des piliers des soins palliatifs, ne pas abandonner le malade, commente aussi le médecin. Il apporte certaines nuances par rapport à l'aide à mourir : « j'accompagnerai toute personne qui ferait ce choix sans jugement », indique un participant. Mais un autre déclare qu'il s'arrêterait en cas d'euthanasie.

À travers le message-clé « Préserver les plus vulnérables » s'exprime l'inquiétude des soignants face aux demandes d'aide active à mourir qui pourraient, si une loi l'autorisant était votée, émaner de personnes qui se verraient comme un poids pour leurs proches ou la société. « On observe dans la pratique que beaucoup de personnes ont ce sentiment », observe Emmanuel Judde de Larivière. Certains participants appellent ainsi à redonner une place dans la société aux personnes vieillissantes, malades ou handicapées.

Positions nuancées

Selon le médecin, les équipes qui ont manifesté des positions plus favorables à l'aide à mourir représentent une petite minorité.

Mais à travers la volonté « d'entendre le caractère intolérable de certaines souffrances », autre message clé revenu chez bon nombre de celles qui ont participé, s'exprime le souhait de prendre en compte des situations particulières de souffrance et de détresse et le besoin de disposer de réponses à ces situations, « en majorité par un accompagnement renforcé », souligne Emmanuel Judde de Larivière. « Il faudrait d'abord mieux former les soignants à la loi actuelle et donner plus d'outils aux Ehpad », peut-on lire en verbatim à ce sujet.

Un autre message reprend d'ailleurs un souhait qui fait globalement consensus : « développer impérativement les soins palliatifs et la formation en soins palliatifs ».

« Interroger le cadre et les limites nécessaires à poser » figure aussi parmi les messages de la convention. « Certains disent que malgré tout, il faut réfléchir à après la loi, car on imagine mal qu'il n'y ait pas de nouvelle loi, poursuit le médecin.

Beaucoup disent qu'il faudra poser des garanties en termes de collégialité, de conditions d'accès, d'évaluation, de temporalité. Mais malgré tout, on sait que ce sera fragile. Après un certain temps, le cadre peut évoluer et certaines personnes s’inquiètent de possibles dérives. »

Le dernier message-clé, « prendre soin du vécu des soignants », « on ne l'entend pas très souvent », ajoute-t-il. Il interroge l'impact psychologique sur les soignants et sur leurs pratiques du fait de participer à un acte d'aide active à mourir. « L'euthanasie n'est pas qu'un concept », souligne Emmanuel Judde de La rivière. « C'est quelque chose d'incarné », un geste ou plutôt des gestes qui peuvent être, pour. les soignants « d'une violence extrême », observe-t-il.

Ces résultats ont éclairé la SFAP sur l'état d'esprit des professionnels de la filière mais visent aussi à envisager, indique la société savante, l'accompagnement « des équipes dans un travail d'élaboration sur la probable évolution de la loi ».

Géraldine Langlois

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