Accès direct et primo-prescription pour les IPA : deux pas en avant, un pas en arrière ?

La proposition de loi de la députée Stéphanie Rist n’est pas encore adoptée. Néanmoins, les conclusions de la commission mixte paritaire ont été dévoilées début avril. Si des avancées sont actées pour les infirmiers en pratique avancée avec l’accès direct et la primo-prescription, la profession regrette toutefois des décisions prises par les parlementaires.

Accès direct et primo-prescription pour les IPA : deux pas en avant, un pas en arrière ?

© ShutterStock

« Il faut reconnaître que le texte propose de réelles avancées pour les IPA », se félicite Emmanuel Hardy, président de l’Union nationale des infirmier.es en pratique avancée (Unipa).

Le texte acte en effet et comme prévu, l’accès direct aux IPA et la primo-prescription, faisant de l’IPA l’une des portes d’entrée dans le système de santé.

« Il s’agit d’une excellente nouvelle pour le patient et pour l’accès aux soins, ajoute-t-il. Cette décision va également permettre de faire gagner du temps médical, ce qui était l’un des objectifs affichés du texte de loi. »

Un patient pourra ainsi consulter directement une IPA pour effectuer un bilan bio-psycho-social, un bilan clinique, ou pour toute autre demande.

« En fonction de la situation, nous pourrons être amenés à le prendre en charge directement avec la possibilité de prescrire, si besoin, les molécules autorisées en lien avec nos différentes mentions, précise Emmanuel Hardy. Si nécessaire, nous pourrons également l’orienter vers un médecin, une infirmière Asalée ou encore un kinésithérapeute. »

A titre d’exemple, si un patient pense avoir les symptômes d'une angine, il pourra aller voir une IPA, afin que celui-ci effectue un TROD. Si l’angine s’avère bactérienne, l’IPA pourra l’orienter vers un médecin, pour une prescription d’antibiotiques. S’il s’agit d’une angine virale, l’IPA pourra s’occuper de la prescription afin de traiter la symptomatologie. « Dans les deux cas, il s’agit d’un gain de temps », estime l’IPA.

L’exercice coordonné exigé

Une condition est toutefois requise par le texte de loi : l’obligation pour les IPA de travailler dans le cadre d’un exercice coordonné c’est-à-dire dans un centre de santé, une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) ou en équipe de soins primaires (ESP), en sachant que la signature d’un protocole d’organisation avec les médecins ne sera plus nécessaire.

« Cette collaboration étroite avec le médecin, quelle que soit sa discipline, nous l’avons demandée et soutenue », fait savoir Emmanuel Hardy.

Pour autant, les patients sans médecin traitant pourront tout de même prendre rendez-vous avec l’IPA. « Nous pourrons essayer de l’orienter voire de lui trouver un médecin traitant, en le déclarant à la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), précise Emmanuel Hardy. Car nous nous devons d’exercer dans le cadre d’un exercice coordonné. »

L’exclusion des CPTS

Une décision fait toutefois débat : les CPTS ont finalement été exclues du dispositif. Les parlementaires ont en effet avancé comme argument, que ces structures n'étaient pas effectrices de soins.

« Je pense que c’est principalement lié au fait que l’accès aux soins est surtout envisagé sous le prisme médical, regrette Emmanuel Hardy. L’intérêt professionnel reste encore prioritaire par rapport à celui des patients. »

A l’échelle de sa CPTS, il intervient, dans le cadre de protocole, en accès direct pour le dépistage de l’asthme et de la BPCO. « Je ne sais pas encore si je vais pouvoir continuer à le faire », pointe-t-il. Tout va dépendre des décrets d’application.

Du côté de l’Ordre national des infirmiers (Oni), la pilule a du mal à passer.

L’instance exprime « son incompréhension devant l’issue de la commission mixte paritaire ».

Si l’Ordre reconnaît les réelles avancées du texte de loi, pour autant, l’exclusion des CPTS « instaure un accès aux soins à deux vitesses sur les territoires et porte un coup majeur au déploiement des CPTS, par un manque de confiance des parlementaires dans les professionnels de santé ».

« Les CPTS permettent de la coordination, un travail un réseau, elles donnent la possibilité aux professionnels de santé de se connaître, rappelle Patrick Chamboredon, le président de l’Ordre. Le champ des possibles est grand. Je suis vraiment très étonné car là où les forces et les outils sont présents pour répondre à la problématique de désertification, avec les IPA et les CPTS, finalement, on ne le rend pas possible. »

Avec leur décision, les parlementaires actent que la coordination « ne peut avoir lieu qu’en proximité, dans un lieu et un temps donné, regrette Patrick Chamboredon. Mais est-ce la réalité ? Combien de territoires sont fragilisés en raison de l’absence de médecins ? »

Un compromis semble avoir été trouvé avec la mise en place d’une expérimentation pour l’accès direct au sein des CPTS, dans six départements, dont deux ultramarins, pour une durée de cinq ans. « Une manière de repousser l’avancée afin de l’enterrer », pense le président de l’Unipa.

Pour l’Oni, cette expérimentation crée des inégalités entre les territoires, « aussi bien pour les patients, que pour les professionnels de santé. »

En attendant, la prochaine étape sera de communiquer sur ce nouveau rôle des IPA, afin de le faire connaître à la population.

Laure Martin 

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