Pratique avancée infirmière dans le PLFSS : la primo-prescription et l’accès direct en question

L'accès des infirmiers en pratique avancée (IPA) à certaines primo-prescriptions médicales, adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, est examinée cette semaine par les sénateurs. Malgré l'opposition des médecins, les organisations infirmières et d'IPA veulent aussi avancer sur l'accès direct des patients aux IPA.

Pratique avancée infirmière dans le PLFSS : la primo-prescription et l'accès direct en question

© Andrei_R / ShutterStock

Le Sénat examine cette semaine en deuxième lecture le texte du PLFSS pour 2022 dans lequel figure un amendement sur la primo-prescription des infirmiers de pratique avancée.

L'amendement, déposé par le gouvernement et adopté en première lecture par les députés, préconise d'organiser l'expérimentation de réalisation de certaines prescriptions médicales par les IPA dans trois régions et pendant trois ans, selon des modalités à préciser par décret.

Il a suscité une levée de bouclier parmi les syndicats représentatifs des médecins et l'Ordre des médecins, au motif qu'une telle mesure provoquerait une « perte de chances » pour les patients concernés.

Malgré ces fortes résistances médicales, la commission des Affaires sociales du Sénat soutient cet article et a enjoint les sénateurs à l'adopter.

Il faudra attendre quelques jours pour connaître la nature de leur vote. Puis la suite de la navette parlementaire dans laquelle l'Assemblée nationale aura le dernier mot. Le suspense est entier.

« Posture politicienne »

Pour Patrick Chamboredon, président de l'Ordre national des infirmiers, le dépôt de l'amendement par le gouvernement et son adoption par l'Assemblée nationale témoignent d'une « prise de conscience de la plus-value que peuvent apporter les IPA sur les territoires et, au-delà, de leur nécessité ».

Un signe « encourageant », selon lui. Mais le président de l'ONI déplore la réaction des organisations médicales, qui crient à la mise en danger des patients : « une fois qu'on a dit ça, on fait quoi ? », interroge-t-il.

Une telle affirmation relève à son avis d'une « posture politicienne » et est d'autant plus « étonnante » qu'elle « n'est pas du tout représentative de ce qui se passe sur le terrain » entre médecins et infirmiers, qui travaillent bien souvent ensemble.

« Ce n'est pas en clivant et en stigmatisant des professions qu'on va faire avancer la prise en charge des patients », ajoute Patrick Chamboredon.

Pour Julie Devictor, présidente du conseil national professionnel des IPA (CNP IPA), l'adoption de cet amendement par l'Assemblée nationale constitue une « avancée » qui va « dans le bon sens mais mais pas assez vite » et reste « minime ».

Selon elle, l'amendement adopté est « limitant » par rapport à sa première version (retoquée à l'Assemblée nationale) car il limite l'accès des IPA à la primo-prescription dans l'espace (trois régions) et dans le temps (trois ans), alors que les besoins des patients, comme les IPA, ne se concentrent pas sur trois régions.

Surtout, regrette-t-elle, « on n'avance pas sur l'accès direct aux patients ». Les IPA qui pourraient participer à l'expérimentation ne pourraient le faire que dans le cadre du protocole d'organisation, qui organise l'orientation préalable des patients par un médecin vers l'IPA.

Et donc auprès de patients qui ne souffrent pas ou peu des difficultés à un médecin. Patrick Chamboredon, qui se dit « agnostique » sur le sujet, estime que la question de l'accès direct ne pouvait pas figurer dans le PLFSS, qui est une loi de financement : « ce n'est pas le bon vecteur législatif pour une telle évolution », selon lui.

Pression sur l'accès direct

Mais ce lundi, les organisations infirmières ont accentué la pression sur les sénateurs. Une trentaine d'organisations ont signé un communiqué commun  leur demandant de soutenir et adopter « les amendements, qui concernent les infirmiers, les infirmiers cliniciens, les infirmiers libéraux, les infirmiers scolaires et du travail, les infirmiers de bloc opératoire spécialisés, les infirmiers anesthésistes, les infirmiers puériculteurs et les infirmiers en pratique avancée », notamment en matière d'accès direct.

Des amendements le prévoyaient mais ont été rejetés par la commission des affaires sociales du sénat. Ses défenseurs ne s'estiment pas vaincus puisque plus de 50 infirmiers, notamment des représentants de toutes les organisations d'IPA, mais aussi des médecins, kinés et psychologues, entre autres, viennent de publier dans le Figaro une tribune insistant sur la nécessité de réintroduire la question de l'accès direct dans le projet de loi. En espérant que le gouvernement propose de nouveau un amendement en ce sens. Seront-ils entendus ?

Pour Julie Devictor, en tout cas, « le temps presse pour deux raisons, selon elle. A cause du calendrier électoral et parce que des IPA sont diplômées depuis 2019 et sont en grande souffrance » car elles se sont beaucoup investies dans leur formation et ne disposent pas, en libéral en particulier, de conditions d'exercice qui leur permettent de vivre de leur activité en pratique avancée.

« A l'échelle de la construction d'une nouvelle profession, ce n'est rien, mais à l'échelle individuelle, il y a des enjeux humains », souligne la présidente du CNP-IPA.

Cette « lenteur » contraste aussi selon elle avec la vigueur avec laquelle Emmanuel Macron, Jean Castex, Olivier Véran et d'autres affirment soutenir la pratique avancée... Pour Patrick Chamboredon, qui préfère considérer que le verre est « à moitié plein », l'évolution des missions des IPA ne peut se dérouler dans un climat d'antagonisme entre professions, « il vaut mieux se mettre autour de la table et discuter ».

Géraldine Langlois

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