« J’avais envie de partager mon expérience »

Dans “Le journal de Célia, infirmière au temps du Covid”, mis en scène et illustré par l’autrice Mademoiselle Caroline, la jeune soignante raconte son quotidien pendant ces mois si particuliers, à partir d’anecdotes réellement vécues. Plus qu’une BD, ce livre est un témoignage authentique, de l’intérieur d’un hôpital, dans lequel de nombreux soignants se reconnaissent. Interview.

Extrait du journal de Célia infirmière au temps du Covid

Extrait du " journal de Célia, infirmière au temps du Covid".

Comment est né ce livre ?

Mademoiselle Caroline, la dessinatrice de la BD et moi sommes amies. Nous jouons dans la même équipe sportive. Pendant le premier confinement, nous nous sommes beaucoup appelées pour échanger des nouvelles. Caroline, qui s’intéresse beaucoup à l’actualité médicale et sociale, m’a questionnée sur les conditions de travail à l'hôpital et le covid. Elle voulait savoir comment je vivais la chose de l'intérieur.

A l’automne 2020, elle m’a proposé de mettre en scène des anecdotes de mon quotidien, sous forme de vignettes BD. Celles-ci ont été publiées sur son compte instagram. Devant leur succès, les éditions Vuibert ont contacté Caroline pour en faire une BD.

Pourquoi vous êtes-vous lancée dans une telle aventure ?

C’était à la fois sortir de mon domaine de compétences et intéressant. Caroline m’a convaincue par son enthousiasme. J’avais envie de partager mon expérience : beaucoup de personnes ne se rendent pas compte de ce que vivent les soignants à l’hôpital au quotidien.

Dès la publication des premières vignettes, nous avons reçu de nombreux messages de soutien de la part d’infirmières et d’aides-soignantes qui se reconnaissaient dans les anecdotes racontées. Des patients du Covid et leurs proches ont aussi écrit pour nous remercier et nous faire part de leur reconnaissance. C’était hyper touchant.

Comment avez-vous travaillé avec Melle Caroline ?

Je notais dans un carnet des anecdotes. Et on s'appelait régulièrement pour que je lui raconte des journées. Il y a des choses qui me paraissaient anodines mais qu’elle trouvait importantes à raconter. Comme quand j’ai dû passer des journées dans un bureau à passer des coups de téléphone pour déprogrammer des opérations. C’était révélateur de la polyvalence dont on a fait preuve (rires). Puis, toutes les semaines, elle m’envoyait des planches, qu’on a retravaillées ensemble. Notamment dans la reformulation de certains propos ou dans les dessins de matériels médical pour que ce soit fidèle à la réalité, tout en étant simple à comprendre pour les non-soignants.

Ce livre se lit comme un document qui retrace la première année de cette épidémie. On y retrouve la pénurie de matériel, l’explication de ce qu’est la réa…  

La peur aussi ! Au tout début de l’épidémie, les soignants n’en savaient pas beaucoup plus que le grand public sur ce Covid. Sauf que nous prenions en charge les patients atteints par ce virus. Et, réellement, on a eu peur. Mes collègues qui travaillaient dans les services Covid se douchaient à la bétadine et se récuraient les ongles après chaque service. Elles avaient peur de contaminer leur famille ou les voyageurs dans les transports. 

Malgré le fait de parler de situations graves, le livre est parcouru d’humour… C’est important pour vous ?

J’utilise beaucoup l’humour et le jeu au quotidien à l'hôpital. L'humour permet d’approcher plus facilement mes patients enfants et adolescents et ça crée de la confiance. Avec Caroline, nous n’avons pas cherché à être drôle, ça s’est fait tout seul. Cela correspond à nos personnalités à toutes les deux.

A cause de la crise, de l’épuisement, du manque de reconnaissance, des mauvaises conditions de travail etc. de nombreux personnels paramédicaux ont décidé d’arrêter le métier. Pas vous.

Je comprends parfaitement ces personnes et la fatigue générale ressentie. Ces soignants ont travaillé comme des acharnés. En tant qu’infirmière-puéricultrice, j’ai été moins touchée que mes collègues qui travaillent auprès d’adultes. Et comme notre service était calme pendant cette période, tandis qu’il y avait d’importants besoins dans les autres services, nous avons été mises à contribution en réa, en infectieux et aux urgences. On a surtout apporté une aide complémentaire pour préparer les pousse-seringues, les médicaments, aider les aides-soignantes à faire les toilettes… Les équipes en place des services en question restaient responsables des patients Covid à 100%. C’est pourquoi, j’ai mieux vécu la crise sanitaire que d’autres. Par ailleurs, j’adore mon métier. Je ne me vois pas faire autre chose.

Que retiendrez-vous de cette période ?

La solidarité entre tous les services. Tout le monde a mis du sien pour s’entraider, se soutenir. C’est pas tous les jours qu’on voit ça à l'hôpital. Et puis, je n’avais jamais connu une telle reconnaissance de la part des patients.

Qu’est-ce que ce livre vous a apporté ?

En tant qu’infirmière je n’étais pas destinée à écrire une BD. C’est une belle aventure. Avec Caroline, on a beaucoup réfléchi à la manière de terminer la BD. On s'est beaucoup posé la question d’aborder la vaccination. Mais on ne voulait pas rentrer dans des questions pour ou contre. En revanche, c’était très important pour nous de terminer sur une note positive. Je trouve que Caroline l’a super bien illustré.

Propos recueillis par Alexandra Luthereau

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« Le Journal de Célia, infirmière au temps du COVID, et autres récits »,
de Mademoiselle Caroline et Célia
Editions Vuibert, paru mai 2021 

 

 

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