Que faire face au racisme dans le secteur de la santé ?

L’éthique qui règne dans le milieu du soin devrait y rendre toute forme de racisme impossible. Pourtant, les discriminations à l’hôpital ou en cabinet existent et leurs victimes, qu’il s’agisse de patients ou de professionnels de santé, sont souvent démunies.

Que faire face au racisme dans le secteur de la santé ?Deux affaires sont venues ces dernières semaines rappeler la triste réalité du racisme dans le secteur de la santé.

La première est intervenue au mois d’août, quand le collectif de soignants « Globule noir » a relayé sur Twitter une brève liste de gynécologues noirs et une demande de coordonnées d’une Idel « racisée », à l’usage des patients s’estimant mal pris en charge par les professionnels dont la peau est blanche.

La seconde a été révélée par Médiapart au mois de septembre, quand des paramédicaux de l’hôpital pédiatrique Robert-Debré à Paris ont accusé leur direction de n’embaucher depuis dix ans que des soignants d’origine européenne. Dans un cas comme dans l’autre, une même question se pose : quelles sont les voies de recours pour ceux qui s’estiment victimes de discrimination raciale ?

« Il est a priori très difficile pour une personne victime de discrimination d’en apporter la preuve », prévient Yannick L’Horty, professeur d’économie à l’université Gustave Eiffel de Marne-la-Vallée dans le Val-de-Marne.

Ce chercheur, qui rédigé divers rapports sur les discriminations à l’embauche dans l’emploi public (voir ici et ), prend l’exemple du recrutement. « Un candidat ne voit qu’une toute petite partie de processus, il ne voit ni ce qui se passe dans la boîte noire du recruteur, ni les profils des autres candidats », détaille-t-il. Difficile, dans ces conditions de démontrer qu’on a été injustement écarté.

Vraie offre, faux CV

La seule solution pour objectiver une discrimination est de recourir au testing. C’est ce que fait Yannick L’Horty dans le cadre de es recherches. « Nous répondons à de vraies offres d’emploi en envoyant des CV fictifs, qui ne diffèrent que par le patronyme ou le lieu de résidence, détaille l’économiste. Nos tests répétés indiquent de façon constante qu’il y a des discriminations dans la fonction publique hospitalière, ainsi que dans la fonction publique territoriale. »

Cette logique, qui correspond à une démarche scientifique, peut-elle être utilisée dans le cadre d’un individu qui voudrait prouver le caractère discriminatoire d’une réponse négative à un dépôt de candidature, ou à une demande de rendez-vous chez un professionnel de santé ? Pauline Birolini, responsable du pôle juridique chez SOS Racisme, pense que oui. « Ce qu’on essaie de conseiller aux personnes qui nous appellent, c’est de procéder par testing, explique-t-elle. On appelle avec plusieurs profils, avec des noms à consonnance différentes. »

De même, s’il s’agit de propos discriminatoire, Pauline Birolini conseille d’enregistrer la personne, « même s’il n’est pas facile de retourner la voir une fois qu’on a été discriminé ». Il est selon elle important de surmonter ces difficultés, car l’enjeu est crucial : il s’agit, précise la responsable du pôle juridique d’SOS Racisme, de « voir si l’on peut avoir un commencement de preuve, et ensuite saisir les autorités compétentes ».

En route vers les tribunaux

Car bien sûr, l’idée est que l’auteur de la discrimination réponde de ses actes. « S’il s’agit d’un professionnel de santé, on peut se tourner vers la CPAM [Caisse primaire d’Assurance maladie, ndlr], ou vers l’Ordre », indique Pauline Birolini. Dans tous les cas, celle-ci conseille de saisir la justice, même si elle reconnaît qu’étant donnée la difficulté de prouver les faits, « très peu de procédures aboutissent ».

Pour mettre toutes les chances de son côté, la responsable de SOS Racisme estime qu’il peut être utile de saisir en parallèle le Défenseur des droits, qui dispose de pouvoirs d’enquête étendus, et qui peut donc apporter des éléments utiles dans le cadre d’une procédure judiciaire.

De manière plus générale, l’important est de ne pas rester seul face aux discriminations. En s’adressant à une association spécialisée (SOS Racisme ou une autre), en faisant appel au Défenseur des droits, on multiplie ses chances de pouvoir prouver les faits, mais on œuvre aussi pour la collectivité : si plusieurs demandes concernant le même employeur ou le même professionnel de santé aboutissent sur les bureaux de ces acteurs, cela les aidera à faire cesser les agissements incriminés.

Comme souvent, c’est l’union qui fait la force.

Adrien Renaud

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Réactions

1 réponse pour “Que faire face au racisme dans le secteur de la santé ?”

  1. Vous dites n’imp dit :

    Globule Noir n’a jamais diffusé de listes. Vérifiez vos sources au lieu de risquer un procès pour diffamation !!

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