Carnets de bord Covid : quand les soignants se livrent

Les bouleversements induits par la crise sanitaire du Covid-19 depuis début mars ont conduit certains soignants à tenir un « journal de bord » de leur « traversée » de cette période inédite. Sur le web, en vidéo, photo ou podcast, ils témoignent de la manière dont ils vivent cette crise.

Carnets de bord Covid : quand les soignants se livrentQuand les universités ont fermé, Nathalie Roy (52 ans) actuellement en master préparant au diplôme d'Etat d'infirmier en pratique avancée, s'est proposée pour prêter main forte aux équipes hospitalières sur la brèche dès le début de la crise sanitaire.

Elle s'est retrouvée dans le service Covid d'un établissement de l'AP-HP – et seule le reste du temps dans un logement proche de l'hôpital « pour ne pas ramener le virus chez moi », raconte-t-elle. Elle a commencé très rapidement un blog, Jourdinfirmière, qu'elle a tenu pendant le mois où elle a travaillé dans ce service. « Au départ, c'était un moyen de montrer à tout le monde, notamment les non soignants qui nous admirent ou se posent des questions, ce que l'on vit à l'hôpital en tant qu'infirmière, raconte-t-elle. Il y a tellement d'informations contradictoires qui circulent... »

Fatigue et colère

Elle y exprime les émotions qu'elle ressent face aux patients : « les conditions dans lesquelles ils traversent la maladie voire la fin de vie, sans visite, sans contact, m'ont choquée, poursuit Nathalie Roy. J'avais mal pour eux. »

Elle évoque aussi sa fatigue, parfois sa colère devant certaines incohérences, par exemple sur la répartition des moyens de protection ou la possibilité pour les soignants (et au-delà pour l'hôpital) d'accéder à des moyens de protection suffisants. Aussi, « je me suis aperçue que certaines choses étaient indicibles pour des personnes qui ne sont pas du métier », remarque-t-elle. Elle ajoute: « au fur et à mesure, tenir ce blog me faisait du bien. Il m'aidait à mettre mon cerveau en off. » Elle envisage d'ailleurs de poursuivre ce « journal intime, pas intime, de [sa] vie professionnelle ».

Pour Vanessa Morales, infirmière aux urgences, le carnet de bord qu'elle a tourné en vidéo pendant un mois et demi est un « one shot » en revanche. Traileuse semi-professionnelle, elle est souvent filmée dans ses aventures sportives.

Son ami réalisateur, Patrick Foch, lui a proposé d'emporter une caméra avec elle quand quand elle a quitté son logement et sa famille pour se confiner, seule, près de la clinique où elle travaille, dans la région toulousaine. Elle s'est filmée tous les jours durant cette parenthèse. « Je n'avais pas d'objectif précis, au début, témoigne-t-elle. Juste d'être dans le vrai. » Et peu à peu elle a souhaité faire de ce journal vidéo un hommage pour « tous [ses] collègues de France ».

Complicité entre soignants

La clinique l'autorise à filmer et dans le service, ses collègues acceptent la caméra. Sans filtre, elle filme leurs échanges dans le poste de soins, la manière dont ils accueillent les nouveaux patients, dont ils s'équipent pour aller auprès des patients Covid, dont ils prennent soins d'eux.

Elle filme aussi les moments de pause et de complicité entre soignants, tout, ou presque. Le fait de se filmer au travail « nous a aidés à relativiser, car c'était compliqué pour tout le monde, et à relâcher un peu la pression », souligne Vanessa Morales.

Dans son appartement, après le travail, elle livre aussi ses sentiments et ses moments de blues, notamment face à la solitude. Le film est finalement diffusé le 4 mai sur France 3 (et est disponible en replay jusqu'au 3 juin). Les nombreux « retours positifs » sur le film sont, pour Vanessa Morales, sa « meilleure récompense ».

Blues et coups de gueule

Myriam, infirmière libérale dans un secteur très rural du centre de la France, apprécie aussi beaucoup les échanges qu'elle a avec les lecteurs du blog La petite infirmière dans la prairie, qu'elle tient depuis environ quatre ans.

Elle publie beaucoup plus souvent qu'avant, quasiment tous les jours, depuis le début de la crise sanitaire, et notamment « depuis les premiers jours du confinement, quand on a commencé à avoir du mal à se procurer du matériel de protection », explique-t-elle.

Le virus a profondément bouleversé son quotidien, personnel (qu'elle évoque beaucoup plus qu'avant) mais aussi professionnel, même si elle travaille dans une région où le coronavirus n'a pas été le plus actif. « Il a fallu tout changer, remarque Myriam. Et aussi désinfecter la voiture tous les jours, remettre une tenue d'hôpital pour faire la tournée, se doucher dès qu'on rentre, faire tourner des machines. C'était lourd... »

Sans parler de la difficulté de trouver des moyens de protection, sujet de « coups de gueule ». Elle évoque aussi les relations avec les patients, leur réactions face au confinement : « tout l'un ou tout l'autre »... Myriam n'a pas eu de mal à trouver le temps et l'inspiration pour écrire. Au contraire : « cela m'a fait du bien, ajoute-t-elle. Grâce aux réactions des lecteurs, j'avais l'impression de ne pas être toute seule ».

Géraldine Langlois

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