Covid-19 : un impact sans précédent sur les urgences

Les services des urgences sont en première ligne pour recevoir les patients porteurs ou suspects d’infection au Covid-19. Quel impact sur leur organisation ? Deux infirmiers témoignent.

Le Dr Marc Noizet, chef des urgences de l'hôpital de Mulhouse (Haut-Rhin) a annoncé le 17 mars l’évacuation sanitaire de malades du coronavirus le 18 mars par avion depuis l'hôpital de Mulhouse jusqu'à un établissement de Toulon (Var).

Le Haut-Rhin est l’un des départements les plus touchés par le Covid-19. La porte d’entrée des patients face à la maladie s’avère, bien entendu, être les urgences. « Nous faisons partie des premiers établissements à avoir pris en charge des patients atteints du coronavirus, témoigne Daphné*, infirmière aux urgences du CHU de Mulhouse et membre du collectif Inter-urgences. Notre service a été réorganisé plusieurs fois. »

Séparation du service

Dernière organisation actée : une séparation du service en deux, avec d’un côté la prise en charge des urgences médicales adultes, et de l’autre celle des patients atteints ou suspects d’infection au coronavirus, la traumatologie étant désormais déléguée à un autre service pour éviter les contaminations.

Cette séparation est indiquée sur les portes, les ambulanciers en sont informés et les deux infirmières d’accueil s’assurent de la bonne orientation des patients. Mais comme le bâtiment est ancien, un poste communique entre les deux séparations. « Nous faisons donc très attention lorsque nous y accédons, rapporte Daphné. Nous changeons nos gants, nous nous déshabillons. » Pour le moment, dans son service, trois/quatre soignants sont en arrêt maladie car ils ont eu de la fièvre « mais nous ne savons pas vraiment s’ils ont été contaminés », ajoute l’infirmière, précisant que sa crainte est de transmettre la maladie à ses proches.

Depuis la crise sanitaire, le nombre d’urgences ″standards″ a nettement diminuée au CHU de Mulhouse. « Nous ne savons pas où vont les patients mais aujourd’hui, 80 % de ceux que nous prenons en charge viennent pour le Covid-19 », indique Daphné.

Et dès lors qu’ils ont une toux sèche et de la fièvre, ils sont orientés dans la partie dédiée des urgences avant d’être réorientés.

Un centre de dépistage

C’est le cas aussi à Paris, où le flux de patients au sein des urgences de l’un des hôpitaux de l’AP-HP a diminué progressivement. « Cela s’explique de plusieurs manières, indique Sophie*, infirmière au sein des services des urgences de l’établissement et également membre du collectif Inter-urgences. Soit les personnes respectent les mesures de confinement, soit elles ont un problème de santé, mais ont compris que les urgences étaient débordées et passent par la médecine de ville, soit elles ont un problème de santé mais craignent une contamination et n’y vont pas. »

Et de poursuivre : « L’avantage c’est que nous régulons mieux les flux mais il ne faut pas pour autant tomber dans l’excès inverse. Les patients dans le besoin doivent avoir accès à un avis médical si besoin. »

Néanmoins, cela ne veut pas dire pour autant que le service est moins saturé, car les patients en suspicion de Covid-19 sont nombreux. D’ailleurs, « le coronavirus a modifié notre organisation des soins », explique Sophie.

Au départ, les soignants des services d’urgence ont dû faire face à des suspicions d’infection au coronavirus alors même que les structures n’étaient pas réorganisées pour leur prise en charge. « Aux urgences, nous avons une salle d’attente et des box, mais avec le coronavirus, les patients doivent être isolés, raconte Sophie. Ils doivent donc suivre un parcours dédié, qui fonctionne très bien. Nous avons l’habitude de le mettre en place notamment l’été pour le MerS-CoV. »

Les patients « suspects » passaient ainsi par les urgences sans être examinés et étaient transférés vers le service de médecine infectieuse et tropicale. Mais depuis un mois, un centre d’orientation et de dépistage a été monté en amont des urgences pour les patients présentant des symptômes respiratoires afin d’éviter la contamination et la surcharge aux urgences.

Au départ, ce centre était situé à l’arrière de l’hôpital. Mais très vite pris d’assaut par les patients, il a été installé au sein des urgences, sur le circuit court, en présence d’un infectiologue pour constater les signes de gravité.

Soit il demandait aux patients de rentrer chez eux en leur donnant des conseils de surveillance, soit il demandait aux urgences de les prendre en charge. Mais depuis le 13 mars, un centre global a été installé à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu pour tous les patients valides sans critères de gravité, orientés soit par le centre 15, soit par un médecin, pour effectuer du dépistage. Il aurait vocation à disparaître également.

Renforts dans les services

Au CHU de Mulhouse, les urgences bénéficient de renfort depuis le 16 mars pour faire face à la crise sanitaire. Une clinique privée a mis à disposition des infirmiers anesthésistes et des infirmiers de bloc opératoire. « Au sein de notre établissement, les opérations ont été annulées donc le personnel du bloc vient également nous aider, indique Daphné. C’est le cas aussi des soignants des autres services. Le seul inconvénient, c’est qu’ils ne connaissent pas le service. » Au sein du service des urgences de Sophie, « nous avons un renfort en personnels au jour le jour, mais rien n’est fixe ni acté, explique-t-elle. Pour l’instant, cela suffit, mais c’est le calme avant la tempête ».

Côté équipement, à Mulhouse, les soignants n’ont pas été en manque de matériel : masques chirurgicaux, FFP2, gels hydro-alcoolique et surblouses. « C’était compliqué au départ de travailler avec autant d’équipement, mais nous ne manquons de rien », fait savoir Daphné. A l’AP-HP, « la gestion du matériel est difficile, reconnaît Sophie. Pour le moment, nous en avons encore assez mais le mot d’ordre est de le rationner. »

Laure Martin

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*Les prénoms ont été modifiés.

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