Covid-19 : la livraison de masques attendue par les soignants

Ils se font attendre et semblent arriver progressivement auprès des infirmiers libéraux et hospitaliers. Mais en quantité limitée. Pourtant, ces dernières semaines, les infirmiers sont sollicités de toute part pour prendre en charge les patients touchés par le Covid-19. Au péril de leur santé ?

Covid-19 : la livraison de masques attendue par les soignants« Par mesure de précaution, nous demandons aux infirmiers libéraux de retirer leur caducée de leur voiture, alerte Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers (Fni). On nous a remonté des cas d’Idels agressées et de casses de voiture, afin de voler leur matériel notamment les masques. Elles doivent faire très attention. » Vols de masques en pleine pénurie… La situation devient compliquée sur le terrain.

Une distribution restreinte

Le manque de matériel pour se protéger et protéger les patients d’une infection au Covid-19, énerve, irrite, fait peur.

Le président de la République a annoncé lundi soir l’envoi de masques pour les soignants dès mardi soir dans les départements les plus touchés et mercredi pour le reste de la France. Qu’en est-il sur le terrain ?

« Dans le Vaucluse, mon territoire d’exercice, j’ai effectué un sondage, et plusieurs Idels m’ont confirmé que les pharmacies recevaient les stocks aujourd’hui, indique Catherine Kirnidis, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil). « Une vingtaine de départements auraient été approvisionnés hier, fait savoir Daniel Guillerm. Mais on se rend compte, d’après les remontées de terrain, que dans les pharmacies, l’application des consignes nationales est hétérogène. Dans certains territoires, les officines réservent les masques aux médecins et aux chirurgiens-dentistes et n’en donnent que peu ou pas aux Idels. » Une réunion intersyndicale est prévue, l’occasion de faire remonter cette information pour agir sur le terrain.

Sur les réseaux sociaux, les Idels sont nombreuses à dénoncer l’arrivée des masques en pharmacie en quantité insuffisante. « Une seule boîte de cinquante masques chirurgicaux obtenue ce matin à la pharmacie, peut-on lire sur un groupe Facebook dédié aux Idels. Après appel du pharmacien, j’ai pu aller la récupérer avec ma carte professionnelle et surtout en langage codé pour ne pas se faire agresser. La dite boite est mise dans un sac papier.»

Autre témoignage sur le même groupe : « Ma pharmacie a reçu dix paquets de cinquante masques pour ma commune alors que la Cpam nous sollicite pour prendre des patients infectés à domicile. Quel scandale les libéraux en première ligne sans matériel !!! »

Soins vs protection

« Notre consigne reste de dire que si vous n’êtes pas équipés, n’allez pas prendre en charge les patients », rappelle Catherine Kirnidis. D’autant plus que les soignants peuvent être vecteurs de contamination.

Même discours du côté de la FNI. « Tout le monde est prêt à faire son travail, mais dans des conditions de sécurité minimale, rapporte Daniel Guillerm. L’équipement des Idels est d’autant plus important qu’à défaut de prise en charge des patients en ville, la saturation des établissements hospitaliers va se poursuivre. » Et de regretter : « Il est cependant illusoire de penser que les Idels vont être équipées de tout. Il faut donc plus que jamais respecter les gestes barrières et éviter de ramener les objets usuels chez soi, comme le téléphone. Des gestes simples peuvent sécuriser les prises en charge. »

Solidarité…

« Pour le moment, dans le Vaucluse, nous n’avons pas de cas à prendre en charge, raconte Catherine Kirnidis. Mais nous nous organisons en prévision et dans la dynamique des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) en cours de construction, nous échangeons entre professionnels. Les kinésithérapeutes, les pédicures-podologues et les orthophonistes, qui disposent de stocks de masques, ont proposé de les mettre à disposition des Idels. La solidarité s’organise sur les territoires. Mais sans les CPTS, j’en pense qu’il aurait été plus difficile de nous contacter les uns, les autres. D’ailleurs, nous essayons d’intervenir dans le reste du département où il n’y a pas de CPTS pour mettre en place des points de récupération de masques. » Au-delà des masques, une organisation doit également être mise en place pour les sur-blouses, indispensables pour prendre en charge les patients atteints du Covid-19 et éviter la propagation de la maladie. « En avoir en nombre suffisant signifie en avoir une par patient… », précise Catherine Kirnidis.  

… Et débrouille

Face à la situation, des systèmes D se mettent donc en place. « Certaines personnes, non professionnel de santé, donnent aux Idels les masques qu’ils possèdent, indique Daniel Guillerm. Tout n’est pas noir. »

D’autres Idels se lancent dans la couture.  C’est le cas de Jack et Céline Horte infirmiers libéraux à Baho, dans les Pyrénées Orientales. « Depuis le début de l’épidémie, nous sommes dans l’attente des masques FFP2 pour nous protéger et protéger les patients que nous prenons en charge, raconte Jack. Nous sommes prioritaires, au même titre que les médecins. »

Mais en début de semaine, ils n’avaient toujours rien reçu. « Ma femme a donc décidé de nous fabriquer des masques en tissus en suivant les étapes d’un document transmis par le CHU de Grenoble. »

Le couple a même décidé d’aller plus loin. « Avec mon épouse, nous avons installé dans notre garage un sas de décontamination, par lequel nous passons dès que nous rentrons de notre tournée, explique Jack. Nous nous désinfectons au gel hydroalcoolique en entrant dans le garage, nous nous y déshabillons, mettons le linge à laver, retirons nos chaussures, mettons des sabots, nous nous désinfectons les mains après l’ouverture de la porte menant à la salle de bain. Ensuite, nous nous douchons et nous nous habillons avec des vêtements d’intérieur propre. Cela nous permet de réduire au maximum la présence du virus au sein de notre maison. Si nous avons deux tournées dans la journée, nous respectons ce procédé les deux fois. »

Les deux Idels ont également décidé de passer au cran supérieur en bâchant une partie de leur parking pour le décontaminer avec du produit utilisé pour la désinfection des surfaces médicales. 

Côté hospitalier

La situation est loin d’être au beau fixe côté hospitalier également. Dominique Pon, directeur de la clinique Pasteur de Toulouse vient de lancer un appel sur Linkedin : « Bonjour à tous,
je n’ai pas pour habitude de solliciter mon réseau LinkedIn mais j’ai vraiment besoin d’aide. Nous n’avons pas assez de masques chirurgicaux et masques FFP2 pour soigner.
Les annonces gouvernementales de déblocage des livraisons de masques n’ont pas encore pris effet sur le terrain et nous sommes actuellement en situation extrêmement difficile. Merci de tout cœur pour l’aide que vous pourriez m’apporter en cette sombre période. »

« Globalement, partout, il y a d’importants problèmes avec l’approvisionnement en masques FFP2, fait savoir Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI). En dehors des services spécialisés comme la réanimation, la pneumologie et les maladies infectieuses, il n’y en a quasiment pas. »

Quant aux masques chirurgicaux, la situation est également compliquée. « Il y a environ deux masques distribués par prise de poste voire trois si l’infirmière est en douze heures, ajoute-t-il. La distribution est donc contingentée. »

La situation semble sous contrôle dans le Grand-Est, et encore, de manière sélective. « A Mulhouse, ils ont ce qu’il faut en termes de matériels, mais sur des quantités minimes, indique Céline Laville, présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI). En revanche à Belfort et  Montbéliard, qui ne font pas partie de la région Grand-Est mais qui sont pourtant impactés par l’activité de Mulhouse, les établissements hospitaliers ne font pas partie des hôpitaux prioritaires pour les commandes de masques. » La situation reste donc tendue et la livraison des masques est attendue de pied ferme.

Laure Martin

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