Suicide chez les soignants : le ras-le-bol à l’hôpital

Après l’énième suicide d’une infirmière exerçant à l'hôpital Saint-Louis le week-end du 10 juin, la CGT-USAP sonne le signal d’alerte, exigeant une vraie réponse de la part de l’AP-HP. 

 
Suicide chez les soignants : le ras-le-bol à l’hôpital« A l’hôpital, ça craque de partout. On en a marre de subir, fuir, et mourir. » Par ces mots, Yann Flecher, infirmier, et en charge de la communication de la CGT-USAP, exprimait vendredi matin, la colère de ses pairs face aux suicides qui touchent les infirmières. « Nous avons une pensée pour nos collègues qui ont mis fin à leurs jour », a-t-il ajouté dans son microphone. En face du siège de l’AP-HP, le syndicat et ses membres avait en effet bien l’intention de demander des comptes à la direction de l’institution, dont les méthodes de management sont vivement contestées. 
 
Sans doute pensait-il tout particulièrement à Elisabeth, une infirmière de 35 ans qui exerçait à Saint Louis et qui s’est suicidée début juin, en rentrant de son service. Ses collègues en avaient témoigné, les conditions d’exercice au sein de l’équipe de l’infirmière étaient pour le moins compliquées. L’AP-HP, contactée, n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.
 
Face à la cadence qui augmente de plusieurs points chaque années, face aux restrictions économiques, l’hôpital est devenu une usine, « où l’efficience a remplacé le mot humain », selon Yann Flecher. Les  changements de paradigmes font de l’hôpital une industrie, avec pour credo « flux tendu, zéro défaut, juste à temps », a déclaré Patrice, un infirmier à la retraite, en poste 40 ans à Tenon, venu assurer son soutien au syndicat. Pour lui, le management actuel « casse les solidarités, les équipes sont atomisées, on passe du jour à la nuit, du matin au soir… »

Des causes multifactorielles

« Il y a les suicides mais pas seulement, il y a aussi les tentatives de suicides, et nos collègues qui sont des zombies au travail. Qui arrivent avant et repartent après, qui ont de longues heures de transport », a lâché Grégory Boulard, infirmier et secrétaire aux revendications du syndicat. 
 
Au coeur de ce système délétère, tous les personnels sont concernés : médecins, agents, aide-soignants, et bien sûr infirmières. « Elles sont le coeur de l’hôpital, a estimé Patrice. Si les ouvriers spécialisés sont les aide-soignants, les infirmières sont les ouvrières hautement qualifiées », a-t-il poursuivi en une métaphore filée pleine de sens.
 
Yann Flecher a avancé que « les causes des suicides étaient connues depuis plusieurs années » : augmentation de l’activité, dégradation continue des conditions de travail et perte de sens généralisée qui en découle. Mais « l’AP-HP nie les liaisons entre travail et suicide », déplore-t-il. 
 
La question du suicide, qui dépasse le travail d’une « simple » commission constitue un problème national. Rose-May Rousseau, secrétaire générale du syndicat, espère « sortir du tabou », et obtenir les véritables chiffres des suicides, qu’elle estime minorés.

L’AP-HP, sommée de réagir

Vendredi 23 juin, les personnels de santé réunis sont arrivés avec des demandes claires, puisqu’ils devaient remettre à la direction de l’AP-HP un cahier de revendications signé par les 56 syndicats CGT de l’AP-HP. Parmi les priorités absolues, l’abrogation de l’arrêté d’avril sur l’organisation du temps de travail (OTT), qui engendre déréglementation et flexibilité des horaires, mais aussi la suspension des fermetures de crèches et centres de loisirs, l’arrêt des fermetures de lits ou de services… Et une demande de bilan médico-social du personnel de l’AP-HP.
 
L’AP-HP a réuni vendredi après-midi un CHSCT central extraordinaire sur la prévention et la gestion de la souffrance au travail, où un bilan de l’activité de la cellule centrale de prévention et d’analyse des suicides et tentatives des suicides (CCPAS), créée en 2014, a été présenté. Un communiqué de presse de la direction publié à la suite stipule que « les deux plans d’action-mis en place pour améliorer la qualité de vie au travail et lutter contre le risque suicidaire- illustrent la volonté de l’AP-HP pour la résolution des situations de souffrance au travail dont les causes peuvent être diverses : la nature même de l’activité hospitalière, les moyens matériels et organisationnels, les conditions d’exercice particulièrement compliquées en Île-de-France. »
 
Pas sûr que cette argumentation ait convaincu les personnels, puisqu’à l’issue de cette réunion, la CGT et Sud ont déposé un « DGI » (Danger Grave et Imminent, ndlr) pour l’ensemble des agents de l’AP-HP ainsi que des personnels médicaux. Seul l’avenir dira dans quelle mesure la direction analyse -et prend en compte- les revendications des syndicats engagés. 
 
A plus haut échelon, les infirmiers présents ne semblaient pas très optimistes face à la nomination d’Agnès Buzyn au Ministère de la Santé, notamment pour ses liens présumés avec l’industrie pharmaceutique, et aussi parce que le suicide d’Elisabeth n’a, jusqu’à présent, suscité aucune réaction ni prise de contact de la part des autorités. 
 
 Delphine Bauer

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Réactions

3 réponses pour “Suicide chez les soignants : le ras-le-bol à l’hôpital”

  1. Anne dit :

    oui cela s’appelle le nouvel esclavage

  2. et svt conditions deplorables ds le privé traités comme des esclaves !!

  3. Rami Elleuch dit :

    Travail fatigant …..

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