Polémique: Interview du président de l’hospitalisation privée

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Un communiqué de la fédération de l'hospitalisation privée demandant une réforme de la formation infirmière a fait réagir bon nombre de professionnels, y compris dans nos colonnes. Son président Jean-Loup Durousset répond à nos questions.

Polémique: Interview du président de l'hospitalisation privée

Jean-Loup Durousset, président de la fédération de l'hospitalisation privée - © FHP

ActuSoins : Vous semblez regretter des études infirmières trop "sélectives", ou "trop difficiles". N’est-il pas normal et indispensable d’avoir un filtre minimal ?

JLD : Nous ne remettons pas en cause la qualité des études. Ce que nous regrettons, c’est une jeunesse au chômage et un secteur d’activité qui manque de professionnels  qualifiés !

De plus, les quotas à l’entrée en études infirmières sont fixés selon les besoins, déterminés à l’avance, en personnel soignant. Mais de 30 000 étudiants prévus par décret, on arrive à 24 000 en fin de cursus. Au-delà des raisons d’une telle perte, si celle-ci est prévisible, augmentons l’entrée à 36 000 pour arriver aux 30 000 en fin de  troisième année !

D’autre part, pourquoi ces étudiants interrompent-ils leurs études ? Il faut quand même se poser la question. S’ils arrêtent à cause de problèmes financiers, c’est vraiment dommage, d'où cette volonté de les accompagner et de développer l’apprentissage.

Vous regrettez une formation “en alternance encore trop fermée sur elle même”. Une réforme a eu lieu en 2009, les études infirmières sont désormais intégrées dans le cursus Licence Master Doctorat et les étudiants ne sont pas encore diplômés. Pourtant, vous souhaitez déjà la réformer...

Nous sommes surtout étonnés de voir qu’on n’arrive pas à mettre en place la Validation des Acquis de l’Expérience, contrairement à toutes les autres formations. Pourquoi proposer à tous les professionnels le même parcours ? Pourquoi ne pourrait-on pas faire gagner du temps à des professionnels comme les aides-soignants ?

La formation est au cœur de notre préoccupation, et nous constatons que le système actuel ne répond pas aux attentes des employeurs et des employés. D’où notre investissement dans le débat. Nous faisons beaucoup  d’efforts pour financer la formation continue, mais aujourd’hui tout le système est bloqué.

Vous demandez à être intégré de façon plus importante dans la formation initiale en IFSI...

Si nous arrêtons d’accueillir les étudiants infirmiers sur les terrains de stage, c’est toute la formation, sur toute la France, qui est bloquée. Comment se fait-il que le secteur privé n’y soit jamais associé ? Combien de fois la présentation du privé a-t-elle lieu dans les IFSI ?

Si on joue sur l'alternance, il faut nous y associer complètement. Tous les acteurs du système emploient des professionnels infirmiers, il n’y a aucune raison que ce système soit cloisonné.

Si certains établissements privés ne recrutent pas, n’est-ce pas aussi et surtout parce les salaires ou les avantages ne sont pas à la hauteur ? La grille infirmière conventionnelle du secteur privé n’est pas particulièrement élevée...

A partir du moment où il y a pénurie, on entre dans une spirale qui n’est pas saine.
Aujourd’hui, nous faisons beaucoup pour recruter des infirmières : nous créons des primes, nous mettons en place des mesures qui sont à la limite du raisonnable sur le plan économique.

Ces gros efforts financiers, nous les faisons au détriment des autres catégories, qui peuvent se sentir abandonnées. L’aide-soignante, ou le brancardier, n’aura pas les mêmes avantages, alors qu’il fait partie de la même équipe. Ce sont des situations sources de tension sociale.

Or, tout le monde le sait, nous sommes actuellement déjà dans un contexte de forte tension, lié au déficit de la Sécurité Sociale.

A la lecture du communiqué de la FHP, on a finalement l’impression que vous cherchez tous les moyens pour inverser le rapport de force entre IDE et employeurs. Avec à la clé une pression moins forte sur les structures privées et une marge de négociation moins forte pour les professionnels infirmiers.

Encore une fois, ce n’est pas quand il y moins de salariés que les choses s'améliorent. S’il y a une pression forte par une pénurie, la construction salariale n’est pas bonne. Ce qui nous importe, c’est un effectif stable dans lequel les relations sont sereines. Quand on est sur la pression de la pénurie, on reconnaît le manque, pas la compétence. C’est une vision extrêmement court terme.

Ce que j’entends de la part des infirmières avec qui je travaille, ce ne sont pas forcément des revendications salariales. C’est le manque d’effectif, la tension permanente. Quand vous n’êtes pas certain de pouvoir aller chercher vos enfants à l’école le soir parce que vous n’avez pas de relève, cela crée un stress. Cette pénurie n’est définitivement bonne pour personne.

Propos recueillis par Thomas Duvernoy

Pour aller plus loin :

Communiqué du 28 juin de la FHP

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