Le boom des cagnottes en ligne pour financer le reste à charge

Les demandes de financement participatif pour payer des frais liés à la santé non pris en charge par la solidarité nationale se multiplient sur les plateformes en ligne. Avec plus ou moins de succès.

Entre 2017 et 2018, le volume financier des cagnottes concernant des sujets « médicaux » a doublé en volume et devrait à nouveau doubler en 2019, indique Benjamin Bianchet, directeur général de Leetchi, du fait de l'augmentation du nombre de « grosses » cagnottes. Ce type de collecte est le deuxième, en termes de volumes, des « cagnottes solidaires » (c'est-à-dire accessibles à tous) de cette plateforme, après celles visant l'entraide.

Le financement du « reste à charge » représente environ 10% des cagnottes solidaires de la plateforme On participe... et la quasi totalité de celles de La cagnotte des proches, créée dans cet unique but par une ancienne infirmière. Anne-Sophie Roturier s'est inspirée des cagnottes qui existent aux Etats-Unis. Certes, la protection sociale à la française laisse beaucoup moins de dépenses de santé à la charge des patients que celle en vigueur outre-atlantique, mais les personnes confrontées, pour elles-mêmes ou leurs enfants, à certaines maladies physiques ou psychiques ou au handicap doivent parfois financer des dépenses qui dépassent leurs moyens, souligne-t-elle.

Accident de la vie

Sur sa plateforme, la moitié des projets concernent « les soins dits de "support" pour des personnes atteintes de cancer, comme la sophrologie, l'acupuncture, des accessoires comme les perruques, certains soins pour la peau abimée par la radiothérapie », observe Anne-Sophie Roturier. Les autres portent sur les dépenses annexes comme l'achat de matériel médical, les frais d'accompagnement d'un enfant hospitalisé ou l'aménagement du logement pour l'adapter à une incapacité. « Bien souvent, c'est plus pour faire face au nouveau mode de vie entraîné par les complications de l'état de santé des personnes ou de leur enfant », souligne Jean-Christophe Macé, directeur général de On participe.

Ces types de dépenses se retrouvent sur les autres plateformes, dans un « ordre » de fréquence plus ou moins différent. Sur Leetchi, les dépenses annexes liées à l'état de santé des personnes arrivent après celles qui concernent des traitements ou des interventions chirurgicales que les personnes veulent subir à l'étranger et avant celles, mal couvertes également, que doivent engager celles qui ont eu un accident de la vie, en France ou à l'étranger.

Dernier recours

Pour le directeur d'On participe, les demandes liées à la santé émanent d'une part de personnes qui ont très peu de moyens et/ou ne bénéficient pas d'une mutuelle et dont l'équilibre financier précaire bascule en cas de problème de santé. « La cagnotte est vue par ces personnes, souvent isolées, comme un dernier recours, remarque-t-il. Si nous percevons que la cagnotte n'est pas la solution, nous les orientons vers les services sociaux. »

Certaines personnes semblent en effet parfois peu au fait de leurs droits. Une autre catégorie de personnes ouvre des cagnottes pour financer un voyage en France pour bénéficier de soins qui ne sont pas dispensés dans leur pays. « La démarche vient alors plutôt d'associations » précise Jean-Christophe Macé.

La Cagnotte des proches « se différencie des plateformes généralistes, insiste sa fondatrice : nous avons le contrôle sur chaque cagnotte ». Elle contacte les porteurs de projets et leur demande des devis de matériels, des justificatifs, et le prestataire de paiement de son site vérifie les dépenses réellement engagées par les « cagnotteurs ».

Ceci-cit, le DG de Leetchi assure n'avoir jamais été confronté à une situation de fraude et, comme son homologue d'On participe, il affirme que les collectes sont étroitement contrôlées. « Nous avons une équipe qui contacte certains créateurs de cagnottes pour comprendre leurs motivations et les inviter à être plus explicites dans leur projet, note Benjamin Bianchet. Elle le fait beaucoup sur cet univers. » Chez On participe, on estime que les cagnottes solidaires ne doivent pas servir à « payer des dépenses somptuaires » (par exemple de la chirurgie purement esthétique) et l'équipe décide parfois de supprimer des cagnottes de ce type, par « respect » pour les donateurs, indique Jean-Christophe Macé.

Le buzz

Quelle que soit la plateforme, le secret du succès d'une cagnotte, qu'elle porte ou pas sur des dépenses liées à la santé, repose sur le buzz qui sera fait autour d'elle. D'abord par le premier cercle de connaissance du « cagnotteur » et, absolument nécessaire, par un deuxième cercle via des associations, des réseaux et surtout les médias, insiste le DG d'On participe.

Selon lui, les projets soutenus par des associations « marchent » souvent mieux car elles suscitent en général davantage la confiance des donateurs et bénéficient de leur audience sur les réseaux sociaux par exemple. Les plateformes offrent toutes des conseils aux porteurs de projets (bien l'expliquer, donner des nouvelles de l'avancement aux donateurs...). Anne-Sophie Roturier observe toutefois que certaines cagnottes « marchent » plus que d'autres : les projets liés au cancer et ceux qui concernent des enfants mobilisent plus selon elle que ceux qui portent sur le handicap... En matière de financement participatif, la dimension émotionnelle demeure capitale.

Géraldine Langlois

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