Non-respect de la « préférence régionale » sur l’île de la Réunion : des recrutements font monter la fièvre au GHER de Saint Benoît

Alors que 20% des infirmiers diplômés à La Réunion ne trouvent pas d’emploi sur l’île à la sortie de l’IFSI, sept recrutements récents provoquent une poussée de fièvre au syndicat FO Santé Océan Indien. En effet, ces infirmières, très récemment installées sur l’île, ont fait leurs études en métropole et n’auraient, selon FO Santé, pas de lien de famille à La Réunion. Contactée, la direction du CHU de La Réunion réfute les accusations du syndicat et argue d’un recrutement effectué localement et tenant compte des nécessités de service et donc des compétences des candidats.

Non-respect de la "préférence régionale" sur l'île de la Réunion : des recrutements font monter la fièvre au GHER de Saint Benoît

Photo © FO N.Techer

Mi-février, c’est un tract de FO Santé, distribué à l’hôpital de Saint Benoît, qui a fait monter la fièvre. Sept postes infirmiers y auraient été pourvus en trois mois au bénéfice d’infirmières ayant effectué leurs études en métropole. Précision, beaucoup d’étudiants en soins infirmiers réunionnais sont contraints de partir en métropole pour leurs études.

En effet, La Réunion ne dispose que de deux IFSI, à Saint Denis et à Saint Pierre. « Il en faudrait un troisième pour éviter à des jeunes étudiants de devoir partir en métropole, ce qui représente un coût élevé pour leurs familles qui n’en ont pas toutes les moyens », soulignait en septembre 2018 la députée réunionnaise Huguette Bello, en marge d’un conflit entre des étudiants reçus dans des IFSI de métropole et la Région Réunion qui refusait de financer des bourses d’études. Las… un troisième IFSI alors que 20% des étudiants ne trouvent pas d’emploi sur l’île une fois leur diplôme obtenu, c’est un peu une gageure.

Des candidates sans lien avec La Réunion

Les étudiants recalés au concours d’entrée des IFSI de La Réunion partent donc étudier en métropole ou en Belgique. Beaucoup souhaitent évidemment revenir sur l’île, retrouver famille et amis et postulent sur des postes que convoitent aussi les diplômés des IFSI locaux. « Ce n’est pas là la question, précise Nelson Techer, secrétaire fédéral Océan Indien FO Santé. Le problème, c’est que ces recrutements récents, sept en trois mois, concernent des personnes de métropole. »

Pour Nelson Techer, le cadre de vie tropical qui peut faire rêver et la sur-rémunération séduisante, sauf à tenir compte du coût de la vie sur l’île, ne sont pas étrangers à ces arrivées qui pénalisent, selon lui, les infirmiers diplômés à La Réunion ou réunionnais diplômés en métropole souhaitant se rapprocher de leurs familles.

Où commence la préférence régionale ?

Ceci étant, faut-il obligatoirement être Réunionnais pour travailler sur un poste infirmier à La Réunion ? Pour le directeur du GHER de Saint-Benoit, représentant la Direction générale du CHU Réunion, la question ne doit pas se poser en ces termes : « Les personnels recrutés étaient domiciliés à La Réunion lors de leur embauche, nous avons donc tenu compte de la préférence régionale, affirme Marc Lecardez. Nous ne payons pas de billet d’avion pour faire venir des infirmiers de métropole ! AU GHER comme au CHU, il n’y a plus de raison d’aller chercher des recrutements ailleurs pour les postes infirmiers, on trouve suffisamment de gens compétents ici.  Ce n’est pas le cas de tous les profils nécessaires. Par exemple, demain, si je dois recruter un Radio physicien, je ne le trouverai pas ici et je ne suis même pas certain de le trouver en métropole ! »

Le profil avant tout

Pour la direction du CHU, il n’y a pas lieu de polémiquer : « Les recrutements sur les postes infirmiers se font localement. Nous ne passons pas par des agences d’intérim, nous recrutons nous-mêmes. Trois des infirmières récemment recrutées avaient déjà travaillé chez nous. »

Nelson Techer, lui, estime que l’argument ne tient pas : « Des infirmières diplômées à La Réunion ont aussi fait des stages à Saint Benoit et sont actuellement sans emploi. Parmi les recrutées, il y a au moins une personne qui n’était domiciliée à La Réunion que depuis quinze jours ! », affirme-t-il. « Peut-on parler de respect de la préférence régionale parce que le candidat a une adresse à La Réunion depuis deux semaines ou un mois avant son embauche ? »

Le directeur du GHER n’en démord pas : tout recrutement doit tenir compte avant tout du profil et des besoins du poste. « Je refuse de rentrer dans la polémique de savoir qui est Réunionnais de souche ou pas. Nous recrutons sur le département de La Réunion des compétences, pas des origines. Quand vous recrutez un remplaçant, ce qui a été majoritairement le cas pour ces embauches récentes, vous êtes contraint de tenir compte de l’expérience sur le pôle de soins, surtout quand il s’agit des urgences parce que vous n’avez la possibilité de passer trois mois à former un remplaçant. » Mais, selon Nelson Techer, deux des recrutements concerneraient des métropolitaines fraîchement diplômées de la dernière session de l’IFSI de Nantes, donc sans expérience professionnelle, hormis leurs stages. 

Un poste de cadre qui envenime le conflit

Autre source de conflit, l’embauche d’une cadre, venue de métropole où elle n’exerçait pas en qualité de cadre. « Cette personne est diplômée de l’école des cadres, mais travaillait sur un poste infirmier, faute de poste de cadre disponible dans son hôpital d’origine. Dans la fonction publique hospitalière, si vous venez en mutation, vous venez avec votre statut. Elle n’était pas cadre et n’aurait pas dû être embauchée comme cadre ici », scande Nelson Techer.

Le secrétaire fédéral Océan Indien FO Santé est d’autant plus remonté que deux infirmières réunionnaises auraient réussi le concours d’entrée à l’école des cadres mais n’auraient pas pu effectuer leur formation, l’hôpital ayant refusé, dit-il, de la prendre en charge alors qu’un départ en retraite était prévu et donc un poste à pourvoir. « Et voilà, on recrute comme cadre une infirmière non cadre venue de métropole dont l’époux a été embauché récemment comme médecin spécialiste et on bloque pour des années les possibilités d’évolution de carrière d’une infirmière réunionnaise ! »

A La Réunion, l’épineuse question de la préférence régionale n’a pas fini de mettre sous perfusion le fameux vivre-ensemble réunionnais souvent cité en exemple. Le chômage, qui touche 28% de la population, est un redoutable agent infectieux, surtout quand, par ailleurs, 110 000 personnes vivent du RSA en quasi coma économique dépassé. Sur une population d’environ 853 000 habitants, ça fait mal...

Mireille Legait

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