Etudiants en soins infirmiers : que faire quand un stage tourne au cauchemar ?

De plus en plus présent dans les médias, le sujet du harcèlement des étudiants en soins infirmiers lors de leurs stages reste largement tabou chez les victimes. Et pourtant, parler de ce qu’elles ont vécu est pour elles la seule manière de passer à l’étape suivante : agir pour éviter que la situation ne se reproduise.

Etudiants en soins infirmiers : que faire quand un stage tourne au cauchemar ?Les stages hospitaliers sont la plupart du temps une expérience épanouissante pour les étudiants en soins infirmiers. Mais dans certains cas, ils peuvent devenir un calvaire. Cette triste réalité avait éclaté au grand jour début 2017 avec Omerta sur l’hôpital, le livre du Dr Valérie Auslender consacré aux maltraitances dont souffrent les étudiants en santé. Elle a depuis été étayée par d’autres publications comme l’étude de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) sur le mal-être des étudiants ou plus récemment l’ouvrage de Raphaëlle Jean-Louis sur son stage infernal en orthopédie.

Mais au-delà du constat, la question de la conduite à tenir lorsqu’un tuteur, un cadre ou simplement un infirmier du service dépasse les bornes reste méconnue. « Il faut avant tout rompre l’isolement », explique Valérie Auslender. « C’est lorsqu’on se sent seul que les drames se passent. » Un conseil qu’approuve Ludivine Gauthier, présidente de la Fnesi. « Les étudiants sont trop souvent dans le tabou, ils ont parfois peur du retentissement que pourrait avoir leur témoignage sur leur évaluation de stage », regrette-t-elle.

Parler de ce qu’on est en train de subir, d’accord, mais à qui ? A d’autres étudiants, aux collègues de promo, aux amis, explique Ludivine Gauthier : discuter de la situation avec ses pairs est primordial pour la supporter. Mais si l’on veut éviter que les choses ne se reproduisent et que d’autres étudiants rencontrent les mêmes difficultés dans le même stage, il faut bien évidemment aller plus loin en se tournant vers l’Ifsi (élu de promo, administration) ou vers la hiérarchie du service (cadre, etc.).

Adapter sa réponse

Et c’est souvent là que les choses se corsent. « Il peut arriver que le dialogue soit rompu, et que l’Ifsi ou le service estime que c’est à l’étudiant de se remettre en question », remarque Ludivine Gauthier. L’étudiant isolé est alors malheureusement démuni s’il reste seul, mais il peut se tourner vers une association comme la Fnesi. « Nous cherchons avec lui à identifier le problème, à savoir si c’est un soignant en particulier qui pose problème ou s’il s’agit d’un problème d’organisation », poursuit la présidente de la Fnesi. « Et nous essayons d’adapter notre réponse. »

Pas question cependant pour elle de recourir systématiquement à la voie contentieuse, comme le préconise par exemple l’Association de défense des droits des étudiants infirmiers (Addesi). « C’est toujours possible, et nous répétons toujours aux étudiants que le harcèlement, la violence verbale, la maltraitance, tout cela est illégal », explique Ludivine Gauthier. « Nous leur expliquons qu’ils ont droit à des conseils juridiques gratuits, que le Défenseur des droits peut leur répondre et qu’il existe des possibilités d’action au Conseil de l’Ordre ». Mais la représentante des étudiants sait également que les procédures sont très longues, et que le dialogue est souvent plus efficace que la confrontation. Mieux vaut donc, estime-t-elle, tenter de porter le cas le plus haut possible, en remontant la hiérarchie : cadre supérieur, direction de l’hôpital, Agence régionale de santé (ARS)…

Fermer ou ne pas fermer ?

Autre question : faut-il absolument vouloir faire fermer les lieux de stages qui posent problème ? Ce n’est pas la position de Ludivine Gauthier. « Souvent les étudiants nous disent que leur objectif est d’éviter que quelqu’un retourne dans le service où ils ont été maltraités », indique-t-elle. Des cas où la Fnesi privilégie le dialogue, l’identification du problème ou de la personne à l’origine des difficultés. « Fermer pour fermer, cela ne sert à rien, et nous risquons rapidement de manquer de lieux de stage », résume la présidente de l’association.

Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire. Ludivine Gauthier se félicite notamment des annonces faites en avril dernier à la suite de la remise au gouvernement du rapport du Dr Donata Marra sur le mal-être des étudiants en santé, qui préconise notamment « l’évaluation systématique des lieux de stage par les étudiants ». « Une fois qu’on aura ces évaluations, on pourra compiler les données, et savoir s’il s’agit d’un problème de personne à personne ou d’un souci au niveau du service », se réjouit la militante.

Mais Valérie Auslender tempère cet optimisme. Si elle aussi se félicite de certaines des propositions du rapport Marra, et notamment la mise en place d’un médiateur dans chaque Ifsi, son constat reste sombre. « Pour l’instant, rien n’a été mis en place », soupire la généraliste. Une raison de plus pour privilégier le dialogue… en attendant des changements sur le terrain.

Adrien Renaud

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