Raphaëlle Jean-Louis, infirmière, auteure et réalisatrice : « Tout est possible à celui qui croit »

Raphaëlle Jean-Louis est connue pour ses courts métrages dont l’un a été sélectionné au Festival Short Film Corner à Cannes. Mais en cette rentrée de septembre, c’est son premier livre « Diplôme Délivré(e), parole affranchie d’une étudiante infirmière », qui fait l’actualité. Qu’est-ce qui a conduit cette infirmière à se lancer dans ce nouveau style d’écriture ? Témoignage.

Raphaëlle Jean-Louis, infirmière, auteure et réalisatrice : "Tout est possible à celui qui croit"

© DR / Raphaëlle Jean-Louis

Comment avez-vous eu l’idée d’écrire un livre ?

Je n’ai jamais pensé écrire un livre un jour. En revanche, j’ai déjà écrit plusieurs scénarios de films, l’écriture fait partie de mes activités… Pendant mes études en soins infirmiers, j’ai effectué un stage qui m’a traumatisée. J’étais, comme d’autres étudiants, le souffre-douleur d’une équipe de soignants. Je n’ai osé parler à personne, ni à ma famille, ni à mes amis, des humiliations et maltraitances que j’ai subies. Mais tous les soirs en rentrant chez moi, je me sentais vraiment mal. Alors j’ai commencé à écrire quotidiennement ce que je vivais pendant mon stage, un moyen aussi de réaliser ce qui se passait vraiment. Dans les derniers jours de mon stage, j’ai décidé d’aller voir un médecin, qui m’a mise en arrêt. A ce moment-là, j’ai aussi décidé d’en parler autour de moi. Quelques années plus tard, alors que j’avais commencé ma carrière, j’ai constaté que je repensais beaucoup à ce qui m’était arrivée. Pour moi, c’était le signe que quelque chose n’était pas réglé. Je me suis replongée dans mes écrits, et j’ai beaucoup pleuré. J’ai pris conscience que ce que j’avais vécu n’était pas normal. J’ai fait lire mes écrits à un ami, professeur des écoles. Il m’a convaincue de chercher à le faire éditer.  

Comment s’est passée votre rencontre avec cet univers ?

J’ai envoyé mon livre à deux maisons d’édition et l’une d’entre elles m’a répondu en une semaine. Mon ami m’a dit que cela n’arrivait jamais, que d’habitude, cela prenait beaucoup plus de temps. Je n’ai pas voulu passer à côté de cette opportunité. Avec la maison d’édition, nous avons commencé à travailler ensemble dès la fin de l’année 2017. Sur le contenu, comme il s’agit de mon témoignage, j’ai été libre dans mes écrits. Ce livre est vraiment important pour moi car c’est aussi un moyen d’inciter les étudiants en soins infirmiers, qui vivent des situations semblables, à en parler rapidement, de ne pas attendre comme j’ai pu le faire.

Votre prochain film va aborder cet épisode douloureux de votre vie…

Cette expérience va en effet être reprise dans le film que je prépare sur les soignants. Mais il ne s’agira que d’une partie du film qui va plus généralement parler d’une étudiante en soins infirmiers découvrant l’univers des soins. Je n’ai pas voulu faire de documentaire, car il est plus difficile d’obtenir des témoignages à visage découvert. L’avantage d’un film, c’est que je peux faire jouer aux acteurs des situations qui se sont vraiment passées, sans crainte. Ma maison d’édition va me faire rencontrer des producteurs. J’espère que le tournage débutera prochainement.

Quels conseils donneriez-vous à des infirmiers qui souhaitent se lancer dans l’écriture ?

Je considère que tout est possible à celui qui croit. Ils ne peuvent pas savoir ce dont ils sont capables s’ils ne se lancent pas. Alors s’ils souhaitent écrire, qu’ils le fassent !

Propos recueillis par Laure Martin

Diplôme Délivré(e), Parole affranchie d'une étudiante infirmière, de Raphaëlle Jean-Louis, ed Michalon (sortie le 13 septembre 2018). 

 

 

 

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Réactions

1 réponse pour “Raphaëlle Jean-Louis, infirmière, auteure et réalisatrice : « Tout est possible à celui qui croit »”

  1. serendip dit :

    Maintenant quelques 10 années que je suis dans les soins j’ai vécu ce qui est dit là et continue à le vivre. Je suis IDE dans un grand Hôpital Public Parisien et ces situations de harcèlement moral sont très courantes.
    Elles sont menées par les ancien(ne)s qui se prennent pour les caciques du service ou paradoxalement par les représentants syndicaux si vous êtes amenés à intervenir/penser à leur place.
    Ce n’est donc pas une situation que seul(e)s les étudiant(e)s vivent, ce processus est institutionnel. En tant qu’agent ou étudiant(e) vous vous retrouvez en tension permanente entre l’enclume et le marteau que sont la direction (et toute sa chefferie) et les syndicats. Une sorte d’arène politique où chacun défend ses intérêts sans que les intérêts des soignants soient pris en compte. Alors cette tension est non gérée et les dérapages sont permanents. Une dynamique de groupe exécrable où les seules réunions de service sont menées/crées par les syndicats. Il est impossible d’instaurer une réunion hors de ce contexte : une réunion est soit instaurée et modérée par la direction ou le syndicat.
    Dès lors les caciques butors (ou perverses) ainsi que ceux qui veulent les imiter font des dégâts autour d’eux.
    Quand je dis institutionnel, je pense au texte de Bourdieu « https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1982_num_43_1_2159 » « Les rites comme actes d’institution » où il faut passer sous les fourches Caudines pour être admis par l’institution.
    Tout cela échappe à l’étudiant(e) qui a fondé beaucoup d’espoir sur cette profession. La chefferie est vieille et mal instruite au management, cela demandera encore beaucoup d’années avant
    que ces maux disparaissent car la dynamique des équipes est basée sur ces types d’exclusions/dévorations des ressources.
    Est-ce pour cela que le turnover est important ?

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