Le ras-le-bol des infirmiers libéraux : reportage à Marseille

L'ambiance était électrique hier devant l'ARS de Marseille, pour la manifestation des infirmiers libéraux. Organisé par le collectif "La grève, c'est maintenant" qui a lancé aussi d'autres opérations un peu partout en France, le mouvement a été suivi et relayé par les collectifs "Infinidel", "Informidel" ainsi que le syndicat Convergence Infirmière. Objectif  pour les professionnels : manifester un  fort mécontentement auprès de l'ARS, et sensibiliser les passants aux problèmes rencontrés par la profession. 

Les IDEL infirmières libérales expriment un ras-le-bol général

© Malika Surbled / ActuSoins

© Malika Surbled / ActuSoins "Bosseuses, pas voleuses". Les infirmières libérales ne veulent plus être stigmatisées.

" On en a marre et ça fait des années que ça dure" clame Joël, un infirmier de 60 ans. Devant l'ARS de Marseille, l'ambiance était tendue hier. Une centaine d'infirmiers s'était rassemblée pour crier son désarroi face des "injustices répétées" envers la profession.

" Le rapport de la Cour des Comptes nous accusant ouvertement d'être des fraudeurs et en plus d'être responsables des explosions des dépenses de santé a été un véritable coup de massue" explique Elodie, infirmière libérale et membre du mouvement La grève, c'est maintenant.

Si les infirmiers se défendent, c'est qu'ils estiment avoir été stigmatisés dans ce rapport. Pour eux, l'accusation n'est pas légitime. " Non, et à de rares exceptions près, les infirmiers ne fraudent pas! Les CPAM réclament régulièrement des indus non justifiés aux libéraux, et cela parfois des années après les soins. Certains professionnels se retrouvent avec 50 000 euros à rembourser, simplement parce que les CPAM interprètent comme elles le souhaitent la nomenclature. Si un infirmier est resté moins de 30 minutes chez un patient par exemple, on peut lui demander de rembourser l'acte d'AIS3 qu'il a facturé (Acte de soin Infirmier)" regrette André Dahan, fondateur du collectif Informidel, qui aimerait pouvoir prouver l'injustice de ce que qui est reproché aux IDE et mettre en place des moyens pour qu'ils puissent se défendre devant les tribunaux. "C'est révoltant de voir de quelle manière les infirmiers se font condamner sur la base d'une interprétation erronée de la NGAP, analysée avec une grande rigidité intellectuelle" ajoute André Dahan.

© Malika Surbled / ActuSoins

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Outre les indus réclamés aux professionnels par les CPAM et les accusations répétées de fraude dont ils sont victimes, les infirmiers libéraux ont également exprimé leur inquiétude vis à vis de la loi de Santé, actuellement débattue au Sénat.

"On a peur pour notre avenir. D'un côté, nous sommes assommés par la Cour des Comptes qui préconise pour réduire les dépenses de santé  de revoir les tarifs des actes de soins à la baisse, et de l'autre, la loi de Santé prévoit la création massive de centres de santé" explique François Delboy, du syndicat Convergence Infirmière. Des centres de santé, qui feraient, selon le syndicaliste, une forte concurrence aux libéraux, et qui menaceraient même leur existence. " Ces idées d'économie sur les dépenses de santé sont complètement paradoxales. Il faut savoir que nous coûtons 2 fois moins cher que les SSIAD et 3 fois moins cher que les HAD qui pourtant sont développées massivement. Pourquoi vouloir maintenant nous faire disparaître?" interroge-t-il.

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© Malika Surbled / ActuSoins Les professionnels ont distribué des tracts  pour expliquer à la population leurs revendications.

Des revendications explicites

Reçue par le Dr Koenig, responsable de l'organisation des services ambulatoires à l'ARS PACA, une délégation d'infirmiers a demandé hier à Marseille, à rétablir le dialogue avec les directions des CPAM et de pouvoir discuter "intelligemment" sur les différents dossiers qui sont devant les tribunaux (Indus et interprétation AIS 3 notamment).

La délégation est sortie '"plutôt satisfaite" de l'entretien. "Le Dr Koenig a reconnu le caractère désuet de la NGAP" explique André Dahan qui a participé à la réunion. "On a eu une réaction d'écoute et on a pu discuter" a ajouté le fondateur d'Informidel, qui appelle à des rapports non conflictuels entre infirmiers et dirigeants.

Pendant ce temps, un cortège se dirigeait vers le centre de Marseille pour distribuer tracts et lettres d'explications et de revendications aux passants.

© Malika Surbled / ActuSoins

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"Nous voulons une revalorisation de la NGAP avec une prise en compte des actes relevant des actes relevant de notre rôle propre prescrits mais non remboursés, comme la prise de tension, la pose de bas de contention, l'application de collyre" pouvaient y lire les passants.

"Que chaque acte effectué soit payé en intégralité, car aujourd'hui, si un patient nécessite 3 soins, le premier est payé à 100%, le deuxième à 50% et le troisième se fait gratuitement... Que nous puissions être malade et nous soigner sans nous soucier des mauvaises retombées économiques pour notre budget...Une retraite à hauteur de nos cotisations... Une revalorisation de nos frais kilomètriques identiques à ceux des médecins..."

Les syndicats peu présents

© Malika Surbled / ActuSoins

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"On est déçus des syndicats" n'hésite pas à expliquer Elodie, l'infirmière membre du collectif La grève, c'est maintenant.

Car, le mouvement à Marseille, comme les autres mobilisations en France, a été initié par des collectifs créés sur les réseaux sociaux. "Seul le syndicat Convergence Infirmière a répondu à notre appel. L'ONSIL et la FNI se sont joint à nous en région PACA, mais pas ailleurs en France. Nous aurions aimé avoir un soutien national" ajoute la jeune femme.

Même son cloche du côté du groupe Infinidel : "Nous avons créé un groupe apolitique et asyndical car nos syndicats ne se sont pas manifestés.Chaque semaine depuis mars, des dizaines d'infirmiers libéraux nous rejoignent et ce n'est pas fini" explique la responsable du groupe.

© Malika Surbled / ActuSoins

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"On nous a dit que c'était pas le moment. On nous a dit que c'était trop tôt. On est déçus par ces réactions" confirme une infirmière sur place.

Le syndicat Convergence, présent à Marseille, insiste:  "Même si le mouvement a été initié par des groupes isolés,  nous l'avons soutenu. Notre rôle est de défendre  les infirmiers et donc de les accompagner dans de telles initiatives" explique François Delboy. " Rappellons quand-même que la profession est cassée de toute part, et que de plus en plus on tend vers du low-cost sur la santé".

Ailleurs en France ( Montpellier, Bordeaux, Villeurbanne...), des manifestations et des opérations "coup de poing" ont été organisés par les collectifs de libéraux. Mais sans l'appel des syndicats, les infirmiers n'ont parfois été qu'une dizaine présents sur les lieux de rassemblements.

Malika Surbled

Les infirmiers libéraux lancent une pétition

La pétition (sur www.change.org), lancée par le mouvement "la grève, c'est maintenant", en réaction au rapport de la Cour des Comptes, a déjà recueilli plus de 13 300 signatures.

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Réactions

12 réponses pour “Le ras-le-bol des infirmiers libéraux : reportage à Marseille”

  1. Niko Bro dit :

    Le mythe de vouloir faire du syndicat sans syndicat et de porter des luttes spécialités par spécialités a visiblement montré ses limites.

  2. Et ça passe pas aux informations à la télé ca

  3. Lynda Sedrati dit :

    J y étais lol j espère que ça permettra de faire bouger les choses mais on était pas assez nombreux à mon goût alors à ceux qui se plaignent ce n est pas dans l immobilisme que les choses changeront

  4. Tant que les infirmière en colère auront le sourire on ne verra pas leur colère …

  5. A paris pas de syndicat

  6. y est plus bon d être ide lib de nos jours.

  7. Luce Marie Ray Richard, Céline Benito Choquet compte rendu d’hier !

  8. Niko Bro dit :

    La culture de la division qui règne dans notre milieu a eu raison du mouvement.

  9. À Nice #infirmieres en colères et 3 syndicats soutenaient cette mobilisation !

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