Dans la salle d’attente de l’Unité médico-judicaire (UMJ) du Centre hospitalier de Versailles, Julien* 14 ans, patiente avec son père. Alors qu’il faisait du vélo avec ses amis, il a été percuté par une moto. Résultat : son pouce est cassé. Sa famille a porté plainte. C’est dans ce cadre qu’il est reçu au sein de l’UMJ, qui travaille uniquement sur réquisition judiciaire.
Sandra, infirmière, les appelle pour la consultation d’accueil. Elle récupère auprès d’eux les documents en lien avec l’accident – analyses médicales et radiographies – puis leur explique la procédure. « Maintenant, tu vas être reçu en consultation par le médecin, indique-t-elle à Julien. Il va te demander de raconter ton accident et t’examiner, pour rechercher les traces de tes blessures. »
Une fois la démarche présentée, Sandra remet au père et au fils une liste d’associations du département auxquelles ils peuvent faire appel, si besoin, et leur propose, s’ils le souhaitent, une consultation avec la psychologue de l’UMJ et avec un juriste.
« La consultation à l’UMJ est organisée autour du parcours de la victime, souligne le Dr Ophélie**, chef de service de l’UMJ. Les gestes techniques sont peu nombreux, le travail de l’infirmière repose principalement sur l’accueil, l’accompagnement et l’administratif, indispensables pour la prise en charge des personnes. »
L’accompagnement des mineurs et des victimes de violences
L’équipe de l’UMJ est composée de médecins, cadre, infirmiers, psychologues et secrétaires. Elle prend en charge des victimes, enfants comme adultes, sur rendez-vous ou en urgence, pour différents types de violences : accident de la voie publique, violences volontaires, conjugales, sexuelles, maltraitances.
Les personnes sont examinées par le médecin dont le rôle est de qualifier un nombre de jours d’Incapacité totale de travail (ITT) liées aux blessures, c’est-à-dire la période de perte d’autonomie physique subie par la victime. Il remet ensuite son certificat à la police ou à la gendarmerie pour qu’elle puisse, dans le cadre de l’enquête, qualifier l’infraction. « Le magistrat nous demande d’évaluer la gêne de la victime dans sa vie quotidienne. Je pose donc de nombreuses questions pour la chiffrer et déterminer un nombre d’ITT », explique le Dr Capucine**, médecin légiste à l’UMJ.
Après la consultation d’accueil, les infirmières accompagnent les victimes à la consultation médicale dans deux cas : pour les prises en charge de mineurs et pour les personnes victimes de violences sexuelles. « C’est indispensable pour faire le lien et les soutenir », affirme Sandra, alors qu’elle se prépare à accompagner Julien à sa consultation.
Afin d’éviter toute situation conflictuelle, l’adulte accompagnateur n’est pas présent, avec l’enfant, lors de la consultation. Installée à son bureau, le Dr Capucine demande à Julien de lui raconter en détail son accident, sa prise en charge le jour de l’événement, ses blessures et si son moral est bon.
Vient ensuite la phase de la consultation. Après avoir été mesuré et pesé par Sandra, l’adolescent s’installe sur la table d’examen. Le médecin légiste annote toutes ses observations sur une feuille représentant le corps humain, mesure ses blessures, ausculte son pouce. L’infirmière intervient pour l’aider à s’habiller et à se déshabiller. Le Dr Capucine se veut rassurante vis-à-vis de Julien, et lui explique qu’il n’aura pas de séquelle.
L’infirmière, « figure de référence »
« La présence de l’infirmière est indispensable pour les consultations avec les enfants, ajoute le Dr Capucine, notamment parce que le lieu peut les impressionner. Puis, comme elle a déjà eu un premier contact avec eux lors de la consultation d’accueil, elle est la figure de référence, ce qui nous aide pour la mise en confiance. » « Nous essayons de créer un lien sur un temps court. Mais parfois ce n’est pas possible », témoigne Sandrine, également infirmière dans le service.
Elle se rappelle avoir reçu un enfant de trois ans et demi avec son éducateur. Il était victime de maltraitance. « Il ne voulait pas me parler, raconte-t-elle. Je lui ai expliqué le déroulement de la consultation, mais il disait ″non″ à tout et a refusé l’examen médical. Bien entendu, nous ne forçons jamais une victime, nous prévenons seulement l’OPJ que nous ne pouvons pas répondre à la réquisition. » Il arrive également que des majeurs refusent l’examen ou les reportent. Un rendez-vous peut être fixé jusqu’à trois fois.
L’infirmière joue aussi un rôle majeur dans l’accompagnement des adultes victimes de violences sexuelles ou conjugales : elle assiste le médecin dans la réalisation de l’examen, des prélèvements ou encore des prises de sang. « Ce moment est souvent difficile pour les victimes. Le soutien que nous leur apportons est précieux », indique Sandra.
Accompagnement psychologique
En parallèle de la prise en charge médicale, les victimes peuvent être reçues par un psychologue ou un psychiatre expert. Ces experts, qui ne sont pas salariés par l’UMJ, ont un rôle distinct de celui du psychologue du service. Ce dernier est à l’écoute des victimes, pendant une seule séance, lors de leur venue à l’UMJ. Les experts interviennent quant à eux dans le cadre de la procédure judiciaire pour une expertise qui sert à l’enquête.
« Si le médecin de l’UMJ pense que le retentissement psychologique de la victime doit être évalué, il peut cocher une case à la fin de son certificat en ce sens », précise Cécile, cadre de santé de l’UMJ. C’est le magistrat ou l’OPJ, à réception du certificat, qui décidera de ce nouvel examen. S’il a lieu, il sera versé au dossier.
Dans le cadre de la procédure, les forces de l’ordre peuvent réaliser l’audition des mineurs dans une salle dédiée au sein de l’UMJ, adaptée aux enfants. Le psychologue expert peut ainsi assister à l’audition de l’enfant derrière la vitre sans teint pour ensuite s’entretenir avec lui sans qu’il ait à raconter de nouveau son histoire.
Trouver la juste distance
La prise en charge des victimes de violences interroge nécessairement sur la juste distance à trouver dans l’accompagnement. « Nous nous devons d’être détachés du contexte, ce qui repose sur notre savoir-faire, rappelle le Dr Vianney, médecin légiste à l’UMJ. Notre travail consiste à répondre à une demande de la justice et à accompagner les personnes qui vivent un traumatisme. Elles n’attendent pas de nous que nous souffrions avec elles. »
Côté infirmier, la formation se déroule sur le terrain. Mais en amont, Cécile a ciblé le recrutement : « Lorsque je reçois des candidatures, j’explique aux infirmières les prises en charge effectuées dans le service. Je leur demande ensuite si elles maintiennent leur candidature. » Si c’est le cas, elles assistent alors à des consultations pour se rendre compte du travail quotidien au sein de l’UMJ.
Une fois recrutées, les infirmières travaillent un temps en binôme pour adapter leur prise en charge. « Nous bénéficions aussi de formations sur les violences conjugales et sur l’accueil de la parole de l’enfant, indique Sandra. Mais lorsqu’on débute, nous ne pouvons pas savoir comment nous allons réagir face à la première victime de viol que nous allons prendre en charge ou à la maltraitance d’un enfant. Il faut trouver la juste mesure dans notre implication et savoir se préserver. »
Les staffs hebdomadaires en présence de toute l’équipe de l’UMJ sont notamment le moment opportun pour débriefer des situations compliquées en échangeant entre collègues. « Les prises en charge ne sont pas toutes toujours très graves, mais le travail est lourd, conclut Cécile. Il est difficile de l’envisager pour toute une carrière. »
Laure Martin
*Le prénom a été modifié.
**Il s’agit du prénom du médecin qui ne désire pas divulguer son nom
Les autres missions
Les médecins de l’UMJ travaillent également quotidiennement sur la partie « Antenne » de l’unité. De fait, tous les jours, un médecin se déplace dans le département, à la demande des forces de l’ordre pour les demandes de levées de corps dans les cas de morts suspectes. Ils interviennent aussi dans les commissariats pour établir des certificats de compatibilité médicale à la garde à la vue, à la demande de la personne ou de la police.
Cet article a été publié dans le n°41 d’ActuSoins Magazine (juin-juillet-août 2021)
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