Se ressourcer… au cœur du CHU de Toulouse

Se ressourcer… au cœur du CHU de Toulouse

C’est un espace tout rond, en bois, et éclairé par une lumière tamisée. Situé au cœur de l’hôpital et pourtant préservé du tumulte ambiant. L’espace ressourcement est ouvert 24 heures sur 24 aux soignants comme aux patients qui cherchent un peu de répit. Article paru dans le n°31 d'ActuSoins Magazine (décembre 2018).
Philippe Czapla, infirmier en psychiatrie, utilise les bancs en position de méditation
Philippe Czapla, infirmier en psychiatrie, utilise les bancs en position de méditation. © Béatrice Girard

Philippe Czapla est infirmier en psychiatrie, en hôpital de jour pour les adultes du CHU de Toulouse depuis douze ans. Parfois, à la fin d’une journée de travail stressante, il fait une pause à l’espace de ressourcement de l’hôpital.

« Quand ce lieu a ouvert en 2015, raconte-t-il, j’ai été intrigué, je n’avais vu ça nulle-part ailleurs. Je suis d’abord venu par curiosité puis j’ai été immédiatement séduit par l’aspect monacal -et non religieux- de cet endroit,raconte l’infirmier. Maintenant je viens de temps en temps et j’ai à chaque fois l’impression d’être ailleurs. Ici j’arrive à ne penser à rien. Cela change du rythme effréné de l’hôpital et des stimulations sensorielles permanentes. »

Construit au cœur du bâtiment urgences réanimation, médecines du nouvel hôpital Pierre Paul Riquet du CHU de Toulouse, l’espace ressourcement fait, il est vrai, un peu figure d’OVNI. Discrètement indiqué à l’écart du hall d’accueil, cette pièce ronde, dont les murs sont entièrement recouverts de bois de bouleau et le plafond éclairé d’une lumière tamisée, évoque une alcôve protectrice, un univers doux et feutré qui procure immédiatement une sensation d’apaisement.

Il a été conçu par Anaëlle Bouthier, designer, à la demande de l’hôpital et dans le cadre d’un partenariat de recherche mené avec l’université Toulouse Jean-Jaurès. « Au départ, la commande du CHU était de travailler sur les ambiances hospitalières et de construire un lieu polycultuel ouvert à tous, qui permette de se recueillir, de s’apaiser, de prendre du recul sur le vécu hospitalier », explique cette designer.

Un lieu pour reprendre son souffle

Sur les parois, Anaëlle Bouthier, designer, a positionné 40 000 perforations qui laissent apparaître des jeux de lumière, en forme de vague
Sur les parois, Anaëlle Bouthier, designer, a positionné 40 000 perforations qui laissent apparaître des jeux de lumière, en forme de vague. © CHU de Toulouse

Pour imaginer ce lieu, Anaëlle Bouthier a d’abord interrogé les soignants et le personnel de l’hôpital sur leurs attentes ; puis constitué un groupe de travail avec des psychologues, sociologues, médecins et infirmiers. « Je me suis vite rendu compte que les personnes avaient besoin d’un lieu pour souffler et dans certains cas de s’exprimer, de libérer des choses. Ca m’a amenée à concevoir un lieu universel, à destination de tous quelque soit leur culte, et y compris aux agnostiques. J’ai aussi décidé de proposer un dispositif d’écriture qui permette d’écrire ou de lire sur place », explique-t-elle.

Ainsi des textes philosophiques et poétiques sont mis à disposition pour les utilisateurs qui le souhaitent. Il est même possible d’écrire quelques lignes sur des feuilles et de les glisser ensuite dans une urne derrière la paroi murale.

Dans le cadre de son travail de recherche, Anaëlle, récupère ces textes et estime que depuis l’ouverture de l’espace ressourcement en 2015, trois à quatre textes en moyenne sont glissés chaque jour dans la paroi. « Il y a des poèmes, des dessins, des gens qui s’adressent aux divinités, des remerciements pour l’intégration de ce type de lieu à l’hôpital, la beauté de l’endroit, de nombreux messages d’espoir et de désespoir », dit-elle.

Favoriser le contemplatif

Des textes philosophiques et poétiques sont mis à disposition pour les utilisateurs qui le souhaitent
Des textes philosophiques et poétiques sont mis à disposition pour les utilisateurs qui le souhaitent. © Béatrice Girard.

Sur les parois, l’artiste a minutieusement positionné 40 000 perforations qui laissent apparaître des jeux de lumière, de la plus blanche à la plus chaude.

« J’ai travaillé sur ce motif qui évoque une vague pour arriver à cette impression de dentelle de lumière, détaille-t-elle. Elle renvoie à tous les éléments de la nature et favorise le contemplatif. »

Le CHU ne souhaite pas aujourd’hui évaluer la fréquentation de cet endroit; conçu pour accueillir tous les publics, soignants, patients et familles. « Gardons nous de quantifier cet espace, surtout dans un lieu comme l’hôpital où tout est déjà systématiquement évalué et quantifié. C’est un endroit libre et ouvert et ça doit le rester », estime pour sa part Joëlle Fourroux psychologue aux urgences et membre du groupe de travail à l’initiative du projet.

Aujourd’hui elle est aussi une utilisatrice régulière de l’espace de ressourcement : « quand je viens ici, je perds mes repères de temps et d’espace, ça m’extrait de mon quotidien à l’hôpital. Je peux récupérer de l’énergie, me régénérer, m’apaiser, c’est un peu comme un sas. »

A l’intérieur, des bancs disposés en quart de cercle permettent de se poser. L’infirmier Philippe Czapla, préfère  les utiliser en position de méditation : « je pratique beaucoup les arts martiaux par ailleurs, et je retrouve ici l’atmosphère propice au zazen (posture de méditation assise du bouddhisme zen, NDLR) ».  

Un lieu propice aux soins

Bien au-delà de la vocation de départ, certains soignants, utilisent aussi cet espace avec leurs patients. C’est le cas de Philippe qui s’appuie parfois sur ces textes lors d’ateliers, pour maintenir un mouvement auprès de ses patients.

Dans un autre registre, le docteur Agnès Suc, pédiatre et responsable de l’équipe Enfant-Do, au sein du centre de ressource douleur soins palliatifs pédiatriques, anime ici des groupes de méditations de pleine conscience. « Je soigne des enfants et des adolescents qui souffrent de douleurs chroniques et développent un stress associé et j’utilise l’espace de ressourcement pour eux comme pour leurs parents, décrit le docteur Suc. Des choses intéressantes émergent ici, car c’est un endroit protégé  qui contribue à libérer la parole. »

L’espace resterait cependant, selon elle, encore peu connu des soignants. « Personnellement je travaille à l’hôpital des enfants. Pour venir ici il faut changer de bâtiment et traverser la rue. Il est malheureusement inenvisageable pour nous, soignants, de venir ici pendant nos pauses compte tenu de la pression hospitalière. »

Béatrice Girard

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