Quand l’occasion de suivre le tout nouveau master menant au diplôme d’État d’infirmière en pratique avancée (IPA) s’est présentée en 2018, Sara Morin n’a pas hésité une seule seconde.
« Cela faisait un moment que j’avais envie d’aller plus loin dans la prise en charge des patients », lâche-t-elle. « Avec la cheffe de service, nous avions d’ailleurs amorcé un projet de protocole de coopération pour des délégations de tâches médicales. Quand on a su que la pratique avancée allait être entérinée, nous avons fait marche arrière et je me suis positionnée pour suivre ce master afin d’avoir un champ d’autonomie plus large mais aussi pour avoir un titre reconnu partout en France », explique Sara Morin.
Deux ans et demi plus tard et le diplôme d’IPA mention ‘’pathologies chroniques stabilisées’’ en poche, le quotidien de Sara a bien changé.
Rythmées par des entretiens en toute autonomie, des renouvellements de traitements, des prescriptions d’examens complémentaires mais aussi par de l’enseignement auprès d’étudiants et des projets de recherche, ses journées passent à une vitesse folle. « Je suis principalement des patients atteints de BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) ou d’asthme en amont ou en aval des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) », indique la jeune femme.
Tous ont déjà été vus par un médecin au moins une fois pour leur pathologie. Tous ont donné leur accord pour que les consultations suivantes soient assurées par une IPA. Tous ont des pathologies respiratoires chroniques dites « stabilisées » qui nécessitent un suivi, et parfois, quelques examens ou une modification sensible de traitement (sur la posologie par exemple). Sara Morin s’en charge. S’il y a une dyspnée aigüe ou tout autre signe d’alerte ou d’aggravation, elle passe la main et active une consultation médicale. C’est sa mission.
Plus-value
Pour l’instant, l’AP-HM (AssistancePublique – Hôpitaux de Marseille) a recruté cinq IPA comme Sara Morin pour ses hôpitaux. « C’est une vraie plus-value et cela peut vraiment être bénéfique pour le suivi des patients », estime l’infirmière.
Temps d’attente très – trop – long, pénurie de certaines spécialités médicales, requêtes exponentielles des patients, etc. : les IPA permettent notamment d’assurer une régularité dans le suivi de malades chroniques pour un accès optimal aux soins.
« En pneumologie par exemple, à Marseille, il faut prévoir six mois pour obtenir un rendez-vous avec un pneumologue. Dans d’autres villes ou régions, c’est pire », pointe Sara Morin.
Mieux ? Ces suivis infirmiers sont pensés pour que les temps accordés aux patients soient honnêtes et adaptés aux réels besoins. « Je mets en place des actions d’éducation thérapeutique, je prends le temps d’être avec eux, de leur expliquer ou de leur ré-expliquer leur maladie ou les EFR, de faire le point sur leurs connaissances en utilisant des techniques de reformulation. Je m’intéresse aussi à leur qualité de vie, à leur situation sociale ou leur état psychologique. C’est important, notamment pour l’observance des traitements. »
Modèle canadien
« Je trouve ce rôle gratifiant, valorisant. C’est une vraie opportunité», confie Sara Morin. Depuis le début de ses études en IFSI, il y a quatorze ans maintenant, la jeune femme espérait secrètement que la pratique avancée et les parcours universitaires en sciences infirmières se développeraient en France. « J’ai une cousine qui est cheffe de salle au bloc au Canada. Je suis souvent allée la voir dans le cadre de mon premier parcours universitaire – Sara est titulaire d’une licence de lettres antérieure à son DEI, elle souhaitait d’abord devenir enseignante, ndlr – et pendant plusieurs étés j’ai baigné dans ce monde des infirmières praticiennes et cliniciennes. C’est ce qui m’a attirée dans cette profession et cela m’a même poussée à changer de voie ! », raconte-t-elle.
Aujourd’hui, Sara Morin se dit « exigeante » envers elle-même. Il s’agit de prouver que la pratique avancée est un bon choix. Que la France ne s’est pas trompée en donnant aux infirmiers une telle possibilité. « Je dois montrer que je suis capable, faire mes preuves », insiste-t-elle.
A court-terme, elle espère déjà pouvoir publier son travail de recherche sur la gestion des symptômes extra-respiratoires de patients atteints de BPCO par le self-management.
A plus long terme, elle mise sur un doctorat en sciences infirmières – qui n’existe pas encore en France – pour évoluer encore. « J’espère vraiment que dans l’avenir il existera des praticiens hospitalo-universitaires dans la filière infirmière, comme c’est le cas avec les médecins praticiens hospitaliers, afin que les infirmiers puissent avoir une activité clinique associée à une activité d’enseignant-chercheur. ».
Cela garantirait l’autonomisation de la profession. Avec la création de la section en sciences infirmières au sein du Conseil national des universités depuis l’an dernier, l’objectif de Sara Morin pourrait bien se concrétiser… plus rapidement que prévu !
Malika Surbled
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Sara Morin en quatre dates
2008 : change d’orientation et quitte un master en linguistique pour intégrer un IFSI
2011 : obtient son DE et travaille en neurochirurgie (AP-HM),
2015 : change de service et intègre les EFR (AP-HM),
2020 : obtient son DE IPA et fait évoluer son poste au sein de son service.
Cet article a été publié dans le n°40 d’ActuSoins Magazine (mars – avril – mai 2021)
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