Un des faits marquants de la composition du gouvernement de Gabriel Attal sur les sujets liés à la santé réside dans la perte d’autonomie ministérielle de la Santé. Elle est en effet désormais englobée dans un portefeuille plus vaste comprenant le travail et « les solidarités », ce qui a étonné plusieurs acteurs du monde sanitaire.
La Fédération nationale des étudiant.es en sciences infirmières (Fnesi) et les autres associations d’étudiants en santé, par exemple, considèrent cette décision « choquante et aberrante face à la crise du système de santé ». Elles lancent un « cri d’alerte » dans un communiqué commun car elles craignent fort que leurs préoccupations ne parviennent pas à être entendues.
Certains observateurs interprètent la disparition de l’autonomie du ministère de la Santé comme le signe que ce sujet, première préoccupation pour 83% des Français (selon une enquête Ifop de décembre 2022), n’est plus considéré comme prioritaire par Emmanuel Macron. Ils estiment qu’elle fait perdre de la visibilité et du poids au portefeuille de la santé en cas d’arbitrages budgétaires importants…
Quelle priorité pour la santé ?
Du côté des représentants des médecins, on s’émeut aussi du fait que la nouvelle ministre, Catherine Vautrin, est « inconnue au bataillon » dans le monde de la santé. À 63 ans, cette ancienne directrice du marketing et de la communication d’une société d’assurance a été députée de la Marne de 2002 à 2004 (RPR) et de 2007 à 2017 (UMP).
Elle a été vice-présidente de l’Assemblée nationale et a siégé à la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale. Entre ses deux mandats, elle a occupé plusieurs fonctions ministérielles durant la présidence de Jacques Chirac : celles de secrétaire d’Etat à l’Intégration et à l’Égalité des Chances, puis aux Personnes âgées, en 2004, puis celles de ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la Parité en 2005. Conseillère municipale de Reims depuis 2008, elle préside depuis 2014 la communauté urbaine du Grand Reims.
Pendant la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2016 elle a été son porte-parole et elle a été trésorière de l’UMP. Aujourd’hui membre du parti Horizons, elle préside par ailleurs l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’Anru, depuis 2022. La même année, Emmanuel Macron aurait envisagé de la nommer Première ministre avant de lui préférer Elisabeth Borne, à la dernière minute. Selon Libération, le ministère de la Santé lui aurait alors été proposé mais elle l’aurait refusé…
Là où ses prédécesseurs avaient été médecins, pharmacienne ou directeur d’ARS, Catherine Vautrin n’est donc pas familière du monde de la santé. Tout au plus sait-on que ces dernières années, elle a affiché des positions plutôt conservatrices sur le mariage entre personnes de même sexe ou la légalisation de l’aide à mourir. Cependant, lors de la passation de pouvoir avenue de Ségur, cet après-midi, la nouvelle ministre a rendu hommage à Simone Veil, dans la perspective de l’inscription, en projet, du droit à l’avortement dans dans la constitution ? Elle a aussi déclaré qu’elle n’oubliait pas le “grand sujet” de la fin de vie.
Au-delà de ces deux grands projets sociétaux, le maroquin « santé » de son ministère comprend des dossiers très lourds comme les difficultés structurelles criantes de l’hôpital public, les difficultés d’accès aux soins de ville ou encore les pénuries de médicaments. Plusieurs organisations représentant les médecins s’inquiètent de la manière dont ils seront pris en charge et priorisés par une ministre qui ne connaît pas ces sujets et devra en outre s’investir dans de très vastes chantiers dans le domaine du travail (négociations sur la vie au travail avec les syndicats, réforme du marché de l’emploi, etc.).
Une ministre déléguée pour la santé ?
L’Ordre national des infirmiers (ONI), de son côté, n’est pas inquiet. Selon son président, Patrick Chamboredon, « nul doute que nous pourrons compter sur l’expérience, la détermination et le pragmatisme de Catherine Vautrin pour réformer notre système de santé au service des Français et particulièrement des plus fragiles d’entre eux ». Le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) s’est dit « perplexe » face à la « diversité de ses missions » et « dubitatif » face au choix d’une ministre « dont l’expérience dans la santé reste très anecdotique pour pouvoir faire face à l’ampleur de la tâche ». Le syndicat s’inquiète, pour sa part, de la place qui sera faite à la prévention par le nouveau ministère. Mais il semble beaucoup compter sur l’arrivée au poste de ministre déléguée à la Santé d’Agnès Pannier-Runacher, jusqu’ici ministre de la Transition énergétique, annoncée pour le début de la semaine prochaine par plusieurs médias (Le Monde, France Info) mais non confirmée.
Aux côtés d’une super ministre aux portefeuilles multiples, il est bien possible que des secrétaires d’État ou des ministres délégués se voient chargés desdits portefeuilles.
La nomination d’Agnès Pannier-Runacher pourrait-elle rassurer les soignants ? Pas sûr. Cette énarque et inspectrice des finances de 49 ans a travaillé à la Caisse des dépôts mais aussi dans des entreprises de l’industrie automobile, notamment. Sa seule expérience dans le monde de la santé se résume au poste de directrice de cabinet de la directrice générale de l’AP-HP qu’elle a occupé dans les années 2000 et, plus récemment, son appartenance à la task force destinée à relancer de la production de masques en France pendant la crise du Covid.
Géraldine Langlois
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