Parfois, les manifestations permettent la convergence des lutte… comme celles des rencontres ! Awa, 33 ans, et Gaëlle, 35 ans, étaient au lycée ensemble.
Les deux infirmières libérales, l’une exerçant en région parisienne et l’autre dans la capitale, se sont retrouvées fortuitement dans le cortège contre la réforme des retraites qui partait de Bastille. Age d’équilibre, valeur du point, incertitudes concernant la baisse de la CSG, autant de points qui inquiètent la profession, notamment le syndicat représentatif Convergence Infirmière qui a appelé à la manifestation, soutenue également par l’Onsil et l’Unidel.
Quelle surprise de tomber l’une sur l’autre ! Entre deux sourires, c’est très remontées que les trentenaires évoquent les secousses subies par la profession ces derniers mois. «Nous sommes déjà assommées par les cotisations, alors passer de 14 % à 28 % nous semble énorme. Sans compter que nous ne sommes pas égales des autres femmes salariées qui cotisent elles pour les congés maladie ou maternité », déplore Awa.
« Quand j’ai décidé de faire ce métier, je savais que je ne serai pas riche, mais là, je vais finir pauvre. » Gaëlle manifeste pour la première fois, provoquant la fierté de sa collègue. « Je n’aime pas les mouvements de foule », concède- t- elle, mais aujourd’hui, elle semblait prête à braver tous les dangers pour exprimer sa colère, notamment face à l’avenant 6 et le forfait journée qu’il créé : s’il faut revenir plusieurs fois chez un patient, « ce sera le même tarif pour nous, par ailleurs beaucoup trop bas par rapport aux mêmes actes de l’hospitalisation à domicile, tarifés à presque 300 euros », regrette-t-elle.
En plus des retraites, l’avenant 6
Cette question préoccupait l’ensemble des infirmières libérales qui défilaient. A l’instar de Carole, 48 ans, infirmière libérale depuis 17 ans. « Je ne suis pas très engagée d’habitude, mais là j’estime qu’il faut montrer notre détermination », lâche la Méridionale, qui vient de Marignane.
Tout comme Awa et Gaëlle, elle évoque avec inquiétude le doublement des charges. « D’après les simulations, je vais passer de 8000 euros annuels de charge à 17 ou 18000 euros. C’est une véritable alerte. Je pense d’ores et déjà à une reconversion ».
A ses côtés, Perrine, 33 ans, vient de Versailles. Elles ont fait connaissance en attendant le départ du cortège et ensemble se dirigent vers République, puis Opéra, le tracé de la manifestation du jour. « En plus des soins, nous faisons la comptabilité, l’astreinte, l’administratif », racontent les deux infirmières libérales.
Perrine, qui est devenue libérale pour « pouvoir passer plus de temps avec ses patients et être plus autonome » voit l’avenir en noir. « Soit certains cabinets ne vont pas survivre à cette hausse de charges et cela va renforcer les déserts médicaux, soit nous allons augmenter nos tarifs, non remboursés par la Sécurité Sociale, et dans ce cas, nous arriverons à une médecine à deux vitesses », s’inquiète–t-elle.
Elle se montre particulièrement outrée que «l’évaluation de la dépendance des patients au-delà de 90 ans [légers, moyens ou lourds] soit désormais le fruit d’un algorithme. C’est dégueulasse ! Ces patients vont aller de plus en plus en Ehpad, c’est sûr », prédit-elle. « C’est le ‘’ all inclusive’’ chez les IDEL, plaisante, jaune, Carole. Soldes toute l’année, 50 % sur le deuxième soin ! »
Thierry, infirmier depuis 1989, tient un ballon Convergence Infirmière. Inquiet sur la réforme des retraites, ce sont les conditions générales d’exercice qui le font frémir : augmentation drastiques des charges, très peu de revalorisation sur les 15-20 dernières années, nouveaux actes donnés aux aide-soignants, il se sent dépossédé dans sa fonction d’IDEL. « On essaie de sensibiliser les jeunes à la question des retraites, mais on sait qu’ils ne resteront pas jusqu’au bout, car ils voient leurs aïeux très fatigués », assure le Nancéen.
La pénibilité du métier
Alexandra, 39 ans, collègue de Carole, est jeune dans la profession. Ancienne comptable, elle a fini ses études d’infirmière en 2013 et espère ne pas à avoir à se reconvertir à nouveau. « Emmanuel Macron déshumanise le soin. Il parle d’’’humain’’ : mais dans ces conditions, comment être humains ? Avec la fermeture des cabinets, les patients vont multiplier les aller-retours à l’hôpital, qui va nous les renvoyer, par manque de personnel ».
A ses yeux, c’est le serpent qui se mord la queue. « Brigitte Macron a 64 ans. Je l’invite à venir faire la tournée avec nous, à se lever à 4h et à terminer sa journée à 22h, tout en soulevant des patients de 100 kg », poursuit Alexandra, inquiète de l’âge de départ à la retraite, tandis que Perrine tend son téléphone avec le nombre de kilomètres parcourus quotidiennement. « 6km à pieds et 30 étages par jour, rien que ce samedi ».
A la fin de leur journée, elles sont fourbues. Même son de cloche du côté d’Awa, qui déplore ne pas avoir assez de temps « pour la prévention et la coordination » : « trente visites par jour pour être rentable, c’est très physique, je ne me vois pas continuer à ce rythme jusqu’à la retraite ».
Hafsa, qui vient de Metz, crie avec force dans le dictaphone. « C’est vital d’être là aujourd’hui. Je suis un peu déçue de la mobilisation mais peut-être qu’une partie de la profession se sent déjà découragée. Une chose est sûre, cette réforme vise à tuer l’exercice libéral, elle va enliser nos comptes et vider notre caisse autonome alors que nous n’avons jamais bénéficié du régime général », explique cette membre de Convergence Infirmière.
A ses yeux, la mobilisation va continuer. En attendant, elle l’espère, « un retrait de la réforme des retraites », elle souligne le caractère exceptionnel de la manifestation, où professionnels de santé (médecins, orthophonistes, kinésithérapeutes, infirmière libérale) et avocats parlaient d’une même voix. Note d’espoir : Thierry se souvient du mouvement de 1988. « Trois mois avant, personne ne l’avait vu venir. Malheureusement, la profession est méprisée depuis tant d’années que ça peut flamber en quelques semaines. Les conditions sont à nouveau réunies. »
Delphine Bauer
Contrairement à Convergence Infirmière, la FNI et le SNIIL (les deux autres syndicats représentatifs des IDEL), n’ont pas rejeté “en bloc” la réforme des retraites. Explications ICI.
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