Relève de l’hémostase primaire |
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Relève de l’hémostase secondaire |
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Relève de la fibrinolyse |
Les anomalies de l’hémostase
Toute anomalie ou perturbation de cet équilibre va engendrer un processus pathologique qui peut menacer la vie du patient avec des accidents thromboemboliques ou au contraire des complications hémorragiques
Schéma 1
Anomalies de l’hémostase prédisposant aux thromboses et embolie
Il s’agit d’un état d’hypercoagulation entraînant un risque majeur de thrombose (phlébite, embolie pulmonaire…). La thrombose est multifactorielle. En plus des anomalies préexistantes (déficit en protéine C, S, antithrombine qui ont des propriétés anticoagulantes), des facteurs de risques (hypercholestérolémie, tabac, traitement oestroprogestatif, hypertension artérielle, grossesse…) peuvent se surajouter. La recherche d’une anomalie de la coagulation et de la fibrinolyse doit être faite à distance d’un épisode thrombotique et répétée plusieurs fois.
Ces anomalies peuvent être liées à :
- une hyperplaquettose : cancer, grossesse, stase veineuse souvent causée par l’immobilité et l’artériosclérose ;
- un déficit d’un inhibiteur de la coagulation : un déficit en antithrombine expose à un risque de thrombose à répétition car son rôle est d’avoir une activité anticoagulante en inactivant la thrombine (et le facteur Xa). Il en est de même en cas de déficit en protéine S, C car les protéines C et S ont une activité anticoagulante ;
- une anomalie du système fibrinolytique avec un déficit du plasminogène, du tPA… (ces acteurs permettent de lyser le caillot).
Anomalies de l’hémostase prédisposant aux hémorragies
Cela concerne tous les troubles qui provoquent une faible coagulation, donc un risque de saignement prolongé et d’hémorragie. Les troubles de l’hémostase primaire sont multiples :
- une thrombopénie : un taux de plaquette inférieur à 150 000/mm3 ;
- une thrombopathie c’est-à-dire une altération de la fonction des plaquettes ;
- un déficit du facteur de Willebrand ou maladie de Von Willebrand : ce facteur est indispensable à l’adhésion des plaquettes.
Les troubles de l’hémostase secondaire concernent principalement tous les déficits de facteurs de la coagulation et prédisposent le patient à un risque d’hémorragie et plus particulièrement :
- une hypofibrinogénémie (facteur I) : taux inférieur à 1 g/l ;
- l’hémophilie : c’est une pathologie génétique à transmission récessive, liée au chromosome X. L’homme exprime la maladie, la femme transmet la maladie. Ces patients nécessitent une surveillance et une prise en charge spécifique dans des établissements de soins spécialisés lors de gestes chirurgicaux incontournables. Il peut s’agir d’un déficit du facteur VIII (ou hémophilie A) – TCA (temps de céphaline activée) augmenté – ou d’un déficit du facteur IX (ou hémophilie B) – TCA augmenté – ;
- un déficit d’un facteur de coagulation (V, VII, X) ;
- un déficit en vitamine K chez un patient insuffisant hépatique ou cirrhotique. Le traitement consiste à administrer de la vitamine K par voie intraveineuse et/ou des facteurs de la coagulation.
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Les examens biologiques explorant l’hémostase
Les conditions générales de prélèvements
Elles sont primordiales, leurs qualités conditionnent la fiabilité des résultats.
Le garrot doit être serré modérément et maintenu le moins de temps possible : une stase veineuse prolongée entraîne un relargage des facteurs fibrinolytiques, une libération du facteur VIII, une activation de la coagulation. La ponction veineuse doit être franche et non traumatique (activation de la coagulation).
Le tube d’hémostase doit être rempli en deuxième position afin d’éviter toute souillure par la libération du facteur tissulaire provoquée par l’aiguille. Le tube doit être rempli suffisamment car il contient 0,5 ml d’anticoagulant et est calculé pour 4,5 ml de sang. Il doit être retourné plusieurs fois afin d’homogénéiser le mélange sang/solution anticoagulante.
Aucun bilan sanguin ne doit être prélevé du côté de la perfusion de solutés et surtout de l’héparine. Le prélèvement s’effectue chez un patient de préférence à jeun (sauf contexte d’urgence bien sûr).
L’acheminement des tubes se fera le plus rapidement possible au laboratoire (risque d’altération des facteurs de coagulation).
Il est indispensable de notifier sur le bon d’examens toutes prises de médicaments (notamment les anticoagulants, antiagrégants plaquettaires) car certains traitements influencent les résultats.
Glossaire
Thrombophilie : désigne une prédisposition particulière aux thromboses
Thrombose veineuse superficielle ou paraphlébite correspond à une obstruction d’une veine très superficielle par un caillot. Thrombose veineuse profonde (TVP) ou thrombophlébite, est avec l’embolie pulmonaire, une des deux manifestations de la maladie thromboembolique. La TVP correspond à la formation d’un caillot (ou thrombus) se formant dans le réseau veineux profond des membres inférieurs et l’obstruant.
Embolie pulmonaire (EP) est l’obstruction brutale, partielle ou totale, d’une ou plusieurs artères pulmonaires par un thrombus
Examens de laboratoire
Les principaux traitements antithrombotiques
Les anti-agrégants plaquettaires (AAP)
Kardégic®, Plavix® (clopidogrel), Brilique® (ticagrelor) Faible dose administrée quotidiennement per os. |
Mode d’action : ils inhibent l’activation et l’agrégation plaquettaire et ont donc une action sur l’hémostase primaire. |
Indication : prévention des complications thromboemboliques artérielles. |
Contre-indications : • Ulcère gastroduodénal évolutif ; • Maladie hémorragique ; • Hypersensibilité connue au médicament. |
Complications : syndrome hémorragique (hématome, épistaxis, gingivorragie, hémorragie digestive haute ou basse, urogénitale, cérébrale…) |
Surveillance biologique : aucune. |
Antidote : aucun. |
Les anticoagulants
Il existe plusieurs familles : les héparines non fractionnées (HNF), les héparines de bas poids moléculaires (HBPM), les anticoagulants oraux directs (AOD), les anti-vitamines K (AVK).
1 – les HNF
• Héparine sodique administrée en bolus (IVD) puis en IVSE ; • Héparine calcique (Calciparine®) administrée en sous cutanée (2-3/jour). |
Mode d’action • Extrait de la muqueuse intestinale de porc ou de poumon de boeuf, elle agit en se liant à l’antithrombine (AT) dont elle potentialise l’activité. Pour rappel, l’AT est un inhibiteur de la coagulation et a une action anticoagulante. Le complexe Héparine-AT Inhibe les facteurs IIa et Xa (action anti Xa et anti IIa) et donc la thrombine. • Les HNF ne dissolvent pas le thrombus mais empêchent son extension. |
Indication • Traitement curatif des thromboses veineuses profondes (TVP) et embolie pulmonaire (EP) en phase aiguë. • Traitement préventif des TVP chez un patient alité. |
Contre-indications • Maladie hémorragique ou lésion susceptible de saigner (ulcère gastroduodénal,…). • Intervention neurochirurgicale récente, AVC hémorragique. • Hypersensibilité connue au médicament. • Antécédent de thrombopénies induites par l’héparine (TIH). |
Surveillance biologique • Elle est indispensable compte tenu du fait qu’il existe une grande variabilité individuelle de l’effet en fonction de la dose injectée. TCA : 1.5-2.5 temps témoin 1er dosage 6h après le début du traitement puis 4-6h après chaque modification de dose. • NFS plaquettes avant le début du traitement (taux de référence) puis surveillance 1 à 2/semaine. |
Complications • Les thrombopénies induites par l’héparine (TIH) : c’est une complication redoutable par effet immuno-allergique. Elles sont de 2 types : – type 1 : la plus fréquente, elle est banale et modérée (inf à 100 000 /mm3), précoce (avant le 5ème jour) et ne nécessite pas l’arrêt du traitement, – type 2 : rare mais grave, elle associe une diminution brutale des plaquettes (entre le 5ème et 21ème jour) et une activation de la coagulation aboutissant à une extension de thrombose artérielle ou veineuse malgré un traitement bien conduit. • Syndrôme hémorragique. |
Antidote Sulfate de protamine. |
2 – Les HBPM / Arixtra® (Fondaparinux)
• HBPM : Lovenox®, Innohep®, Fragmine®, Fraxiparine®. • Arixtra®. • La principale voie d’administration est sous cutanée pour les HBPM et l’Arixtra®. • La voie intraveineuse peut être indiquée dans le cadre de la prise en charge de certains syndromes coronaires aigus pour Lovenox®. |
Mode d’action • Le mode d’action des HBPM (molécules obtenues par dépolymérisation des HNF) ont une activité anti-Xa prédominante. • Le mode d’action de l’Arixtra® est un pentasacharide obtenu par synthèse à activité exclusivement anti-Xa. |
Indication • Traitement curatif des TVP et EP sans signe de gravité. • Traitement préventif des TVP. |
Contre-indications • Maladie hémorragique. • Hypersensibilité connue au médicament. • Pour les HBPM : TIH / Hémorragie cérébrale récente / altération de la fonction rénale. • Pour l’Arixtra® : Insuffisance rénale sévère. |
Surveillance biologique • Pour les HBPM : • NFS plaquettes (avant le début du traitement puis 1 à 2/semaine pendant 3 semaines puis 1 / semaine). • Surveillance de la fonction rénale (élimination rénale et risque d’accumulation si insuffisance rénale). • Pour l’Arixtra®, aucune surveillance des plaquettes n’est nécessaire. |
Complications • Idem HNF. • Les complications hémorragiques sont moindres avec les HBPM. |
Antidote • Sulfate de protamine (action partielle) pour les HBPM. • Aucun antidote spécifique pour Arixtra®. |
3 – Les AOD
• Eliquis® (apixaban), Xarelto® (rivaroxaban), Pradaxa® (dabigatran). • Administration per os. |
Mode d’action Dernière génération d’anticoagulants élaborée depuis 2008, ils inhibent le facteur IIa (Pradaxa®) ou le facteur Xa (Eliquis® et Xarelto®). |
Indication • Arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire (ACFA). • Traitement préventif des TVP chez les patients ayant subi une pose de PTH et PTG pour Xarelto®. |
Contre-indications • Syndrome, maladie hémorragique. • Hypersensibilité connue au médicament. • Interactions avec certains médicaments (AINS, AAP, antifungiques). |
Surveillance biologique • Taux d’Hb et évaluation fonction rénale de référence avant début du traitement puis 1 à 2 /an. • Aucun suivi biologique. |
Complications Syndrome hémorragique. |
Antidote Praxbind® pour le Pradaxa®. |
4 – Les AVK
Que faire en cas d’intervention chirurgicale ?
Lors d’un geste chirurgical, la gestion péri-opératoire des AAP et des anticoagulants font l’objet de recommandations précises et sont étroitement liés au caractère urgent ou non de l’intervention, au risque hémorragique lié à l’intervention ainsi qu’aux antécédents du patient (AVC ischémique, phlébite, antécédents coronariens avec pose de stent, valve cardiaque mécanique…).
L’arrêt ou la poursuite des AAP, la modification du traitement anticoagulant quels qu’ils soient, le relais d’un anticoagulant par un autre anticoagulant (avec une demi- vie plus courte par ex) feront l’objet de prescriptions médicales écrites, datés et signés.
Conclusion
Différents examens biologiques permettent d’évaluer l’hémostase d’un patient que ce soit au cours d’un bilan standard, dans le cadre d’une chirurgie programmée avec risque hémorragique, ou en cas d’anomalies de l’hémostase.
De nombreux traitements anticoagulants existent, mais ces thérapeutiques ne sont pas dénuées de risque et nécessitent une surveillance clinique et biologique plus ou moins importantes en fonction des familles d’anticoagulants.
A Noter
Le dosage de l’INR (International Normalized Ratio) est prescrit uniquement aux patients sous traitement anticoagulant par antivitamine K suite à un épisode de thrombose ou d’embolie, en cas de prothèses valvulaire mécanique …
INR = TQ malade = 2.5 à 3.5 en fonction de l’objectif thérapeutique recherché
TQ TémoinOn utilise l’INR comme mesure de comparaison, où la vitesse de coagulation dans la population est normalisée à 1.0. Chez un patient sous AVK, un INR de 2.0 à 3.0 signifie que son sang prend de 2 à 3 fois plus de temps pour coaguler, comparé à une population normale.
Laurence Piquard
IADE Infirmière anesthésiste
Cet article est paru dans le numéro 27 d’ActuSoins Magazine (janvier 2018)
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