Dans votre vidéo, vous dénoncez les clichés utilisés pour les infirmiers dans les médias et les fictions. Quel est le but ?
Je dirais que ce film porte les prémices d’une réflexion à mener sur notre identité infirmière que nous devons, en tant qu’infirmiers, nous ré-approprier, en cessant de nous convenir des représentations dans lesquelles on veut nous enfermer. Il revendique les valeurs que nous souhaitons porter en tant que jeunes infirmiers et toute l’énergie qui nous anime chaque matin pour exercer ce métier.
Une partie assez longue du film est consacrée à “Nina”, cette série qui a scandalisé une partie de la profession car l’héroïne ne serait pas du tout représentative des soignants. Quel est votre point de vue ?
Je pense que le monde infirmier aurait passé outre les clichés de cette série (pour ceux qui l’ont vu) si ses concepteurs n’avaient pas basé toute leur promotion sur leur capacité à avoir réussi à représenter notre profession. C’est notamment le cas sur Twitter où j’ai eu des échanges plutôt étonnants avec un anonyme (que je soupçonne de travailler sur la série) qui décrit le personnage de Nina dans son profil comme « Pas vraiment médecin, pas encore infirmière, j’agace tout le monde mais tant pis ». A bondir quoi ! Les promos de la série qu’on a trouvé sur youtube qui avaient été publiées sur le compte de France Télévisions témoignent de l’énorme fossé qui sépare la manière dont les infirmières voient leur métier et ce que la télévision veut en faire.
L’autre problème de la série est de renforcer les clichés sur notre profession, au prétexte de se rapprocher de la représentation que le public a de celle-ci plutôt que de partir de nos préoccupations pour les habiller de toutes les histoires qu’ils veulent raconter. Jusqu’à présenter un personnage bête et primaire dont les actions sont incompatibles avec notre éthique et font sourire les autres personnages. Ne parlons même pas de la présentation misogyne de l’étudiante en soins infirmiers qui fait ce métier pour rencontrer un médecin. J’en ai rencontré, ce n’est pas la question, ce type de personnes existe et tant mieux pour eux/elles si c’est ça qui les motive mais ils/elles sont tellement marginaux-ales, et nous pouvons nous exprimer pour dire que dans l’ensemble cette série qui prend le prétexte de notre profession pour raconter ses histoires tombe complètement à côté.
Et le fait que nous puissions dire que cela ne nous convient pas, que nous ne nous satisfaisons pas d’une série au prétexte que pour la première fois elle met en avant une infirmière comme si nous devions être reconnaissants de l’aumône qui nous a été faite, prouve que le monde infirmier est en train de découvrir qu’il a une voix et qu’il peut s’en servir. Nous nous sommes plus ou moins libérés du patriarcat et de la condescendance du milieu médical, et la plupart d’entre nous entendent faire savoir quelles sont les valeurs que nous partageons, même s’il n’y a pas un(e) seul(e) « infirmier-ère » qui abord son métier de la même façon.
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=RpBf_wFM_ZU&w=560&h=315]
Alors, comment faire évoluer l’image de l’infirmier dans les médias ?
En réalisant nos films, en faisant entendre notre parole. On l’a vu dans notre film, notre ministre est sourde et tient un discours plaqué qui n’est là que pour prétendre répondre à nos attentes. Mais tout n’est pas perdu puisque des personnes comme Jean Leonetti (député des Alpes-Maritimes, à l’origine de la loi sur la fin de vie, il est interrogé dans la vidéo, ndlr) sont capables de répondre aux questions d’étudiants en soins infirmiers. J’ai vu qu’une infirmière était en train de réunir des fonds pour faire produire son long métrage. Même si je suis très jaloux par nature, et que je voudrais être à sa place, plus sérieusement je ne peux que me réjouir sincèrement de son projet en espérant qu’elle puisse faire entendre sa voix et les histoires qu’elle a à raconter. Je pense qu’elle a raison de se tourner vers la fiction. Quand elle est écrite avec talent, elle peut transcender le réel.
En faisant aussi la promotion de tous les films qui sont réalisés par les équipes. C’est la raison d’être de mon blog “InfirmieReporteR” même si je tâtonne encore pour sa mise en route. J’aimerais, à terme, valoriser les films des autres au sein du blog.
Comment est née l’idée de ce film, réalisé avec vos camarades de promotion l’an dernier ?
Avec Anna Dailleau, moi-même, Karine Gomez, Alizée Onno, Guillaume Talbot et Nadège Salméri, nous avons formé le groupe ALKAGN pour travailler cette UE 5.07.S6. Ils nous avaient prévenu en début d’année qu’il y aurait ce travail qui est généralement assez apprécié par les étudiants et dont le but premier est de participer à une réflexion commune sur notre profession.
Vous êtes infirmier depuis peu et réalisateur depuis de nombreuses années. Avez-vous d’autres projets de documentaires sur le milieu infirmier ?
Je serais ravi de développer les différents concepts que l’on a amorcé dans le film et apporter ma contribution à la valorisation de l’infirmier-ière. Ce ne sont pas les idées qui manquent, mais le temps et son corollaire, le financement. Je vais y réfléchir au cours de cette première année en tant qu’infirmier. Mon expérience antérieure dans l’audiovisuel me fait dire aussi qu’avant de se lancer dans un projet pareil il faut un diffuseur, car c’est lui qui détermine souvent l’orientation d’une oeuvre. Peut-être que le prochain Salon Infirmier sera l’occasion de présenter un avant-projet pour rechercher ces financements et ce diffuseur.
Propos recueillis par Malika Surbled
* “5.07.S6 ALKAGN Libérés, diplômés”,
Pour les abonnés : lire aussi le portrait de Laurent Four, paru dans le numéro 20 d’ActuSoins (mars/avril/mai 2016)
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