Les IDE dans les médias : un film en ligne pour dire halte aux clichés

Les IDE dans les médias : un film en ligne pour dire halte aux clichés

Dans le cadre d'une unité d'enseignement de la formation en IFSI, des étudiants en soins infirmiers - devenus infirmiers depuis - ont réalisé un film* sur la représentation infirmière à travers les médias.  La vidéo, mise en ligne sur la toile en juillet dernier, a été visionnée près de 3000 fois. Interview de Laurent Four, infirmier et réalisateur. 
Les infirmiers dans les médias : un film en ligne pour dire halte aux clichés
© Malika Surbled / ActuSoins

Dans votre vidéo, vous dénoncez les clichés utilisés pour les infirmiers dans les médias et les fictions. Quel est le but ?

Je dirais que ce film porte les prémices d’une réflexion à mener sur notre identité infirmière que nous devons, en tant qu’infirmiers, nous ré-approprier, en cessant de nous convenir des représentations dans lesquelles on veut nous enfermer. Il revendique les valeurs que nous souhaitons porter en tant que jeunes infirmiers et toute l’énergie qui nous anime chaque matin pour exercer ce métier.

Une partie assez longue du film est consacrée à  “Nina”, cette série qui a scandalisé une partie de la profession car l’héroïne ne serait pas du tout représentative des soignants.  Quel est votre point de vue ? 

Je pense que le monde infirmier aurait passé outre les clichés de cette série (pour ceux qui l’ont vu) si ses concepteurs n’avaient pas basé toute leur promotion sur leur capacité à avoir réussi à représenter notre profession. C’est notamment le cas sur Twitter où j’ai eu des échanges plutôt étonnants avec un anonyme (que je soupçonne de travailler sur la série) qui décrit le personnage de Nina dans son profil comme « Pas vraiment médecin, pas encore infirmière, j’agace tout le monde mais tant pis ». A bondir quoi ! Les promos de la série qu’on a trouvé sur youtube qui avaient été publiées sur le compte de France Télévisions témoignent de l’énorme fossé qui sépare la manière dont les infirmières voient leur métier et ce que la télévision veut en faire.

L’autre problème de la série est de renforcer les clichés sur notre profession, au prétexte de se rapprocher de la représentation que le public a de celle-ci plutôt que de partir de nos préoccupations pour les habiller de toutes les histoires qu’ils veulent raconter. Jusqu’à présenter un personnage bête et primaire dont les actions sont incompatibles avec notre éthique et font sourire les autres personnages. Ne parlons même pas de la présentation misogyne de l’étudiante en soins infirmiers qui fait ce métier pour rencontrer un médecin. J’en ai rencontré, ce n’est pas la question, ce type de personnes existe et tant mieux pour eux/elles si c’est ça qui les motive mais ils/elles sont tellement marginaux-ales, et nous pouvons nous exprimer pour dire que dans l’ensemble cette série qui prend le prétexte de notre profession pour raconter ses histoires tombe complètement à côté.

Et le fait que nous puissions dire que cela ne nous convient pas, que nous ne nous satisfaisons pas d’une série au prétexte que pour la première fois elle met en avant une infirmière comme si nous devions être reconnaissants de l’aumône qui nous a été faite, prouve que le monde infirmier est en train de découvrir qu’il a une voix et qu’il peut s’en servir. Nous nous sommes plus ou moins libérés du patriarcat et de la condescendance du milieu médical, et la plupart d’entre nous entendent faire savoir quelles sont les valeurs que nous partageons, même s’il n’y a pas un(e) seul(e) « infirmier-ère » qui abord son métier de la même façon.

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=RpBf_wFM_ZU&w=560&h=315]

Alors, comment faire évoluer l’image de l’infirmier dans les médias ? 

En réalisant nos films, en faisant entendre notre parole. On l’a vu dans notre film, notre ministre est sourde et tient un discours plaqué qui n’est là que pour prétendre répondre à nos attentes. Mais tout n’est pas perdu puisque des personnes comme Jean Leonetti (député des Alpes-Maritimes, à l’origine de la loi sur la fin de vie, il est interrogé dans la vidéo, ndlr) sont capables de répondre aux questions d’étudiants en soins infirmiers. J’ai vu qu’une infirmière était en train de réunir des fonds pour faire produire son long métrage. Même si je suis très jaloux par nature, et que je voudrais être à sa place, plus sérieusement je ne peux que me réjouir sincèrement de son projet en espérant qu’elle puisse faire entendre sa voix et les histoires qu’elle a à raconter. Je pense qu’elle a raison de se tourner vers la fiction. Quand elle est écrite avec talent, elle peut transcender le réel.

En faisant aussi la promotion de tous les films qui sont réalisés par les équipes. C’est la raison d’être de mon blog “InfirmieReporteR” même si je tâtonne encore pour sa mise en route. J’aimerais, à terme, valoriser les films des autres au sein du blog. 

Comment est née l’idée de ce film, réalisé avec vos camarades de promotion l’an dernier ? 

Chaque année, une unité d’enseignement (L’UE 5.07.S6) de la formation des étudiants infirmiers en 3e année demande à ses futurs diplômés de réfléchir à une thématique autour de leur métier ou de leur études. On peut s’exprimer librement sur tout support (vidéo, audio, collages, cartes conceptuelles, affiches etc).
Avec Anna Dailleau, moi-même, Karine Gomez, Alizée Onno, Guillaume Talbot et Nadège Salméri, nous avons formé le groupe ALKAGN pour travailler cette UE 5.07.S6. Ils nous avaient prévenu en début d’année qu’il y aurait ce travail qui est généralement assez apprécié par les étudiants et dont le but premier est de participer à une réflexion commune sur notre profession. 
 
Nous avons anticipé les tournages en début d’année, profitant de la permission que j’avais de monter au Salon Infirmier pour prévoir d’interroger les infirmières sur les représentations qui existent dans les médias autour du métier de l’infirmier-ère et sur ce qu’elles souhaitaient nous dire avant que nous embrassions cette profession.
 
Je savais que je réussirai à avoir un représentant du Ministère mais la venue de Marisol Touraine a amené une séquence intéressante par rapport à la réponse extraordinairement précise que nous a faite Jean Leonetti. Au discours de politicien vide et creux nous avons pu confronter celui d’un médecin/homme politique qui pense depuis longtemps la relation entre le médical et le paramédical. Il a vraiment pris le temps de répondre à mon équipe de tournage (En dehors de mon ingénieur du son dont c’est le métier, mon caméraman est également jeune infirmier) pendant de longues minutes après l’interview. 
 
Le film s’est globalement construit sur les références dont nous avons parlé pendant ces 3 années avec le groupe, nos discussions quotidiennes sur les infirmiers que nous voulions être et les exemples que nous ne voulions pas suivre. On en revient toujours à des questions éthiques quand on découvre un métier comme celui d’infirmier parce que notre regard est forcément orienté par les enseignements de nos cadres qui s’entrechoquent avec la réalité de l’exercice de la profession. Pour assembler le film je me suis inspiré de ce que chacun m’avait confié à un moment ou l’autre de ce qu’il voulait devenir.
 
Une fois que tous les éléments ont été collectés, il a fallu pas mal d’heures de montage et mon expérience professionnelle de la réalisation et du montage documentaire m’a bien aidé. Le film est relativement imparfait techniquement parce que nous n’avions pas assez de temps à consacrer à certains détails mais lors des premières validations avec le groupe, on a vite vu qu’on tenait quelque chose. On avait à coeur de dire notre vision de notre métier.
 

Vous êtes infirmier depuis peu et réalisateur depuis de nombreuses années. Avez-vous d’autres projets de documentaires sur le milieu infirmier ? 

Je serais ravi de développer les différents concepts que l’on a amorcé dans le film et apporter ma contribution à la valorisation de l’infirmier-ière. Ce ne sont pas les idées qui manquent, mais le temps et son corollaire, le financement. Je vais y réfléchir au cours de cette première année en tant qu’infirmier. Mon expérience antérieure dans l’audiovisuel me fait dire aussi qu’avant de se lancer dans un projet pareil il faut un diffuseur, car c’est lui qui détermine souvent l’orientation d’une oeuvre. Peut-être que le prochain Salon Infirmier sera l’occasion de présenter un avant-projet pour rechercher ces financements et ce diffuseur.

Propos recueillis par Malika Surbled

*  “5.07.S6 ALKAGN Libérés, diplômés”, 

Un fim de Anna Dailleau, Laurent Four, Karine Gomez, Alizée Onno, Guillaume Talbot et Nadège Salméri, produit par InfirmieReporter.
 
Pour les abonnés : lire aussi le portrait de Laurent Four, paru dans le numéro 20 d’ActuSoins (mars/avril/mai 2016)
 

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