Le hall de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu de France, à Achrafyeh, est quasi vide en cet après-midi du lundi 23 septembre. Au niveau des urgences, l’ambiance est relativement calme. Quelques patients sont pris en charge. Les infirmiers et infirmières en blouse violette gratifient les nouveaux arrivés d’un large sourire. Leurs traits, pourtant, sont toujours tirés. Leurs mines, fatiguées. Car ici aussi, dans ce quartier chrétien à une poignée de kilomètres de la banlieue sud, et à plusieurs centaines de la frontière avec la Palestine occupée, la guerre a déjà fait ses ravages.
Mardi 17 septembre, aux alentours de 15 heures. Dans tout le Liban, des milliers de bipeurs explosent. Les blessés sont pris en charge dans les hôpitaux de la ville. Marie-Rose Karam vient de quitter l’établissement pour rentrer chez elle. « Je suis revenue et nous avons tout mis en place : les appels, le matériel, le triage des patients… », se souvient l’infirmière qui compte 35 ans de carrière.
Plan blanc
L’Hôtel Dieu reçoit 80 blessés en l’espace de quelques heures. L’hôpital déclenche son plan blanc. Tout se passe très vite. Le chaos s’installe. La scène rappelle la double explosion dans le port de Beyrouth, le 4 août 2020. Jour où 218 personnes étaient décédées et 7000 blessées, selon l’ONG Human Rights Watch.
Amputations des membres supérieurs, perte d’yeux, abdomens touchés : les opérations se succèdent. « Un homme est arrivé en tenant ses doigts qui avaient été arrachés dans l’explosion », explique d’un ton calme Marie-Rose Karam.
Cette attaque et celle du lendemain sur des talkies-walkies ont fait 70 morts, dont des femmes et des enfants. « J’ai vécu beaucoup de guerres, je suis habituée aux catastrophes. Mais j’avais peur car j’ai une équipe très jeune. La plus ancienne a quatre ans d’expérience car beaucoup d’anciennes sont parties en raison des crises et de l’explosion dans le port… Mais elles m’ont épatée, je suis fière d’elles », lance Marie-Rose Karam.
La cheffe sait qu’elle peut aujourd’hui compter sur son équipe pour faire face à un nouvel afflux massif de patients, qui pourrait arriver en raison de la guerre. Dans la seule journée de lundi 23 septembre, les raids et bombardements israéliens ont fait plus de 600 morts à travers le Liban, dont de nombreux civils, des milliers de blessés et de déplacés. L’Hôtel-Dieu de France reste en état d’alerte. Tout comme le centre médical de l’Université Américaine de Beyrouth (AUMBC), à quelques kilomètres de là.
350 infirmiers sur le pied de guerre
Dans l’urgence, le stress et le chaos, ici, près de 200 patients ont été admis en moins de douze heures pour le même genre de traumatisme. Mais les équipes ont tenu le choc. « Nous avons reçu un tsunami de blessés, qui avaient besoin d’opérations importantes. Nous avons une équipe de plus de 700 infirmières enregistrées et environ 50 % d’entre elles sont revenues pour prendre en charge les patients pendant les attaques », souligne Hisham Bawadi, chef du service infirmier à l’hôpital.
Ces attaques sont intervenues dans un contexte de crise et de guerre qu’endurent le Liban depuis de nombreuses années. Le Liban a traversé de nombreuses périodes d’instabilité politique et sociale depuis son indépendance, comme la guerre civile de 1975 à 1990. En 2019, une grave crise économique touche le pays. En raison de la dévaluation de la livre libanaise, certains infirmiers libanais voient leurs salaires divisés par dix. Un an plus tard, les équipes doivent faire face à la double explosion dans le port de Beyrouth puis, en 2021, à la pandémie de COVID-19. Et depuis 2023, aux combats quotidiens entre le Hezbollah et Israël et aux attaques de l’État hébreu.
Dans les hôpitaux, malgré le stress, la fatigue et la peur, les infirmiers restent sur le qui-vive. « Nous faisons aller, lâche dans un rire l’infirmière Etihad Shmouri, qui travaille à AUBMC depuis plus de 20 ans. Je suis bouleversée car en plus de la situation au travail, je dois gérer ma situation personnelle », explique cette habitante de la banlieue sud.
En raison des multiples attaques israéliennes, sa famille et elle ont quitté leur logement pour aller se réfugier dans la maison familiale dans la vallée de la Bekaa (ouest du pays, zone aussi touchée par les attaques, mais plus au nord). « Aujourd’hui, nous ne sommes en sécurité nulle part. Ils disent attaquer les cibles du Hezbollah, mais ils bombardent partout… », lâche-t-elle, dépitée.
Etihad Schmouri fait les trajets réguliers pour se rendre au travail. « Je me demande ce qu’il se passera sur la route, est-ce que j’arriverai à retourner chez moi ? Est-ce que ma famille est bien en sécurité ? », soupire l’infirmière, qui souligne que toute son équipe est aujourd’hui épuisée par les attaques.
Epuisée, mais mobilisée coûte que coûte alors qu’elle aussi est prise dans le tourment de la guerre. Le centre médical cherche des solutions pour loger ses employés qui vivent dans des zones bombardées.
Amélie David
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