Farid Benyettou, un étudiant en soins infirmiers rattrapé par son passé ?

Farid Benyettou, un étudiant en soins infirmiers rattrapé par son passé ?

"Scolarité sans problèmes", "entrée légale en IFSI"... Le directeur général de l'AP-HP, Martin Hirsch, et la directrice de l'IFSI de la Pitié-Salpêtrière ont expliqué qu'aucunes mesures particulières, au vu du cursus scolaire de Farid Benyettou, n'avaient été nécessaires jusqu'à ces derniers jours. La situation de cet étudiant infirmier va cependant amener l'AP-HP et les ministères respectifs à se poser un certain nombre de questions, à y répondre, au vu de nombreuses contradictions.
Martin Hirsch, directeur général de l'AP-HP, et Véronique Marin La Meslée, directrice de l'IFSI de la Pitié-Salpêtrière, ce lundi 12 janvier
Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP, et Véronique Marin La Meslée, directrice de l’IFSI de la Pitié-Salpêtrière, ce lundi 12 janvier

Actualisation : Interviewé par iTELE, Farid Benyettou condamne les attentats : “Ma démarche n’est pas de clamer mon innocence, a-t-il aussi dit. Mon innocence, elle ne fait pas de doute. Ma démarche, c’est de condamner ce qui a été fait (…) Certains pensent que la France opprime les musulmans. Je suis la preuve du contraire. J’ai un casier judiciaire difficile à assumer. J’ai été condamné pour terrorisme, c’est le pire des casiers. Malgré ça on ne m’a jamais discriminé. Bien au contraire on m’a aidé. Des gens continuent à croire en moi”.

“Cet élève a passé son bac S et a été reçu en février 2011 63ème sur 800 au concours de l’IFSI”, indique Véronique Marin-La Meslée, directrice de l’IFSI et directrice des soins, qui a par ailleurs souligné que Farid Benyettou “ne posait pas de questions différentes que les autres élèves au cours de sa scolarité”.

“Il s’est bien comporté pendant son stage”, renchérit le Pr Riou, responsable du service des urgences de la Pitié-Salpêtrière où Farid Benyettou effectuait son dernier stage, validant son cursus.

De son côté Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP souligne que “c’est uniquement par principe de précaution” que cet étudiant “n’a pas été maintenu” dans ce service, du fait des derniers évènements, alors qu’aucun fait nouveau concernant cet élève “ne rendait nécessaire cette décision”.

Les évènements de ces derniers jours “ne remettent pas en cause la validité de ses stages. Il lui reste à se présenter aux épreuves de fin d’études et à soutenir son TFE. Au vu de son comportement au cours de sa scolarité, je ne peux me soustraire à mon obligation de le présenter au diplôme d’infirmier”, ajoute la directrice de l’IFSI.

Au coeur de la polémique : la réinsertion

Cette dernière ajoute “que les lois de la République prévoient que des personnes qui ont été jugées, ont effectué leurs peines, puissent se réinsérer, se réhabiliter”.

Concernant le comportement de Farid Benyettou, ce dernier “a affirmé qu’il n’a plus de contacts” avec les anciens membres du réseau des Buttes-Chaumont auquel appartenait les frères Kouachi, responsables de l’attentat contre Charlie Hebdo. “Il n’a eu aucune attitude prosélytique à l’IFSI et a manifesté une volonté de se rendre utile et de se rattraper”, précise-t-elle.

Au cours des derniers jours, “il s’est associé à la peine ressentie par tous les concitoyens et a participé à la minute de silence jeudi”, ajoute Véronique Marin-La Meslée qui s’est entretenue avec Farid Benyettou dès le vendredi 9 janvier. “Il est actuellement inquiet du fait de la pression médiatique”, souligne-t-elle.

De fait, c’est la directrice de l’IFSI qui a découvert le passé de Farid Benyettou, au hasard d’un reportage d’Envoyé spécial sur le djihad, en mars 2012, soit un mois après son entrée en IFSI, ou il apparaissait. “J’ai alors contacté les autorités de police qui m’ont affirmé qu’il était suivi et ne posait pas de problèmes particuliers”.

Ces dernières auraient-elles dues prévenir au préalable l’IFSI ? Les évènements récents ont en effet posé la question de l’efficacité de la surveillance policière à l’égard des anciens réseaux d’islamistes radicaux.

Casier judiciaire et entrée en IFSI 

“Cela fait de nombreuses années que l’extrait de casier judiciaire n’est plus demandé lors de l’entrée en IFSI”, rappelle Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP qui distingue “les modalités d’entrée en IFSI et celles nécessaires pour être recruté à l’hôpital, dans la fonction publique hospitalière. Il savait très certainement en entrant qu’il ne pourrait ensuite prétendre à travailler dans un hôpital”.

Quelles ont alors été les motivations de Farid Benyettou pour entamer ces études ? La question reste entière. A-t-il l’intention de partir à l’étranger, en Syrie, comme l’affirment certains ? Avait-il l’objectif de travailler dans le privé, porte qui lui est bien-sûr fermée dorénavant ?

Les autorités de santé devront nécessairement résoudre une contradiction flagrante entre une entrée possible dans un IFSI public et l’impossibilité d’exercer ensuite son métier dans la même filière. “Doit-on interdire l’entrée en IFSI dès lors qu’un casier judiciaire n’est pas vierge, même s’il s’agit de faits passés et qui peuvent être mineurs ?”, s’interroge Martin Hirsch en élargissant le débat.

D’autres questions se posent sur la possibilité pour l’Ordre infirmier de vérifier la moralité – selon quels critères ? – des infirmiers en exercice, alors que la majorité des salariés n’adhèrent pas à l’ONI ? Quelles sont les règles pour entrer dans le privé ? Sont-elles suffisantes ?

A suivre…

Cyrienne Clerc

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