Empowerment : « la collaboration ouverte entre médecin et patient est la voie de l’avenir »

Empowerment : « la collaboration ouverte entre médecin et patient est la voie de l’avenir »

Comment le pouvoir vient aux patients ? Marie-Georges Fayn, spécialiste de la communication en matière de santé s'est penchée sur ce sujet dans le cadre d'une thèse en sciences de gestion qu'elle a soutenue fin 2019.

Empowerment : « la collaboration ouverte entre médecin et patient est la voie de l'avenir »

« L’objectif de la satisfaction du patient m’a toujours taraudée », évoque marie-Georges Fayn.

Dans son travail, intitulé « L’empowerment des patients : de l’empowerment individuel à l’empowerment collectif », elle analyse les leviers de cet « enpouvoirisation » des patients et les espaces où il se développe. « L’empowerment, c’est la montée en compétence des personnes, la maîtrise de leur maladie, leur capacité à collaborer lavec es autres et, au-delà, une capacité à, parfois, produire des solutions, ce qui peut conduire à la transformation du système de santé voire de la société », explique Marie-Georges Fayn.

Par ce biais, la vulnérabilité individuelle des malades se transforme en puissance collective… Les patients séropositifs ou malades du sida ainsi que ceux souffrant de maladies chroniques comme le diabète ont été les pionniers de ce mouvement, d’abord au sein d’associations puis, désormais, aussi sur le web.

De l’individuel au collectif

La montée en compétence des patients fait que le discours scientifique, spécialisé, « n’est plus, selon l’auteure de la thèse, réservé aux professionnels ni à une certaine élite. Du fait de l’accroissement de leur savoir et de leur implication croissante, ces patients parviennent à comprendre parfaitement les enjeux » qui entourent leur maladie et ses traitements tout comme la qualité de vie des personnes qui en sont atteintes. Cela a été particulièrement clair pendant la crise du Levothyrox : les patients se sont mobilisés pour faire valoir leur connaissance « experte » de leur médicament et porter des revendications fortes. Il ont obligé les pouvoirs publics et les laboratoires à les écouter…

Marie-Georges Fayn a observé plusieurs phases dans l’empowerment des patients. La première, d’ordre communautaire, se traduit par le développement d’un sentiment d’appartenance à un groupe identifié qui partage un vécu et des expériences, dans un « récit collectif ».

Dans un second temps, la participation des patients devient plus collaborative, dans la conception de biens et de ressources utiles au groupe. Ensuite, l’empowerment collectif  peut devenir productif dans la recherche de solutions de grande ampleur qui nécessitent des investissements importants (comme des programmes de recherche). Enfin, il prend une dimension sociétale quand les motivations et frustrations individuelles se transforment en revendications citoyennes (qui aboutissent parfois à de véritables changements).

Modérateurs influenceurs

L’auteure de la thèse a mené en parallèle deux études qualitatives. L’une auprès de quatre experts et l’autre sur l’analyse des messages qu’échangent les internautes sur le forum de l’association « Vivre sans thyroïde » (4000 connexions par jour). « Les patients y recherchent ce qu’ils n’ont pas trouvé dans le système de santé, observe l’auteure. Et ceux d’entre eux qui ont le plus d’expérience peuvent les aider. »

La qualité et le « sens aigu de l’éthique » qui caractérisent la modération du forum par des membres  expérimentés l’ont frappée. Les modérateurs, bénévoles, « ont une littératie, ils disposent de données fiables et les mobilisent pour répondre aux questions, ajoute-t-elle. Ils ont aussi des aptitudes sociales et une capacité à se décentrer de leurs propres problèmes pour se relier aux autres, sans arrière pensée et avec empathie. ». Ils ont un rôle non négligeable d’influenceurs et une véritable intelligence collective, utile collectivement, se construit sur ces forums.

Selon elle, ces espaces virtuels sont devenus le « chaînon manquant » entre  généraliste et spécialiste et une sorte de service « avant et après-vente » des consultations médicales, examens ou interventions chirurgicales. Un espace où les patients obtiennent des réponses à leurs questions dans une compréhension de leur expérience. D’où la nécessité pour ces forums d’imaginer une forme de labellisation, souligne Marie-Georges Fayn, car le risque de voir des mouvements sectaires s’emparer de questions de santé et de la détresse des patients existe bel et bien.

« Empowerer » les professionnels

L’expérience de ces patients et leur volonté de participer à leur prise en charge et à celle de leurs pairs apporte une dimension nouvelle à l’approche médicale de certains problèmes de santé. « Les patients ont prouvé à maintes reprises qu’ils pouvaient, par exemple,faire avancer la recherche », souligne Marie-Georges Fayn. Dans le cabinet du médecin, aussi, « la collaboration ouverte avec le patient est la voie de l’avenir, ajoute-t-elle. (…) Le fossé entre ce qui est dit au patient et la réponse qu’il attend doit se réduire. Il faut donc davantage co-construire les réponses. »

Selon elle, il faut aussi « aider les professionnels de santé à accueillir les patients “empowérés » car cela peut être compliqué. On ne reconnaît la liberté ou l’intervention de l’autre que si soit-même on est dans un cadre qui n’est pas un carcan. Il faut aussi un empowerment au sein des équipes, via des formations, pour développer des formes d’organisation nouvelles, plus horizontales. »

 

Géraldine Langlois

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