Son crédo : l’éducation à la sexualité, pour accompagner au mieux les professionnels amenés à travailler sur cette thématique auprès des jeunes et des moins jeunes.
Comment avez-vous débuté votre exercice dans le domaine de l’éducation à la santé sexuelle ?
Après avoir commencé ma carrière en psychiatrie, j’ai exercé pendant environ dix ans dans un Centre de planification et d’éducation familiale (CPEF).
C’est une amie infirmière qui m’a orientée vers ce poste.
Certes, comme toutes les infirmières, j’étais sensibilisée à la prévention, mais je ne connaissais pas vraiment le rôle infirmier au sein des CPEF.
J’y suis donc allée par curiosité plus que par vocation, et c’en est devenue une.
Tout m’a plu dans ce poste aux missions extrêmement variées : entretiens individuels autour de la santé sexuelle, de l’IVG, de la contraception, des dépistages, de la violence. Tout le monde peut se rendre au sein d’un CPEF, être pris en charge de manière anonyme et gratuite.
En général, les personnes viennent pour des questions en lien avec la contraception.
En tant qu’infirmière, nous pouvons recevoir les patients dans le cadre de consultations relativement longues, l’occasion de tisser un lien de confiance permettant aux patients de se confier. Dans le cadre de cette fonction, je jouais un rôle “d’aiguilleuse” : je recueillais la demande des patients à l’accueil, j’assurais une partie de l’entretien, et orientais vers d’autres professionnels (médecins, sages-femmes, psychologues) en fonction des besoins.
La prise en charge globale est riche. J’ai par exemple été formée en symptothermie, une méthode de gestion « naturelle » de la fertilité et de la contraception, me permettant de proposer aux patientes intéressées ce type de suivi.
J’ai aussi été amenée à effectuer des entretiens auprès des jeunes dans les établissements type collèges, lycées, Instituts médico-éducatifs (IME), afin de parler de sexualité avec un public très varié.
Pourquoi avoir quitté ce poste s’il vous plaisait autant ?
J’ai eu l’occasion de suivre de nombreuses formations.
Je suis notamment titulaire d’un Diplôme universitaire (DU) de formation en éducation à la sexualité et je suis détentrice d’une formation de formateur académique pour former les intervenants en éducation à la sexualité. Je les ai suivies en parallèle de mon travail, parfois sur mon temps de travail, parfois sur mon temps personnel.
Comme j’exerçais au CPEF à temps partiel, j’aspirais à proposer, dans le cadre d’un autre mi-temps, une formation en éducation à la sexualité aux agents, en interne.
Mais cela n’a pas été possible. J’ai donc saisi l’opportunité de mon déménagement pour demander une disponibilité et développer une nouvelle activité.
J’ai fondé en août 2022, Les bien lunées. Je propose désormais des formations afin de partager des outils pour aider tous les professionnels (infirmiers, médecins, sages-femmes, travailleurs sociaux, psychologues, psychomotriciens) pouvant être amenés à parler de sexualité, prioritairement auprès des adolescents et des femmes, et plus largement auprès de tous les publics.
Je les forme à animer une séance, construire un projet, parler de sexualité en entretien, de manière sereine et sans tabou sur des thèmes tels que le plaisir, les violences, la contraception, la pornographie, l’orientation sexuelle, etc.
C’est aussi l’occasion de partager un kit d’éducatif sur la vulve et le clitoris, l’occasion de libérer ce tabou particulier autour du plaisir féminin et de cette partie du corps encore trop souvent « non nommée ».
Pourquoi est-il important pour les professionnels au sens large, et les infirmiers en particulier, de se former ?
L’éducation à la sexualité est très globale. Et on s’est aperçu que les approches préventives, par les dangers, sont inefficaces et contreproductives.
Pour résumer, il ne s’agit plus uniquement de parler des préservatifs et des risques de maladies.
Désormais, l’éducation à la sexualité est structurée autour d’une approche bio-psycho-sociale progressive.
Il faut s’adapter à l’environnement, à la culture du public. Pour reprendre l’exemple du préservatif, si l’on veut être dans une éducation à la sexualité complète, il faut également renforcer tout ce qui va permettre à l’adolescent par exemple, de formaliser le moment venu d’un rapport sexuel, ses besoins, un refus, sa capacité à être soi, à connaître ses envies, la manière de les exprimer à l’autre, etc.
La formation à l’éducation à la sexualité permet aux professionnels d’apprendre à guider les échanges.
L’objectif n’est pas de savoir répondre à toutes les questions. Il faut certes avoir un socle de connaissances de base autour d’incontournables comme la pornographie, les violences sexuelles, etc.
Mais il faut surtout travailler sur nos représentations, chercher à être dans une posture facilitante, afin de ne pas projeter sur l’autre nos normes, nos croyances. Les discours moralistes peuvent faire de nombreux dégâts.
La formation initiale des infirmiers ne prend pas en compte cette approche de l’éducation à la sexualité.
Pourtant, avec les publics qu’ils prennent en charge, ils peuvent régulièrement être amenés à en parler dans tous les secteurs d’exercice : infirmiers scolaires, libéraux, en PMI, dans les CEGIDD ou encore dans les centres médico-sociaux.
Une formation complémentaire permet ainsi à chacun de construire ses représentations et de s’adapter à de nombreux publics. Les infirmiers y sont sensibles, d’autant plus qu’ils ont une capacité à se remettre en question et sont ouverts à la culture de la formation.
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