La psilocybine, issue de champignons hallucinogènes, donnerait des résultats encourageants sur la dépression.
C’est ce que va expérimenter l’étude clinique portant sur l’efficacité d’une psychothérapie assistée par les psychédéliques (PAP) qui a démarré début février dans le service d’addictologie de l’hôpital universitaire de réadaptation, de rééducation et d’addictologie du CHU de Nîmes (au Grau-du-Roi).
Cette expérimentation est la toute première en France à utiliser la psilocybine dans un cadre médical à visée thérapeutique. « Cette substance active dont l’effet le plus connu est qu’elle peut générer des hallucinations, entre dans la classe des psychédéliques dont font partie le LSD ou l’ayahuasca », observe le docteur Amandine Luquiens, psychiatre de l’hôpital. « Le potentiel thérapeutique de ces molécules était très étudié notamment en France dans les années 1950 mais tout s’est arrêté avec l’interdiction des psychédéliques », rappelle ce médecin investigateur.
Renfort psychédélique
30 patients vont être inclus dans l’étude. Tous ont souffert d’un trouble sévère lié à l’usage d’alcool (AUD – alcohol user disorder), sont sevrés depuis deux semaines à deux mois mais conservent des signes de dépression. « La dépression est un très gros facteur de rechute, il est urgent de traiter », précise la psychiatre.
Hospitalisés pendant un mois, ces patients qui viennent expérimenter la psychothérapie assistée par la psilocybine vont être traités deux fois par voie orale, à trois semaines d’intervalle. Les groupes sont tirés au sort, deux tiers des patients avalant 25 mg par prise, le deuxième groupe prenant une très faible dose d’1 mg. Dans l’intervalle, tous restent hospitalisés et participent au programme habituel de prévention de la rechute, avec suivi médical et psychologique.
« La psilocybine ouvre une fenêtre favorable à la psychothérapie, elle permet au cerveau de fonctionner avec plus de flexibilité, elle améliore les mécanismes d’apprentissage », indique la psychiatre. En bref, les psychédéliques sont susceptibles de modifier puissamment l’humeur, la perception et les processus cognitifs. « Il peut y avoir des effets secondaires », précise-t-elle. Comme les hallucinations. « Le gros avantage de cette molécule est qu’elle agit rapidement contrairement aux antidépresseurs qui font effet après trois semaines », explique le médecin. Son action serait durable dès les premières prises.
Soignants impliqués
Les soignants du service addictologie sont partie prenante. « Ces patients bénéficient d’une préparation et d’un encadrement psychothérapeutiques rapprochés, en complément du traitement habituel », indique Séverine Sastre. Cette cadre de santé intervient dans la programmation des admissions de patients. En leur exposant au préalable, ce que l’établissement va leur proposer.
Elle s’occupe aussi d’établir les états de santé pour déterminer des besoins spécifiques pendant le séjour à l’hôpital. « Une personne qui pèse 150 kg doit pouvoir être accueillie avec un lit adapté, par exemple. » Et un malentendant, disposer d’un matériel en lien avec son niveau de handicap…
Les soignants qui s’occupent de prendre les constantes, font aussi les évaluations para-cliniques régulières de leurs patients. « Ils ne doivent pas rester seuls pendant les quatre à six heures où des effets secondaires peuvent se manifester », explique Séverine Sastre. « Certains peuvent s’endormir et d’autres avoir des hallucinations bonnes ou mauvaises (bad trips) », précise-t-elle. Parler de champignons hallucinogènes pose, à ces soignants, beaucoup de questions. « Que doit-on surveiller chez un patient qui a pris le produit, quelles vont être ses réactions et les interactions avec l’équipe soignante », confie l’infirmière qui ne connaissait pas la molécule.
Et formés
Pour se préparer à l’étude menée dans leur service, les soignants ont été formés pendant plusieurs mois. Chaque semaine, une séance en interne sur les psychédéliques, les mécanismes biologiques et psychologiques de la psilocybine, et sur le design de l’étude, leur a été dispensée par les psychiatres du service. « Quand l’étude sera terminée nous en saurons plus sur nos propres compétences psychologiques et techniques, et sur notre capacité à interagir avec des patients sous l’effet d’un produit hallucinogène », indique Séverine Sastre. « Dans l’évolution des thérapeutiques, c’est très intéressant, très enrichissant. »
« L’étude pilote en cours au Grau-du-Roi est une première étape avant une étude de plus grande ampleur, multicentrique, en France », annonce le docteur Luquiens. « Celles qui sont sorties ces dernières années aux Etats-Unis, en Australie, en Angleterre ou en Suisse*, ont montré des effets encourageants. » Notamment dans la dépression résistante.
Myriem Lahidely
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* La Suisse autorise, de façon très encadrée, l’usage de psychédéliques à visée médicale, dont le LSD, dans les troubles anxio-dépressifs, les TOC, l’anorexie… En dernier recours, pour des patients en impasse thérapeutique.
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