SDF, sans-papiers, familles des squats et des bidonvilles…La crise sanitaire n’a pas épargné les personnes en situation de grande précarité. Au contraire. « Le fait de vivre dans un habitat collectif, dans la rue ou dans d’autres conditions de vie indignes a été une vulnérabilité à prendre en compte, un facteur de risque supplémentaire », explique Delphine.
Par ailleurs, beaucoup de suivis sociaux et médicaux, à l’hôpital comme en ville, ont totalement été interrompus pendant cette période.
Alors, il a fallu s’adapter. Au quotidien, d’habitude, Delphine « chapeaute » cinq programmes, « en direct ou en appui » des coordonnateurs de mission : le centre d’accueil de soins et d’orientation (CASO), la PASS de ville (voir n°32 d’ActuSoins), une mission « SDF », une mission « squats et bidonvilles » ainsi qu’un programme permettant l’accès aux droits et aux soins à des travailleurs clandestins agricoles. Son rôle ? « Manager, rechercher et consolider les subventions, suivre des indicateurs, stabiliser et développer des activités… » Entre autres.
Avec la Covid-19, Delphine et son équipe ont d’abord réorganisé l’ensemble des activités de MdM à Marseille. Priorité : limiter les contaminations potentielles liées aux conditions de vie, permettre aux personnes de respecter le confinement et leur proposer des solutions d’isolement. « Le centre de soins, d’habitude ouvert trois demi-journées par semaine, l’a été tous les matins : il fallait être en mesure de détecter les suspicions de Covid et de mettre en place un protocole. Nous avons aussi renforcé les équipes sur l’activité “squats et bidonvilles” pour assurer la partie prévention et sensibilisation, mais aussi pour voir des personnes qui avaient des maladie chroniques et qui pouvaient être en rupture de traitements. »
D’autres activités ont en revanche été suspendues. « Nous avons décidé de fermer temporairement la PASS de ville – qui propose aux personnes sans papiers de constituer un dossier de demandes de droits, tout en les orientant vers des professionnels de santé partenaires en ville pour des soins, sans avance de prise en charge, ndlr – car avec toutes les administrations fermées, nous ne pouvions plus assurer ce versant social. Pour cette même raison, l’activité d’aide sociale aux travailleurs clandestins agricoles s’est aussi interrompue », indique Delphine.
Enfin, la mission « SDF » a également été suspendue, le temps de la crise (cet article est paru en Juin 2020, depuis des changements ont été opérés, ndlr). « L’équipe de cette mission est constituée uniquement de bénévoles. La plupart sont retraités et donc à risque. Ça a été un vrai dilemme pour nous. Nous avons décidé de protéger nos équipes et donc d’arrêter cette activité, tout en s’assurant évidemment que d’autres associations et équipes mobiles restaient très présentes. »
Renfiler la blouse
« Il a fallu trouver un équilibre », résume-t-elle. « On ne s’en est pas trop mal sortis ». Il faut dire qu’en qualité de coordinatrice générale, Delphine s’est vraiment impliquée. Entre deux réunions avec les instances ou avec d’autres associations ou entre deux décisions à prendre, elle n’a pas hésité à « renfiler » sa blouse d’infirmière pour venir en aide aux équipes.
« Comme, en raison de la protection des bénévoles, on avait réduit l’équipe au centre de soins, j’ai décidé de participer en première ligne. » Telle une infirmière d’accueil et d’orientation dans un service d’urgences, elle effectuait le « tri » à l’arrivée des patients. Elle s’est aussi déplacée sur les bidonvilles, « pour de la prévention et quelques soins mineurs », précise-t-elle.
Un parcours entre humanitaire et réa
Delphine a toujours eu à cœur d’entretenir ses compétences plurielles. Inscrite sur les listes de la réserve sanitaire, elle était « prête » à donner un coup de main en réa ou ailleurs. Il faut dire que son expérience est un plus : infirmière en réa en début de carrière, elle a ensuite opté pour l’humanitaire. Mali, Côte d’Ivoire, Congo Brazaville, République centrafricaine, Madagascar…Pendant 8 ans, elle a participé à des missions pour Médecins-sans-frontières.
D’abord infirmière, elle s’est rapidement mise à coordonner les équipes et à assurer la formation des locaux, la logistique, et l’accompagnement à l’hygiène. « Le contexte était toujours difficile : contexte de déplacements de population en raison de guerre, contextes épidémiques, etc. », se souvient-t-elle.
Et entre deux missions, pas question de se reposer. « Je reprenais un poste en réa, dans une clinique. C’était important pour mon équilibre. Je ne voulais pas devenir une ‘’humanitaire complétement hors-sol’’. Il fallait que je conserve un ancrage familial, amical, professionnel ici. »
Huit années et un master de management et de gestion de projet plus tard, elle décide de se poser. « J’ai d’abord occupé un poste de coordinatrice à la frontière franco-italienne, pour MdM ». Maintenant, coordinatrice générale des programmes, Delphine apprécie. « Ça me correspond. J’aime les thématiques. J’ai envie de faire bouger les lignes et de participer au système. »
Malika Surbled
Delphine Visentin en 5 dates
2005 : obtient son DEI, puis travaille en réa (AP-HM)
2009 : travaille en qualité d’infirmière, puis de coordinatrice de programmes pour MSF
2014 : intègre un M2 en management et gestion de projet, qu’elle obtient
2015 : repart en mission humanitaire, monte des projets et des formations
2018 : décide de se « fixer » en France. Devient coordinatrice frontière, puis coordinatrice générale pour MDM.
Cet article est initialement paru dans le n°37 d’ActuSoins Magazine (Juin 2020).
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