Concentrée, Claudia d’Argemont-Hasenfuss désinfecte le bras de son donneur, pique, puis étiquette les poches de sang d’une main experte, tout en gardant un oeil vigilant sur le petit cercle de donneurs allongés autour d’elle. « Le don de sang, ça paraît simple mais en fait il y a tout un tas de petites choses à surveiller. Il faut de la rigueur », sourit l’infirmière. Claudia sait de quoi elle parle : cela fait quatorze ans qu’elle travaille pour l’établissement français du sang (EFS).
L’une des choses qu’elle apprécie dans son métier ? Avoir des patients… en pleine forme ! « Donner est un acte positif, les personnes que nous prenons en charge sont volontaires et en bonne santé. Le rapport que nous avons avec les donneurs n’est pas du tout le même qu’avec des patients à l’hôpital », explique-t-elle. Aujourd’hui, son équipe s’est installée dans les locaux d’une mutuelle proche de la gare de Rennes pour une collecte mobile, l’une des 40 000 menées en moyenne chaque année par l’EFS. « Les gens donnaient de moins en moins, mais les attentats du 13 novembre ont fait augmenter l’affluence. L’idéal serait que ça perdure… », espère Stéphane Brandého, cheminot et donneur bénévole, dont l’association organise cette collecte.
« Tout est tracé »
Allongé sur son lit, Mohammad, donneur régulier, attend son tour. « Je suis en bonne santé, pourquoi ne pas donner ? Ce n’est qu’un peu de sang, et j’en reproduis après », estime-t-il. Face à lui, Claudia prépare son kit de prélèvement tout en l’interrogeant : « Vous avez un bras de préférence ? Avez-vous bu ? ».
Garot, désinfection, piqûre, étiquetage des poches et des tubes d’analyse… Des gestes précis, répétitifs, pour lesquels l’erreur est interdite. À chaque prélèvement, Claudia bipe son badge. « Le don, le donneur, l’infirmière, les poches, les tubes… Tous ont un code, ainsi tout est tracé », explique-t-elle. Sur une table voisine, les tubes d’analyses s’alignent selon un ordre strict : il y en a au moins cinq par donneur, afin de réaliser les analyses obligatoires pour que le sang soit délivrable (numération, groupage sanguin, maladies virales, etc.).
Une fois la collecte terminée, Claudia, ses collègues infirmières et le médecin de l’EFS se chargeront de tout ranger dans leur camion, avec les poches, les lits et le matériel de prélèvement, avant de vérifier que le nombre de poches et de donneurs correspondent et que la prochaine équipe aura le matériel suffisant pour réaliser la collecte suivante.
Infirmières tout-terrain
Locaux professionnels, salles des fêtes, mairies… Les lieux de collectes mobiles sont variés et les infirmières de l’EFS se doivent donc d’être tout-terrain. « Les règles d’hygiène sont les mêmes qu’à l’hôpital », précise Claire Loste, infirmière. Le matériel, lui, est un peu différent de celui de l’hôpital. Ainsi, les poches utilisées étant des kits stériles, les aiguilles sont déjà installées sur les tubulures. Les infirmières doivent les séparer grâce à un appareil à souder portatif avant de les jeter dans les containers adéquats.
Intérimaire, Claire Loste travaille pour la première fois à l’EFS. Pour l’instant, elle réalise ses prélèvements sous la supervision d’une collègue : il en faut cinquante avant d’être habilité sur le poste. La formation au prélèvement de sang total, celui réalisé lors des collectes mobiles, est assuré en interne par les infirmiers de l’EFS. Une fois habilités, les soignants alternent les collectes mobiles et celles à la Maison du don : c’est dans ces dernières, notamment, que sont réalisés les prélèvements spécifiques comme ceux de plasma, de moelle osseuse…
Le don de sang, une activité très encadrée
Quantité de sang prélevé, type de don et contre-indications : les décisions sont prises par le médecin lors de l’entretien préalable avec le donneur. Il se base sur le référentiel de contre-indication établi par le ministère de la Santé et revu régulièrement (voir encadré). Plusieurs dispositions ont évolué récemment. Ainsi, si l’âge limite pour donner son plasma et ses plaquettes est maintenu à 65 ans, le don de sang total peut désormais se faire jusqu’à 70 ans.
Surtout, les hommes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes peuvent donner leur sang à partir du 1er juillet 2016. Mais sous une condition stricte : ne pas avoir eu de relation homosexuelle durant les douze mois précédents. Un délai retenu par le ministère de la Santé car il n’existe pas d’étude, pour l’instant, sur un délai inférieur. Le don spécifique de plasma sera possible, quant à lui, si le donneur n’a eu qu’un partenaire sexuel durant les quatre mois précédents. En effet, ce produit sanguin est le seul à être congelé durant un an.
Le prélèvement thérapeutique, un métier moins connu
Si le don de sang total lors des collectes mobiles ou au sein des 143 maisons du don réparties dans toute la France est l’activité la mieux connue de l’établissement français du sang, ses missions sont en réalité plus larges. Le parcours de Sébastien André, entré en 1998 à l’EFS comme infirmier fraîchement diplômé, illustre bien l’ensemble des activités liées au sang. « J’ai démarré comme infirmier de prélèvement de sang. Puis je me suis spécialisé dans le prélèvement de plasma et de plaquettes, avant de devenir infirmier de prélèvement dans le secteur thérapeutique. Aujourd’hui, je fais environ 20 % de sang total et 80 % de sang thérapeutique », détaille le soignant.
Cette activité s’exerce dans les 91 centres de santé de l’EFS. « La plupart de nos patients souffrent de maladies hématologiques : lymphomes, myélomes… On prélève leurs cellules pour réaliser des autogreffes. On reçoit aussi des patients greffés qui connaissent des complications », explique Sébastien André. L’infirmier est aussi amené à prélever des dons de cellules souches périphériques, à réaliser des saignées thérapeutiques pour les malades d’hémochromatose ou des échanges érythrocytaires pour des patients atteints de drépanocytose.
Rigueur et technique
Les qualités indispensables d’un bon infirmier de prélèvement ? « Avant tout, être un bon technicien. Car notre objectif est d’avoir des prélèvements sanguins de qualité, estime Sébastien André. Mais il faut aussi un bon contact humain. On rencontre énormément de donneurs et de patients, tous issus de milieux sociaux très variés. Il faut aussi savoir les rassurer car le prélèvement peut faire peur ». « Il faut être rigoureux », ajoute quant à elle Claudia d’Argemont-Hasenfuss. Les deux collègues s’accordent sur un point : pas de routine dans leur métier. « Les lieux de collectes, les collègues, les horaires de travail… On est amené à changer tout le temps, et ça me plaît », se félicite Sébastien André.
Les contre-indications
Tout donneur doit être âgé de 18 à 70 ans révolus et peser au moins 50 kilos. Sont écartées les femmes enceintes (jusqu’à 6 mois après l’accouchement), les personnes anémiées, ayant un diabète insulino-dépendant, épileptiques ou atteintes de maladies virales transmises par le sang (VIH, hépatites, etc.). Un délai de contre-indication variable est demandé dans certaines situations : maladies infectieuses, intervention chirurgicale, piercing ou tatouage, traitement dentaire, voyages dans certains pays, relation sexuelle avec un nouveau partenaire… « Notre objectif est d’obtenir le produit sanguin de la meilleure qualité possible, sans nuire au donneur ni au receveur », rappelle le Dr Jean-Philippe Leborgne, médecin responsable de la Maison du don à Rennes. Et côté fréquence ? Un homme pourra donner son sang six fois par an avec un intervalle de 8 semaines entre deux dons, une femme quatre fois par an avec le même intervalle. Ce délai est réduit à 15 jours dans le cas d’un don de plasma.
Que devient le sang prélevé ?
Une fois la collecte terminée, les poches de sang total prélevées par Claudia et ses collègues sont acheminées dans les locaux de l’EFS de Rennes. Là-bas, les techniciens sépareront globules rouges, plasma et plaquettes. Les premiers peuvent être conservés jusqu’à 42 jours à 4 degrés. Le second peut soit être congelé durant un an avant transfusion, soit servir au laboratoire public LFB pour réaliser des médicaments. Le concentré de plaquettes issu de ces poches, enfin, est conservé au maximum 5 jours à température ambiante. Ces deux produits sanguins sont aussi obtenus lors de dons spécifiques.
Mais avant de pouvoir soigner des malades, ces dons doivent être analysés. Tous ceux réalisés dans le grand Ouest sont analysés à Angers. Une fois certifiés, les produits sanguins conservés à Rennes serviront dans les hôpitaux bretons mais aussi franciliens : l’Ile-de-France étant une région déficitaire, l’EFS de Rennes lui envoie 300 à 400 poches de sang par semaine. Ce sang sera principalement transfusé aux patients atteints de maladies du sang ou de cancers, aux femmes lors d’accouchements ou lors d’interventions chirurgicales. Chaque année, un million de malades bénéficient du sang de donneurs en France selon l’EFS.
AMÉLIE CANO / YOUPRESS
Cet article est initialement paru dans le n°21 (Juin 2016) d’ ActuSoins Magazine. Pour recevoir ActuSoins chez vous, c’est ICI.
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