Comment responsabiliser les patients sans les culpabiliser ?

Comment responsabiliser les patients sans les culpabiliser ?

Si responsabiliser les patients sur leur santé participe de leur autonomie, la prudence est requise car le risque de culpabiliser le patient existe.

Comment responsabiliser les patients sans les culpabiliser ?Aujourd’hui les patients veulent être informés sur leur maladie et les choix thérapeutiques pour être acteurs de leur propre santé. Cette question de la responsabilisation des patients, notamment ceux atteints d’une maladie chronique, est d’ailleurs encouragée par les pouvoirs publics et les instances de santé comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou la haute autorité de santé (HAS). Objectifs : réduire le nombre d’hospitalisation et donc faire des économies en matière de santé. Mais aussi rendre le patient plus autonome et garantir sa dignité.

Comme l’a souligné Paul-Loup Weil-Dubuc, responsable de la recherche à l’Espace de réflexion éthique de la région Ile-de-France, lors d’une conférence sur la question en février dernier, le concept de responsabilisation est flou. Il s’agit à la fois de transférer ou déléguer une responsabilité aux  usagers dans une logique de « laisser faire ». Cette responsabilisation concerne en effet tous les citoyens (les “usagers”) et non seulement les « patients ».Mais responsabiliser c’est aussi produire des patients responsables qui vont savoir « bien décider » pour eux-mêmes.

Réaction plutôt qu’action

Voilà pour la théorie. Dans la pratique, cette responsabilisation du patient se heurte à des questions d’ordre éthique. Est-il légitime d’agir sur les comportements des patients ? N’est-ce pas une forme de paternalisme que de diriger des comportements et de définir des normes d’hygiène de vie ? Peut-on servir les intérêts collectifs avec des comportements individuels ? etc.   

D’autres questions, encore, se posent du point de vue du patient. Claire Marin, enseignante chercheure en philosophie et éthique médicale, est intervenue à l’espace éthique Ile-de-France sur le sujet. Elle a rappelé que la bonne santé était essentiellement une question de hasard et de chance, plus que celui d’un travail, même si l’hygiène de vie permet de l’optimiser. Elle affirme ainsi qu’être acteur de sa santé est une notion qui s’applique aux individus en bonne santé. Selon elle, les malades sont plus dans la réaction que dans l’action puisque dans une position de vulnérabilité due à leur état. Par ailleurs, une personne malade pourra préférer se laisser faire plutôt qu’agir. Cela dépendra de ses ressources, de ses capacités, de son acceptation du diagnostic et de ses attentes.

Surtout, déléguer au patient une part de sa bonne ou mauvaise santé peut conduire à le culpabiliser. Laurence Hobik, infirmière dans le service pédopsychiatrique au centre hospitalierde Mâcon, anciennement infirmière au sein du programme d’éducation thérapeutique Eric (Education et réadaptation des insuffisants cardiaques) dans le même hôpital, se souvient du cas d’un patient très jeune souffrant d’une insuffisance cardiaque. «Il suivait parfaitement toutes les recommandations santé en termes d’observance de son traitement, d’alimentation, d’activité physique etc., explique-t-elle. Malgré tout, son état de santé s’est détérioré et il a dû être hospitalisé pour une décompensation cardiaque importante. Cette personne s’est sentie coupableet s’est demandéece qu’il avait mal fait.  Dans ce genre de cas, où le patient culpabilise, il faut bien expliquer que parfois la maladie évolue inexorablement». Quoi que fasse le patient.

Ecoute et bienveillance

Autre exemple de cas à gérer éthiquement : celui de patients âgés qui disent clairement préférer « en profiter», c’est-à-dire faire des écarts dans leur hygiène de vie plutôt que suivre les recommandations médicales. « Il faut trouver avec eux un équilibre entre les conditions de vie acceptables avec la maladie et le désir de vivre. Entre la prise en compte de leurs problèmes de santé et la qualité de vie qui leur convient, préconise Laurence Hobik. Il faut être dans le non jugement, dans l’écoute et la bienveillance ». Et de rappeler que le patient est autonome, et est donc libre de ses choix. « On lui donne des conseils. Il a le choix de les suivre ou pas. En éducation thérapeutique, nous répétons aux patients que nous sommes là pour les accompagner, pas pour les disputer ».

Alexandra Luthereau

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