Ceux qui vont sauver le système de santé, ce sont les soignants

Ceux qui vont sauver le système de santé, ce sont les soignants

Comment et par qui le principe qui prévalait lors de la fondation de la Sécurité sociale en 1945 – assurer l’égalité de toutes et tous face à la maladie et à la mort – a-t-il été dévoyé ? Gilles Perez et Claire Feinstein, les réalisateurs du film « Nous soignants », diffusé ce mercredi sur France 3, frappent fort. En donnant la parole aux soignants, dont quatre infirmiers, ils invitent à réfléchir à l’avenir de notre système de santé.
Affiche du film documentaire “Nous soignants”, diffusé mercredi 29 novembre à 22H40 sur France 3. © 13 PRODS

Réquisitoire contre « l’hôpital entreprise » et les dérives liées à la tarification à l’activité, le film « Nous soignants » est un immense hommage à ceux qui prennent en charge les patients.

Sages-femmes, aides-soignants, infirmiers ou médecins, en milieu rural ou en centre-ville d’une métropole, en exercice libéral ou à l’hôpital, ils sont plus d’une vingtaine à témoigner. Tous dénoncent les difficultés d’accès aux soins, le manque de moyens et les fermetures de lits. Tous continuent pourtant de vibrer en évoquant leur métier. Convaincus que la santé est un bien supérieur qui doit échapper aux lois du marché, Claire Feinstein et Gilles Perez reviennent sur cette aventure humaine intense.

Quelle est l’origine de ce film  ?

Claire Feinstein : Notre idée était de prendre le temps de plonger dans les vies de ces soignants, d’écouter comment ils vivent leur travail, leur rapport à la mort et à la souffrance. Nous souhaitions aussi comprendre comment nous en sommes arrivés là, en mêlant les paroles des professionnels et une histoire contemporaine, à partir des années 2000. Le but n’était pas politique mais il ressort que ce sont effectivement des choix politiques qui ont mis en place ces processus industriels, en considérant l’hôpital comme une entreprise comme une autre.

Gilles Perez : C’est ahurissant que nous ne vivions le système de santé que par le biais du trou de la Sécu. On a tous des visières. Nous avons tendu notre micro aux soignants pour qu’ils nous rappellent l’essence même de leur métier. On a tous applaudi sur nos balcons, on leur a rendu hommage au moment où ils ont pris le risque ultime et certains l’ont payé de leur vie. Le lendemain, alors qu’on a tous rêvé d’un monde d’après, on a fermé nos oreilles lorsqu’ils sont descendus dans la rue, parce que nous reprenions nos vies. Comment a-t-on pu changer aussi vite d’attitude vis-à-vis de ceux qui nous ont sauvés ?

Malgré le Ségur de la Santé, le bilan apparaît accablant…

 C.F : Il y a eu quelques revalorisations salariales mais l’organisation du système n’a pas été repensée. Ce sont des mesurettes. Les solutions, tout le monde les connaît, mais on ne les met pas en place car il y a des lobbys très puissants comme l’industrie pharmaceutique, l’industrie médicale, les mutuelles ou les cabinets de conseil, qui n’ont pas envie que le système change. On est dans un marasme terrible. Aujourd’hui, c’est le monde d’avant le Covid, mais en pire. En tant que citoyens, nous avons une responsabilité. Si on veut que tous les Français puissent être pris en charge, il faut de la reconnaissance financière pour les soignants, mais aussi développer la délégation de tâches et les IPA, par exemple.

Le contraste est saisissant entre les décisions prises dans les tours d’ivoire et l’humanité qui transparaît chez les soignants.

 G.P : Chaque parole, chaque geste est pétri d’humanité.  Que ce soit dans des petites structures hospitalières, dans les unités de soins palliatifs, dans un EHPAD ou au milieu des monts d’Auvergne, on s’aperçoit qu’il y a des vies entières qui sont animées par une flamme qui est de servir l’autre. Comment a-t-on pu permettre à la France de dégringoler à ce point sans qu’il y ait eu une réaction de la population ? Les politiques publiques ont oublié ce bien commun. Et à leur corps défendant, certains soignants deviennent maltraitants pour leur plus grande souffrance à eux aussi. C’est ce qui conduit certains et certaines à quitter le métier. 

Qu’est-ce qui vous a frappé chez les infirmiers ?

 C.F : On a passé beaucoup de temps avec eux et nous sommes attachés à tous. Nous avons été fascinés par leurs journées de travail, épuisantes. Dans ce qui nous apparaissait être de l’abattage, on a pu observer des moments d’une profonde humanité. Une main qui saisit un bras, un sourire qui égaye la journée d’une vieille dame… Cela nous a chamboulés. On a touché du doigt ce que pouvait être à la fois leur quotidien, leur souffrance et le bien qu’ils pouvaient apporter à la population.

G.P : Celles et ceux qui vont sauver le système de santé, ce sont les soignantes et les soignants, si on leur redonne les rênes et la maîtrise de leur exercice professionnel. ils ont la technicité et l’expérience pour nous permettre demain d’avoir un maillage territorial suffisant. Ils connaissent les solutions : le juste soin au patient au moindre coût pour la collectivité.

Propos recueillis par Gaëlle Desgrées du Loû

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Il raconte son quotidien dans le film

Marc De Matos, infirmier aux urgences, CH d’Orléans (45)

« Je suis fier de ce film. Ce qui est frappant, c’est que nous partageons tous les mêmes réflexions. J’ai sérieusement songé à partir. Mais je suis jeune papa et j’ai tenu le coup aux urgences pour mon fils, pour qu’il puisse grandir avec un système de santé gratuit. La fibre « service public » a toujours été importante pour moi. Il faudrait un choc massif de changement et arrêter de vouloir que l’hôpital soit rentable. Le soin est quelque-chose d’universel. On sait pourquoi on fait ce métier, mais la réalité nous ronge, on est broyés… On est là pour prendre soin de vous, permettez-nous de prendre soin de nous ».

À vos écrans ! 

France 3 consacre une soirée exceptionnelle aux soignants le mercredi 29 novembre, avec la diffusion à 21:10, du documentaire  “Infirmières, notre histoire”, réalisé par Mathilde Damoisel, et, à 22:45, de  “Nous soignants”,  réalisé par Claire Feinstein et Gilles Perez.

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