Aider les soignants en mal de soins

Aider les soignants en mal de soins

Burn out, addiction, tentative de suicide : comment faire face lorsqu’on est soignant et qu’on a besoin de se faire aider voire soigner ? Des associations existent. Créées par et pour les médecins, elles ouvrent depuis quelques temps leur porte aux autres professionnels médicaux et paramédicaux, et tendent même à un regroupement national.

Infirmières : 16 heures par jour
© YGRECK est un caricaturiste québécois. Ses dessins sont essentiellement publiés dans Le Journal de Québec et Le Journal de Montréal

Selon une enquête (1) de novembre 2015 sur les « souffrances des professionnels de santé », près de la moitié d’entre eux estime avoir été en situation de souffrance dans leur carrière. Pour leur venir en aide, des associations réparties sur l’ensemble du territoire offrent une écoute téléphonique via des numéros d’appel dédiés.

Prioritairement dédiés aux médecins, certains numéros d’appel peuvent depuis quelques années être composés par d’autres professionnels de santé, dont les infirmiers.

Pourquoi cette profession n’est-elle pas à l’origine de ses propres associations d’entraide alors que les infirmiers libéraux traversent pourtant nombre de difficultés dans le cadre de leur exercice ? « Peut être parce qu’historiquement, les médecins ont été plus organisés que les infirmiers, souligne Jean-Jules Mortéo, infirmier libéral et président de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) Infirmiers d’Ile-de-France. Avant les URPS, les médecins étaient déjà organisés et fédérés en Unions régionales des médecins libéraux (URML), ils avaient donc une certaine avance. Nos URPS ont cinq ans, c’est beaucoup plus récent. Et avant elles, il n’existait aucune structure, en dehors des syndicats, pour représenter l’ensemble des infirmiers libéraux. »

Ouverture aux infirmiers

Depuis deux ans, l’URPS Infirmiers d’Ile-de-France est associée à l’Association d’aide aux professionnels de santé et médecins libéraux (AAPML) qui existe depuis une dizaine d’années. « À l’époque, en 2004, différents travaux qui circulaient sur le burn out ont mis en évidence que le risque de mourir par suicide était 2,3 fois plus élevé chez les médecins que dans la population générale », souligne le Pr Eric Galam, médecin coordonnateur à  l’AAPML. D’où la mise en place d’un numéro de téléphone joignable 24h sur 24h, 7 jours sur 7, de manière anonyme et confidentielle.

L’AAPML offre, via ce numéro d’appel, une assistance avec un psychologue clinicien. Et en cas de nécessité, l’appelant peut être orienté vers un psychologue ou vers toute autre structure ou réseau proposant une prise en charge adaptée. « Nous sommes en contact avec quatre cliniques réparties sur l’ensemble du territoire, qui ont des lits dédiés pour les soignants, afin de pouvoir les prendre en charge de manière anonyme et délocalisée », rapporte le Pr. Galam. En cas d’urgence, il existe également un mécanisme d’intervention qui implique de « convaincre l’appelant de nous dire qui il est et où il se trouve afin que nous puissions lui envoyer le Samu et un psychiatre mais cela arrive rarement », précise le Pr Galam qui a créé un DIU Soigner les soignants.

Depuis deux ans, les infi rmiers et les masseurs-kinésithérapeutes

peuvent également appeler ce numéro. « Il est

évident qu’il y a un problème pour les paramédicaux,

estime-t-il. Pendant longtemps, la question du burn out

a été taboue. Aujourd’hui, nous sommes passés à l’autre

extrême, on en parle beaucoup mais en oubliant les soignants.

Or, tout le monde a le droit de ne pas se sentir

bien, sans pour autant culpabiliser. » Et de poursuivre :

« Néanmoins, ceux qui connaissent l’existence de ces

associations ont encore des diffi cultés à demander de

l’aide justement parce qu’ils sont soignants ! »

L’épuisement professionnel :

tabou mais réel

L’AAPML et les URPS Infi rmiers et masseurs-kinésithérapeutes

d’Ile-de-France, ont mené une enquête en 2014

auprès de ces deux professions paramédicales. 63 %

des infi rmiers libéraux qui y ont répondu se sentaient

en risque d’épuisement professionnel. « A plusieurs reprises

l’URPS a été contactée par des infirmiers afin

de connaître les aides existantes dans ce domaine »,

indique Jean-Jules Mortéo. Et d’ajouter : « Nous avons

eu l’occasion, lors du salon infi rmier de novembre 2015,

de faire une intervention sur le sujet et la salle était remplie.

Cela nous a conforté dans le fait que le sujet était

d’actualité. »

Début 2016, l’AAPML a communiqué les résultats de

2015, première année où les infi rmiers pouvaient contacter

l’association. Sur les 164 appels reçus, 4 % venaient

d’infi rmiers, soit 6 à 7 appels. « C’est peu car c’est encore

le début, analyse Sophie Michel, directrice de l’URPS. De

plus, l’URPS n’est pas encore très connue. » C’est d’ailleurs

pour cette raison que l’AAPML s’est rapprochée

de l’URPS Infi rmiers d’Ile-de-France. « Nous avons pour

mission de faire connaître l’association et l’existence de

ce service aux infi rmiers libéraux », explique-t-elle.

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