Dermopigmentation, l’ultime étape de la reconstruction mammaire

A la suite d’un cancer du sein, il est possible pour les patientes de finaliser leur reconstruction mammaire en ayant recours à la dermopigmentation. Cette technique, permettant de reproduire l’aréole mammaire, peut être pratiquée par des infirmières formées.

Cet article a été publié dans le n°44 d'ActuSoins Magazine (mars-avril-mai 2022). Il est à présent en accès libre. 

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Avant © DR

« Toutes les femmes ayant subi une reconstruction mammaire ne souhaitent pas nécessairement se lancer dans la dermopigmentation », reconnaît Ophélie Galissier, infirmière de formation et ancienne infirmière libérale, ayant ouvert son institut de maquillage permanent, esthétique et réparateur à Tarbes (Occitanie).

Si certaines appréhendent, craignent d’avoir mal ou n’estiment pas la démarche nécessaire, pour d’autres, cette étape est indispensable afin de finaliser la reconstruction de leur sein.

Une pratique à l’hôpital et en ville

La dermopigmentation est une méthode consistant à introduire, au niveau du derme superficiel, une substance colorée afin de dessiner un motif visible, permanent ou semi-permanent. Cette pratique est de plus en plus proposée aux patientes, en ville comme à l’hôpital, afin de redessiner une aréole mammaire sur le ou les seins reconstruits.

Au Centre hospitalier Bretagne Atlantique (Vannes), Gaëlle Rio, infirmière à la consultation gynécologie a pu observer sa collègue, avant de pratiquer. « Elle a été formée à la dermopigmentation par le chirurgien oncologue plasticien, le Dr Marc Leblanc, explique-t-elle. Lorsqu’elle est partie à la retraite, on m’a proposé de prendre le relais. » Proposition qu’elle a acceptée.

Outre l’apprentissage issu de l’observation de sa collègue, Gaëlle Rio a bénéficié de trois jours de formation en mars 2019 dans un centre dédié à Marseille, pour apprendre les techniques de la dermopigmentation, la colorimétrie ou encore la connaissance des phototypes de peaux.

De son côté, Ophélie Galissier s’est lancée exclusivement dans le maquillage permanent fin 2020, après avoir exercé cinq ans en parallèle de son métier d’infirmière. Pourquoi ce choix ? « Lors de mes études d’infirmière, j’ai été touchée par la prise en charge d’une patiente que je connaissais mais que je n’avais pas reconnue car elle avait perdu ses cheveux et ses sourcils en raison d’un traitement contre son cancer du sein, se rappelle-t-elle. En échangeant avec elle, j’ai pris conscience des conséquences d’un cancer sur la féminité, la famille, la vie intime. C’est en me renseignant sur les réponses à apporter que j’ai découvert la dermopigmentation. »

A la suite d’une longue réflexion, Ophélie Galissier décide de se lancer en ce formant d’abord aux bases du maquillage permanent, puis plus spécifiquement à la réalisation de l’aréole mammaire, auprès de professionnels reconnus comme Toni Belfatto. « Il n’existe pas de diplôme obligatoire pour l’ouverture d’un cabinet de maquillage permanent, fait-elle savoir. Pour s’installer en ville, il faut uniquement détenir un diplôme d’hygiène et salubrité. Mais je me forme tous les ans, pour m’améliorer et suivre l’évolution des techniques. »

En ville, la réputation joue donc un rôle fondamental et, pour Ophélie Galissier, son passé d’infirmière lui permet d’obtenir la confiance des clientes. « Elles sont rassurées concernant l’hygiène de mon cabinet et la rigueur de ma pratique, souligne-t-elle. Elles savent aussi que je vais leur offrir une écoute attentive et qu’elles peuvent me parler librement de leur maladie. Aujourd’hui je suis tatoueuse, mais il existe quand même cette relation soignant-soigné qui permet la confidence et la confiance. »

Observations et avis médical

Que ce soit en libéral ou à l’hôpital, le premier rendez-vous permet à la patiente de raconter son parcours et d’expliquer les traitements qu’elle a suivis. L’infirmière va analyser la qualité de sa peau, qui peut être abimée à la suite des traitements, notamment de radiothérapie.  En général, il faut attendre un an après la reconstruction mammaire pour procéder à une dermopigmentation, notamment pour laisser au sein le temps de cicatriser.

« Le sein reconstruit peut aussi retomber et une bonne symétrisation des seins peut requérir une nouvelle intervention de chirurgie plastique », prévient Gaëlle Rio. Il existe également des contre-indications à la dermopigmentation car certains pigments utilisés sont, entre autres, des minéraux.

« Des patientes peuvent présenter des terrains allergiques, ajoute l’infirmière hospitalière. De même, chez celles atteintes de maladies auto-immunes ou de problèmes de peau non stabilisés comme du psoriasis, la dermopigmentation peut s’avérer plus compliquée. »

Les infirmières peuvent d’ailleurs demander aux patientes d’obtenir des avis médicaux avant de débuter une séance. Ophélie Galissier souhaite par exemple qu’elles détiennent une autorisation de pigmentation de la part de leur cancérologue « sauf si la demande consiste à repasser sur une aréole déjà dessinée », précise-t-elle. De son côté, Gaëlle Rio, qui travaille sous la supervision du Dr Leblanc, peut communiquer à ses patientes la liste des pigments utilisés et leur conseiller de demander l’avis à leur dermatologue, notamment en cas de problèmes de peau.

Choix du pigment et suivi des patientes

Le premier rendez-vous est aussi l’occasion de préparer la patiente à la séance et de lui expliquer précisément en quoi consiste la dermopigmentation. Les infirmières peuvent en profiter pour s’assurer des attentes des patientes, qui placent parfois beaucoup d’espoir dans la dermopigmentation alors que les effets peuvent s’estomper. « Le temps de tenue va dépendre du pigment utilisé », rappelle Ophélie Galissier. Les pigments de maquillage permanent sont biorésorbables et tiennent entre trois et cinq ans, tandis que l’encre de tatouage dure une dizaine d’années.

De plus, « le travail de colorisation peut s’avérer parfois compliqué, indique Gaëlle Rio, qui prend en charge six à sept patientes par an. Nous ne parvenons pas toujours à obtenir une couleur parfaitement identique à l’autre plaque aréolo-mamelonnaire et les pigments peuvent aussi ne pas tenir. Mais je n’ai jamais eu de patiente déçue, souvent elles sont très émues. »

La technique de dessin utilisée permet de donner une impression 3D, avec des jeux d’ombres et de lumières. « Généralement, le résultat prend forme après deux rendez-vous, souvent nécessaires car les tissus cicatriciels rendent difficile la pénétration des pigments », poursuit Ophélie Gallissier.

Les infirmières assurent bien entendu un suivi de leur patiente. Gaëlle Rio leur demande de lui envoyer une photo une semaine après la séance, afin de voir si les pigments ont tenu. Elle les revoie ensuite quatre semaines plus tard. Elle leur fournit également une carte avec la référence des pigments implantés sous la peau, l’ensemble du protocole étant réalisé dans le cadre d’un dispositif médical norme CE avec une traçabilité par la pharmacie hospitalière. De son côté, Ophélie Galissier inscrit les références des pigments et des aiguilles utilisés dans les dossiers des patientes. En ville, les séances de dermopigmentation peuvent coûter entre 300 et 500 euros. A l’hôpital, elles sont généralement prises en charge dans le cadre du parcours de la patiente.

Laure Martin

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Une formation pour exercer en ville

Installée à Lavaur (Tarn), Audrey Rojo est spécialiste en maquillage permanent et tatouage paramédical. Elle propose depuis 2015 des formations en dermopigmentation, notamment pour la réalisation d’aréoles mammaires en trompe l’œil. Cette formation regroupe des cours en distanciel de dessin et de théorie sur le métier (colorimétrie, analyse des couleurs, réalisation des mélanges, choix des pigments, du matériel et des aiguilles). « Nous abordons également la maladie et l’approche psychologique de la cliente », précise Audrey Rojo.

Enfin, pendant une semaine en présentiel, les stagiaires s’essayent à la pratique sur des peaux synthétiques afin de savoir correctement recopier l’aréole de la personne, puis sur des vraies personnes mais uniquement pour le camouflage de cicatrice et de vitiligo. A l’issue de la formation, la formatrice assure un suivi de ses stagiaires.

« Depuis quelques années, de plus en plus de soignantes se forment à la dermopigmentation, constate Audrey Rojo, qui a fondé l’Association française de tatouage esthétique et réparateur (AFTER). Souvent fatiguées de leur exercice hospitalier, elles souhaitent poursuivre l’accompagnement relationnel caractérisant leur métier. Je les préviens que ce métier est purement artistique et n’a rien de médical, si ce n’est que nous prenons en compte l’état de la peau de la cliente et l’approche psychologique. »

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