Infirmiers : faire face à une procédure disciplinaire

Que se passe-t-il quand l’Ordre infirmier doit intervenir du point de vue disciplinaire envers un infirmier dont les pratiques sont remises en question ? Petit tour d’horizon d’un processus bien balisé. 

Infirmiers : faire face à une procédure disciplinaire

© nampix / ShutterStock

Une procédure disciplinaire ? Le fait se produit parfois dans la communauté infirmière.

Alors quand ce couperet tombe sur la tête d’un soignant, la procédure prend une tournure bien précise. « Le conseil de l’Ordre départemental est saisi, explique Patrick Chamboredon, président de l’ONI. La plainte peut émaner d’un confrère [dans 95 % des cas, ndla], d’un patient [dans 4 % des cas, ndla], mais aussi de l’Ordre lui-même, qui, garant de la déontologie de la profession, va enclencher une procédure ou encore de l’ARS, qui voudrait déposer plainte contre un infirmier qui aurait des pratiques dangereuses ».

Les raisons sont multiples : un souci entre confrères concernant des rétrocessions d’honoraires comme la séparation d’une patientèle, mais aussi des pratiques ne correspondant pas aux données acquises de la science.

Il rappelle les missions de l’Ordre : « répartitions des soins, rappel les droits et les devoirs, en faisant preuve de bienveillance en respectant strictement le droit, selon le code de la santé publique ».

La plainte est transmise au Conseil de l’ordre, lequel la transmet au praticien ciblé.

L’avocat Jacques-Henri Auché, qui intervient en matière disciplinaire, explique : « En tant qu’avocat de soignants, je commence à préparer le terrain, en argumentant et en étayant un maximum d’éléments. Cela permet d’entamer un processus de réflexion avec le plaignant », explique-t-il.

A la suite de quoi, la première étape est la conciliation, obligatoire.

« Cette étape est un moment important, confirme l’avocat Jacques-Henri Auché. C’est la possibilité d’influencer la décision finale. De temps en temps, il ne s’agit que d’un malentendu, comme c’est le cas quand un patient s’adresse au conseil de l’Ordre car il y a eu une incompréhension ou un blocage. La conciliation est l’occasion d’une communication où l’infirmier en cause va être compris par d’autres infirmiers ».

Il prend l’exemple d’un arrêt des soins dans le cas d’une mésentente entre l’infirmier et le patient et qui engendrerait une « rupture brutale qui peut mettre le patient en difficulté. Dans ce cas, on peut imaginer que l’infirmier revienne lui faire des soins en attendant de trouver un autre infirmer. »

Une position que partage Patrick Chamboredon. « Souvent quand les gens se plaignent, il s’agit d’un problème de communication entre des professionnels, une incompréhension liée à des contrats sur des rétrocessions d’honoraires ou séparation de patientèle », renchérit-il.

Patrick Chamboredon apporte un regard global sur cette justice ordinale : « C’est très intéressant car cela mêle droit et expérience professionnelle, on mêle les deux savoirs, le droit et la pratique », précise-t-il.

Un moment compliqué pour les soignants remis en cause

Du côté des infirmiers mis en cause, « c’est un moment compliqué. S’il y a plainte, c’est que quelque chose n’allait pas. Cela remet en cause leur probité, leur honnêteté, leurs qualités humaines », estime Jacques-Henri Auché. Une douloureuse remise en question dont il recommande de ne pas négliger l'accompagnement.

Patrick Chamboredon abonde : « Sur l’image de l’ordre : le pouvoir de coercition, régulateur, entrée, accompagnement mais également sortie et exclusion. Ce côté instance de contrôle et de régulation est mal vécu ».

« L’idée est d’essayer de trouver une solution à l’amiable pour éviter d’aller en disciplinaire. Quand on parvient à un accord, un procès-verbal de conciliation est dressé, alors l’action prend fin », précise l’avocat.

Mais parfois, cette conciliation est seulement « partielle » ou ne se produit pas du tout.

Dans ce cas, l’action disciplinaire se poursuit, plus longue (jusqu’à 1 an- 1 an et demi versus quelques semaines pour la conciliation), plus énergivore et plus chère pour l’infirmier en question.

Le point fort en sera l’audience au Conseil régional de l’Ordre infirmier, devant la chambre disciplinaire tenue par le président du tribunal administratif. « D’abord, un infirmier assesseur dresse un rapport puis les explications données par le plaignant, puis par l’infirmier incriminé se feront entendre », précise l’avocat.

La décision est rendue dans les deux semaines ou dans le mois suivant la tenue de l’audience.

En une heure et demi se joue l’avenir du soignant incriminé : soit la plainte est déboutée, « si elle était complètement farfelue », sinon les risques sont multiples en passant de l’avertissement, au blâme, ou, plus grave, l’interdiction d’exercer partielle ou définitive, et le cas échéant, la radiation.

Peu de plaintes de la part des patients

 Évidemment, un appel est possible, devant la chambre disciplinaire nationale, une démarche « très fréquente », confirme Jacques-Henri Auché.

Dans ce cas, l’avocat retravaille le dossier, « avec un nouvel angle d’attaque » et dans un contexte parfois plus « apaisé » grâce au temps qui s’est écoulé.

« En appel, la chambre disciplinaire est présidée par un membre du Conseil d’État, et les assesseurs ont souvent une expérience encore plus importante, et leur analyse est souvent plus fine, plus juste », estime-t-il.

Dernière étape en cas de désaccord : un pourvoi devant le Conseil d’État.

« La démarche se fait indépendamment des procédures hospitalières, disciplinaires, civiles et pénales », précise Patrick Chamboredon, qui conclut sur une touche positive. « Notre ordre est jeune mais nous nous félicitons que peu de plaintes viennent de patients. Cela signifie que les infirmiers remplissent bien leurs missions, qu’ils sont consciencieux. Cela est révélateur de leur qualité et de leur conscience professionnelle ».

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