C’est quoi, les soins critiques ?

Deux décrets parus en avril ont réorganisé les services de réanimation, de soins intensifs et de surveillance continue, bientôt regroupés sous la bannière des « soins critiques ». De quoi s’agit-il exactement ? Le point avec deux infirmières spécialistes de la question.

Réa Covid, hôpital Nord de Marseille (AP-HM)

Réa Covid, hôpital Nord de Marseille (AP-HM). Nov 2020. © M.Surbled / ActuSoins.

Au plus fort de la pandémie de covid 19, la France entière avait les yeux rivés sur un indicateur : le nombre de patients hospitalisés en soins critiques.

On peut remarquer le terme de « soins critiques », bien que d’usage courant, n’avait alors pas encore d’existence officielle en France. Mais là n’était pas le problème à l’époque : la grande crainte, bien sûr, était de voir les capacités d’accueil du pays dépassées par l’afflux de malades.

Aujourd’hui que cette peur s’est (pour un temps ?) éloignée, sociétés savantes et autorités sanitaires ont pris le temps de plancher sur la réorganisation du secteur, avec une feuille de route gouvernementale présentée en mars et deux décrets (voir ici et ) parus en avril. Le résultat est que les soins critiques ont maintenant une définition légale. Mais l’objectif réel est ailleurs, et peut se résumer en trois mots : plus jamais ça.

« Cette réforme est en partie une réponse à la crise sanitaire : on avait besoin d’améliorer la répartition des lits de réanimation sur le territoire, le nombre de soignants au lit du patient, la formation des soignants… », énumère Claire Fazilleau, cadre supérieure de santé en réanimation chirurgicale à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), présidente du comité « IDE de réanimation » de la Société française d’anesthésie-réanimation (Sfar) et vice-présidente de la Fédération nationale des infirmiers de réanimation (Fnir).

De fait, l’un des objectifs des deux décrets est de permettre, en cas d’afflux massif de patients (au hasard, dans le cadre d’une épidémie), de réorganiser les ressources disponibles. L’ancienne division tripartite entre réanimation, soins intensifs et surveillance continue est par exemple appelée à disparaître. « Le problème, c’est que beaucoup de petites unités de soins intensifs ne sont pas adossées à des réanimations en cas de besoin », détaille Claire Fazilleau. Et sans compétences de réanimation, impossible de redéployer moyens humains et matériels de manière efficace en cas de crise.

S’adapter

Il n’y aura donc désormais plus que deux niveaux de soins critiques : la réanimation et les soins intensifs. « Les soins intensifs polyvalents vont pouvoir être complètement équipés de façon à pouvoir devenir une réanimation en cas de besoin », explique Sabine Valera, infirmière en réa à l’hôpital Nord de Marseille (AP-HM) et présidente de la Fnir. Point important : une telle réorganisation nécessitera forcément une adaptation des compétences pour les personnels. « Les infirmiers devront avoir obligatoirement huit semaines de formation pour tous les soins critiques », précise Claire Fazilleau. Ce qui permettra selon elle d’accompagner une réelle montée en compétences pour une meilleure qualité des soins, mais également une meilleure adaptation à la demande de soins.

Autre aspect important : des ratios sont fixés en termes de nombre de soignants par lit : 2 infirmiers pour 5 lits en réanimation, 1 pour 4 en soins intensifs. « Il y avait déjà des normes en réanimation, mais pour les unités de soins continus il n’y avait que les recommandations des sociétés savantes, cela constitue donc une avancée importante », commente la représentante de la Sfar. « Les ratios sont fixés par rapport au nombre de lits ouverts et non au nombre de patients présents, ce qui permet d’avoir un maintien de charge en soins garanti en permanence », ajoute-t-elle.

Mais les experts en soins critiques estiment que ces ratios sont encore trop faibles, et ont obtenu qu’une évaluation de la charge en soins soit effectuée dans les 18 mois suivant la mise en place du nouveau décret, afin de tendre vers 1 infirmier pour 2 lits ouverts en réanimation. « Cette réforme est également une volonté, de la part des sociétés savantes et conseils nationaux professionnels, d’augmenter le ratio d’infirmier au lit du patient car il est démontré dans plusieurs études que la morbi-mortalité varie selon le nombre d’infirmiers, et de nombreux pays dans le monde ont un ratio plus élevé », indique Claire Fazilleau.

Fidéliser

Reste à savoir si ces améliorations permettront de répondre à l’un des problèmes majeurs rencontrés par la profession infirmière en réanimation : celui de la fidélisation. « En soins critiques, contrairement à ce qui se passe dans d’autres secteurs, on arrive encore à recruter, notamment des jeunes, car c’est très technique et beaucoup aiment ça, expose Claire Fazilleau. En revanche, les gens ne restent pas toujours très longtemps, car le travail est très intense, les horaires et rotations des plannings pas toujours simples, ce qui rend une vie de famille plus compliquée. »

Pour y remédier, le gouvernement a récemment octroyé aux personnels infirmiers de réanimation une prime de 100 euros. Mais cela ne correspond pas forcément aux besoins, juge Sabine Valera. « Ce qu’il faudrait, c’est une formation qualifiante, valorisable, qui permette de faire à la fois du soin, de la recherche, de l’encadrement, de façon à proposer des perspectives à des infirmières qui ont souvent envie de partir au bout de trois ans, juste au moment où elles sont au top », explique la Marseillaise.

Mais de telles ambitions sont peut-être trop importantes au regard des capacités de transformation dont dispose le système. Plus d’une année est en effet déjà nécessaire rien que pour mettre en place les changements contenus dans les deux décrets d’avril, qui n’entreront en vigueur qu’en… juin 2023.

Adrien Renaud

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