« Dys pour Cent » : un dispositif inclusif et vertueux à Rennes pour les étudiants en soins infirmiers

Dans le prolongement de notre article "Être infirmier et dys, c’est possible", lumière sur "Dys pour cent", un dispositif consacré aux étudiants en soins infirmiers porteurs de troubles dys, mis en place en 2020 par l’IFSI Guillaume Régnier de Rennes.

"Dys pour Cent" : un dispositif inclusif et vertueux à Rennes pour les étudiants en soins infirmiers

© Evtushkova Olga / ShutterStock

Benoît Houé est infirmier formateur. Lui-même dyslexique et ancien étudiant de l’IFSI, il a pris part au projet « Dys pour Cent », qui vise à accompagner  10% d’étudiants dys dans le cadre de la formation en soins infirmiers et de la formation aide-soignant. Il est par la même occasion devenu expert dys. 

« Le premier frein est la méconnaissance de son handicap [1] et ce que cela peut impliquer. La distance numérique est un autre problème qui s’y ajoute. Ce projet a pour objectif de lever les tabous. Nous sensibilisons les étudiants dès la première année », martèle-t-il.

C’est d’ailleurs à cet effet qu’une plaquette à destination des dys a été élaborée. Véronique Laurent, cadre de santé formatrice et initiatrice du projet, ajoute : « Pour commencer, nous souhaitions mettre en application la loi de 2005 et aller plus loin. Quels que soient les handicaps, nous voulons pousser les étudiants vers la réussite. » Mis en place en 2020, cette année a été une année test. Deux étudiants identifiés dyslexiques et dysorthographiques ont été inclus dans le dispositif. 

« Les statistiques indiquent que 5% à 10% des enfants et adolescents présentent des troubles du langage oral et écrit, dont 4% de façon sévère [...] Ces troubles constituent un handicap invisible qui perdurent à l’âge adulte », relève un rapport publié en novembre 2020 par l’IFSI Guillaume Régnier, en partenariat avec l’université Rennes 1. Dans ce contexte, trois étudiantes en master mention psychologie sociale, du travail et des organisations, spécialité ergonomie, avaient pour mission de recueillir les demandes et besoins des étudiants, dans le cadre d’un stage indemnisé.

Kathleen, l’une d’entre elles, analyse : « L’intensité de la difficulté est supérieure pour les cours en ligne : l’attention est plus compliquée à mobilier pour les étudiants dys. Il est important que les cours soient accompagnés de supports, pour en favoriser l’assimilation. » Concernant les types de polices utilisées, l’étudiante informe : « D’après les études, les personnes dys lisent plus facilement les polices sans-serif, comme Calibri, qui n’ont pas d’empattement. Les polices serif, comme Times, réduisent de 15% la vitesse de lecture, même chez des lecteurs qui n’ont pas de handicap. » 

Adapter les modalités d’évaluation

Au niveau du Travail de fin d'études (TFE) notamment, les grilles d’évaluation ont été revues, avec l’accord de l’ARS Bretagne. « Il ne s’agit pas d’une alternative mais un aménagement de la formation. Les exigences sont les mêmes », précise Benoît Houé. Deux formateurs ont été désignés en tant qu’accompagnateurs, et formés dans le cadre du projet Dys pour Cent. Les étudiants concernés avaient été préalablement interviewés, afin de connaître leurs ressources et leurs besoins.

Concrètement, la soutenance est plus longue, et les étudiants peuvent bénéficier d’un support numérique. L’écrit a également été aménagé : le mémoire qui doit comprendre entre 15 et 30 pages a été ramené à 10-15 pages. Les paragraphes peuvent être mis sous forme de points clés, à expliciter à l’oral.

Quant aux lectures, les étudiants peuvent s’appuyer sur davantage d’articles et de vidéos, sans nécessairement lire des œuvres intégrales. En plus du tiers-temps, les étudiants peuvent bénéficier d’ordinateurs mis à leur disposition par l’IFSI.

Un budget de 30 000 euros

L’équipe de l’IFSI se réunit régulièrement, en associant des professionnels de santé extérieurs, parmi lesquels ergothérapeute et orthophoniste. « Nous avons organisé une journée entière avec l’ensemble des équipes pédagogiques, avec une spécialiste des troubles dys en région parisienne, ce qui était aussi une façon d’améliorer notre enseignement et découvrir de nouvelles ressources numériques », expose Benoît Houé.

S’il est encore trop tôt pour avoir le recul suffisant sur les bienfaits de ces aménagements, les deux étudiants qui ont pu en bénéficier étaient très satisfaits.

Pour la rentrée prochaine, au moins quatre étudiants seront inclus dans ce cadre. Un budget de 30 000 euros a été alloué pour le dispositif. En partenariat avec le conseil régional de Bretagne, un poste dédié à l’accompagnement des étudiants dys a été budgété, pour un temps de travail de 20%.

La personne sera formée par la MDPH (Maison départementale pour les personnes handicapées). Véronique Laurent conclut : « Nous nous rendons disponibles pour les étudiants et pour d’autres IFSI qui souhaiteraient s’inscrire dans cette démarche d’aménagement et d’intégration, comme nous avons déjà commencé à le faire dans le bassin rennais et au-delà. »

Guillaume Bouvy

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[1] Les troubles dys (dysorthographie, dyscalculie, dyslexie, dyspraxie, dysgraphie, dysphasie…), également appelés troubles neuro-développementaux, sont répertoriés dans l’une des sept catégories de la taxonomie internationale DSM-5 (Diagnostic and statistical manual of mental disorders, classification des troubles mentaux). Ils sont à ce titre considérés comme des handicaps, qui peuvent être préjudiciables du point de vue des apprentissages, dans le cadre professionnel et privé.

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