Toul Ar C’hoat,  un centre unique en France

Près de Brest, un centre, unique en France, accompagne les enfants atteints d'épilepsie.  Ils y poursuivent leur scolarité et  bénéficient d'un suivi médical adapté. Pour redevenir des enfants et des adolescents comme les autres. Cet article a initialement été publié dans le n°38 d'ActuSoins Magazine (septembre 2020).

Jérôme Carrière, infirmier à Toul Ar C'Hoat, dans le laboratoire d'électroencéphalographie au sein de l'infirmerie

Jérôme Carrière, infirmier à Toul Ar C'Hoat, dans le laboratoire d'électroencéphalographie au sein de l'infirmerie. © Céline Diais.

« Après avoir vu un reportage télé sur Toul Ar C'hoat, j'avais les yeux qui pétillaient. C'est ma maman qui m'a raconté ça. Ce centre était pour moi », raconte Jimmy, 13 ans.

L'élève vient d'y faire sa première rentrée en 5e.. Situé sur les hauteurs de Chateaulin, près de Brest, cet Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (Itep) accueille 92 jeunes de huit à vingt ans, atteints comme lui d'épilepsie.

Ils viennent de toute la France parfois de l'étranger, retrouver le goût de l'école ou encore mettre un terme à des hospitalisations à répétition. Depuis 1959, 1 700 jeunes y ont été accueillis. Toul Ar C’Hoat qui se conçoit comme un cadre structurant pour préparer l’avenir, est le seul en France à offrir un accompagnement global et une réponse personnalisée à la situation de chaque jeune.

L’épilepsie est la deuxième maladie neurologique en France, après la maladie d'Alzheimer. Caractérisée par un dysfonctionnement momentané de l’activité électrique du cerveau, elle touche 700 000 personnes dont 100 000 jeunes. « Cela représente un enfant sur 100 », détaille Nathalie De Grissac-Moriez, neurologue au sein du centre depuis 1998. « Chez certains, la maladie s'accompagne très bien en ambulatoire. Mais l’épilepsie perturbe la mémoire, la concentration et donc les apprentissages. Une grande majorité des jeunes présente une vitesse de traitement de l’information plus lente et un retard cognitif plus ou moins important ». S'y ajoutent des conséquences sociales parfois lourdes à porter pour ces enfants.

« On ne se moque plus de moi »

« L'épilepsie est une maladie relativement méconnue et véhicule aussi beaucoup de fausses idées. A l'école, en milieu ordinaire, certains sont victimes de harcèlement. Ils arrivent ici complètement « cassés ». Leur estime de soi est au plus bas », souligne Hémeline Augin, éducatrice spécialisée.

Pour cela, l'Itep, financé par l’Assurance maladie, accompagne les jeunes, à la fois sur le plan éducatif, thérapeutique et social. L'ensemble des traitements, des analyses et des soins liés à l’épilepsie est pris en charge par l’établissement.

« Etre ici change ma vie, résume Maëlys, 11 ans, en CM2. On ne se moque plus de moi. J'ai des amis, et les professeurs connaissent la maladie ». La jeune fille est scolarisée au sein de Toul Ar C'hoat, dans la classe spécialisée unique, allant du CP au CM2. Dans ses locaux, le centre dispose aussi d'une seconde unité d'enseignement: un collège, qui est  une annexe du collège public de Châteaulin.

Les plus âgés, ont eux, cours dans un lycée extérieur en lien avec l’Itep. Lorsque l’épilepsie est trop sévère, un projet de formation adaptée aux contraintes de la maladie est préparé.

Pour tous, l'objectif est le même : remettre à niveau, redonner confiance. Pour y parvenir, les classes compte moins d'une dizaine d'élèves. Mais comme l'indique son directeur Frédéric Canévet-Jézéquel,  « la place d’un enfant est auprès de sa famille. La place d’un élève, dans son école de proximité. L’ambition que nous avons pour ces jeunes personnes, c’est le retour en milieu ordinaire. ». En moyenne, les enfants restent deux ans et demi à Toul Ar C'hoat.

« C'est le plus difficile cette séparation avec la famille », concède Jimmy. Logés en internat, dans de petites maisons, en fonction de leur âge et de leur sexe, les plus jeunes rentrent tous les week-ends chez eux, les plus grands ou les plus éloignés, tous les quinze jours.  Des frais de transport entièrement pris en charge par l'Itep.

Refaire des sorties, du sport

Au quotidien, une équipe médicale pluridisciplinaire suit les enfants. Ici, la neurologue Nathalie de Grissac-Moriez. © Céline Diais.

L’épilepsie peut créer des accidents mortels, consécutifs à une crise notamment.  Parfois les parents ont peur de la maladie, des blessures provoquées par les crises. Certaines familles réagissent en mettant « sous cloche » leur enfants. Mais «  ici, on est des jeunes comme les autres.  Tout redevient possible, les sorties, le sport »,  sourit Jimmy.

« Les trois, quatre premières semaines, on constate moins de crises chez les jeunes accueillis. Sans doute parce qu’ils n’ont pas peur d’en faire. L’environnement joue beaucoup. Ils savent qu’ils seront rapidement pris en charge, de manière sereine. Pas de sirènes d’ambulances, du SAMU et des pompiers », note Nathalie De Grissac-Moriez

Une équipe pluridisciplinaire et cinq infirmiers

Sur le plan thérapeutique, Toul Ar C’Hoat permet aux jeunes d’être suivis quotidiennement. Le centre dispose d’une unité de soins avec cinq infirmiers présents 24h/24 et d'une équipe pluridisciplinaire dédiée au suivi du jeune. Elle se compose d'une neurologue et de deux neuropédiatres, d'une psychomotricienne, d'une orthophoniste et d'un ergothérapeute, d'une psychologue clinicienne et d'une psychologue neuropsychologue, d'un  art thérapeute et d'une diététicienne. 

« Nous sommes très réactifs face à la maladie », informe Jérôme Carrière, infirmier depuis trente ans au centre. D'ailleurs, depuis le mois de septembre, deux infirmiers de nuit ont été recrutés. « Auparavant, nous étions d'astreinte. Cette absence de personnel de nuit était une inquiétude récurrente des parents », ajoute-t-il.

Comme à l'hôpital, le centre est équipé d'un laboratoire d’électroencéphalographie (EEG) au sein de l'infirmerie. C'est le support incontournable pour comprendre la maladie et l'une des missions principales dévolues aux infirmiers. « Les EEG peuvent être réalisés 24h sur 24. Nous disposons en effet d'une chambre dédiée aux EEG de sommeil ou de sieste, avec deux lits et une caméra infrarouge », précise cet infirmier.

Il n'y a pas une mais des épilepsies. La crise épileptique ou plutôt les crises épileptiques constituent les manifestations les plus typiques de la maladie. L'enjeu pour les médecins est d'obtenir la description la plus précise et la plus fidèle de celles-ci.  « En cas de crise, nous remplissons un formulaire, conçu par un médecin à Rennes, détaille Jérôme Carrière. Y figurent notamment les circonstances (sommeil, activité), la récupération, les symptômes ».

Mais le sujet est parfois inconscient, il n'y a pas de témoin. « Les EEG viennent en complément pour  être au plus près de la réalité. C'est primordial pour le diagnostic du neurologue ensuite ».

Etre acteur de son traitement  

Au quotidien, infirmiers et médecins apprennent aux jeunes à vivre avec l'épilepsie, les responsabilisent sur leurs prises de médicaments. « On leur donne la parole. Le jeune doit être acteur de son traitement. C'est très important pour la tolérance. Le traitement est long, nous devons avoir leur adhésion, précise Nathalie De Grissac-Moriez.  Dans huit cas sur dix, une fois la bonne posologie trouvée, le traitement fonctionne bien. Et chez les enfants, une épilepsie sur deux guérit ».

Dans les années à venir, le centre souhaite diversifier l'offre d'accompagnement et développer la prise en charge « hors les murs », avec la mise à disposition de studios pour les jeunes adultes. En 2018, le centre a aussi ouvert un service de proximité et accompagne quelques élèves à partir de leur domicile.  Ils sont ainsi maintenus dans leur famille et leur école, tout en étant suivi par une équipe pluridisciplinaire expérimentée.

 Céline Diais

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actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article a été publié dans le n°38 d'ActuSoins Magazine (Septembre - Octobre - novembre 2020)

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