Formation en distanciel des étudiants en soins infirmiers et des infirmiers qui se spécialisent : le grand désordre

La crise sanitaire a fortement perturbé les modalités de formation des étudiants en soins infirmiers et des infirmiers qui se forment pour se spécialiser. L'impossibilité de recevoir les étudiants pendant plusieurs semaines, lors du premier comme du second confinement, a conduit de nombreux instituts à organiser des cours à distance... dans le plus grand désordre.

Formation en distanciel des étudiants en soins infirmiers et des infirmiers qui se spécialisent : le grand désordreFace à l'impossibilité de recevoir les étudiants pendant plusieurs semaines au printemps puis à l'automne, « chacun a fait ce qu'il a pu, résume Michèle Appelshaeuser, présidente duComité d'entente des formations infirmières et cadre (Cefiec). Lors de la première vague, les instituts ont mis en place des solutions et les textes de cadrage sont arrivés après. On a ressenti un certain sentiment d'abandon. »

La nouvelle de la fermeture des établissements de formation a fait l'effet d'un « coup de tonnerre dans un ciel serein, poursuit-elle. Du jour au lendemain il a fallu basculer dans quelque chose qu'on ne connaissait pas » : les cours à distance.

Certains IFSI, déjà très proches de leur université de rattachement, disposaient déjà des outils et plateformes universitaires pour donner aux étudiants accès aux cours, aux évaluations et aux moyens d'échanger avec les professeurs.

D'autres ont improvisé des solutions "maison". D'autres IFSI enfin, pris au dépourvu, ont purement et simplement interrompu la formation pendant plusieurs semaines. C'est le cas aussi de nombreux instituts qui forment des cadres, des Iade, ou des Ibode, par exemple, puisque nombre de leurs étudiants ont été rappelés dans leurs établissements de rattachement : certains ont fermé pendant neuf semaines à l'automne. Pour beaucoup, les examens se sont tenus en mode dégradé.

Pour aller plus loin : formation DPC continue pour infirmiers et infirmières

« Sentiment d'abandon »

« D'un institut à un autre, d'un territoire à un autre, les situations ont été très différentes », ajoute la présidente du Cefiec. Dans le Grand-Est, fortement touché par l'épidémie de covid au printemps, les étudiants ont été mobilisés dès le début du confinement... ce qui a laissé un peu de temps aux IFSI et aux formateurs pour organiser le passage des cours en distanciel, remarque Michèle Appelshaeuser, aussi directrice d'IFSI à Brumath (Bas-Rhin).

Cet institut a eu la chance de pouvoir se rattacher à la plateforme Moodle de l'université au début du confinement et d'utiliser des outils de visio interactifs. Mais « il a fallu tout revoir, adapter les cours en distanciel à cette plateforme, tourner des vidéos, faire des présentations sonorisées et revoir comment et sur quoi on allait évaluer les étudiants », précise la directrice. La nécessité et l'urgence ont accéléré selon elle le virage numérique des formateurs.

A Chateaubriant (Loire-Atlantique), l'IFSI n'était connecté à aucune plateforme universitaire mais il a bénéficié dès le printemps des compétences d'une de ses formatrices, tout juste titulaire de son master de e-santé, explique son directeur, Pascal Asencio.

Dès l'annonce de la fermeture des établissements, poursuit-il, « nous avons immédiatement travaillé en équipe pédagogique et elle nous a transmis ses savoirs pratiques ». Un espace « Drive » est créé pour que les formateurs puissent déposer leurs cours et que les étudiants réalisent leurs travaux en commun et déposent leurs devoirs.

L'outil de visioconférence Zoom est utilisé dès le début pour les cours magistraux. L'institut a aussi fait appel à un prestataire pour organiser des évaluations sécurisées. Des dispositifs employés aussi durant le second confinement pour les étudiants de première et de troisième année puisque la formation des étudiants de deuxième année a été interrompue quatre semaines dans cette région.

Perte pédagogique

Selon Bleuenn Laot, présidente de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI), « 30% des étudiants en IFSI n'ont pas eu accès à un espace numérique de travail et 89% n'ont pas eu accès à la plateforme Université numérique en santé » (UNES) pendant le premier confinement.

La Fédération n'a pas mené de nouvelle enquête mais selon sa présidente, la situation a été moins compliquée lors du second confinement, parce qu'instituts, formateurs et étudiants étaient déjà rodés mais aussi parce que certains cours et examens ont pu se tenir en présentiel.

Les difficultés rencontrés par certains IFSI pour organiser les cours en distanciel et celles des étudiants confrontés parfois au manque de matériel ou aux problèmes de connexion ont induit une perte pédagogique, estime  Bleuenn Laot, surtout pendant le premier confinement. Seuls deux Conseils régionaux, selon elle, ont apporté une aide matérielle aux ESI. Des IFSI ont aussi autorisé des étudiants à venir passer leurs examens dans leurs locaux.

D'un confinement à l'autre, du fait de l'expérience, les conditions de formation à distance se sont améliorées. Dans l'IFSI où étudie Camille, étudiante de deuxième année, les étudiants sont passés des diaporamas bruts sans commentaires, des partiels « allégés », d'un seul travail sur trois corrigés (très peu de contacts avec les professeurs - ce qui lui a manqué), au printemps, à des cours retransmis en vidéo et un meilleur suivi pédagogique. Les soucis techniques (connexion, liens inopérants) ont cependant été nombreux, souligne-t-elle. L'étudiante observe aussi la multiplicité des plateformes utilisées, dont certaines ont changé entre l'été et l'automne : « on a quatre comptes différents ».

Plateforme UNES

Dans  l'IFSI ou Mélanie étudie, en troisième année, les TD se sont d'abord résumés à des exercices et des recherches réalisés individuellement avant de se transformer en classes virtuelles et interactives. Les cours de fac préenregistrés ont été diffusés et certains cours pratiques, comme celui sur la transfusion, ont été proposés sous forme de vidéos et de présentations à visionner... Certains IFSI ont préféré reporter les UE de ce type à la rentrée de septembre (mais ce n'était pas possible pour les troisième année). A l'automne, les formateurs ont animé une plateforme avec les cours et les examens à distance.

Quant à Ella, étudiante de deuxième année, elle n'a eu pendant le premier confinement que des travaux à faire reçus et envoyés par mail et des diaporamas succincts à consulter sur le site de l'école. « C'était vraiment dur, se souvient-elle. Il n'y avait que du travail personnel, il fallait s'accrocher. Deux étudiants de mon groupe de 25 ont décroché. Sur le plan psychologique, c'était compliqué. » Encore plus pour les examens. Au second confinement, les cours magistraux et tous les TD sont donnés en visio, avec la possibilité d'échanger avec les professeurs et les étudiants. Les travaux de groupes en visio sont aussi possibles... Comparé au printemps, estime-t-elle, « c'est beaucoup mieux, c'est le jour et la nuit ».

Le rattachement des ISFI à la plateforme nationale UNES devait permettre d'aplanir les grandes disparités de pratiques observées. Mais cela prendra du temps car il faudra l'alimenter de contenus spécifiques aux sciences infirmières qui restent à créer, indique Michèle Appelshaeuser. Des travaux devraient commencer sur ce sujet au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Mais pour le moment, ajoute-t-elle, « chacun gère les urgences ».

Géraldine Langlois

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