Etats généraux de la bioéthique : le modèle était-il le bon ?

La synthèse des Etats généraux de la bioéthique a été rendue publique mardi par le CCNE (Comité consultatif national d'éthique), qui coordonnait l'évènement. Etablie dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique prévue à l'automne, elle repose entièrement sur l'avis de la population. 

Etats généraux de la bioéthique : le modèle était-il le bon ?C'est un devoir juridique. La loi de bioéthique, dont la révision est prévue tous les 7 ans, impose un débat public. Elle prévoit aussi que des citoyens, représentatifs de la société civile, participent et rédigent un avis indépendant. Cette année, c'est le CCNE qui a piloté tout cela. Des "Etats généraux", mettant à contribution les Espaces de réflexion éthique régionaux (ERER) ont ainsi été organisés entre le 18 janvier et le 30 avril dernier.  

A cette occasion, un panel d'outils a été mis à disposition des citoyens qui voulaient s'informer, débattre et donner leur avis : un site internet a mobilisé plus de 29 000 personnes ; des débats en régions, en ont attiré plus de 21 000.

Par ailleurs, 154 auditions auprès d'associations, de groupes d'usagers de santé, groupes d'intérêt et de sociétés savantes ont été menées. 

Fin de vie, PMA, médecine génomique...

Au total, neuf thématiques ont été abordées pendant les Etats généraux de la bioéthique. Recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, examens génétiques et médecine génomique, dons et transplantations d'organes, neurosciences, données de santé, intelligence artificielle et robotisation, santé et environnement, procréation et société, accompagnement de la fin de vie : des sujets qui devraient être révisés dans la prochaine loi et qui, souvent font l'objet de débats houleux au sein de la population. Une dixième thématique - la place du patient dans le système de santé -bien que très éloignée de la bioéthique, a été traitée de façon transversale, à la demande des participants.

Le rapport synthétise quatre mois de discussions sur ces thématiques. Conclusion : des expressions de différentes natures ont été obtenues et globalement, le CCNE a pu distinguer quelques consensus, divergences et autres points de tension. "En traitant neuf thématiques de façon séparée, des interconnexions fortes entre certaines d'entre elles sont évidemment apparues, par exemple, entre examens génétiques et génomique, et données de santé. Mais ce qui a été implicitement mis en évidence et que l'on peut qualifier de transformation du coeur du débat bioéthique, est une nouvelle objectivation du corps humain où le génome et les données de santé, par exemple, s'ajoutent aux caractéristiques corporelles traditionnelles et en complexifient d'autant la question bioéthique", explique le rapport. 

Au cours de Etats Généraux, s'est aussi confirmé un changement de vision de la population sur la notion même du progrès médical. "Alors que l'innovation médicale et scientifique est au coeur de la bioéthique, on perçoit une interrogation et même une inquiétude à propos des motivations des médecins et scientifiques, et sur la notion même de progrès pour l'homme et l'humanité. Cette tendance incite à poursuivre le dialogue bioéthique, en conservant un climat de confiance partagé". 

Un Comité Citoyen indépendant

C'est le quatrième pilier de consultation des Etats généraux de la bioéthique, avec le site, les débats et les auditions. Un comité citoyen s'est réuni pendant neuf journées pour débattre durant la période des Etats généraux. 22 citoyens français, âgés de 18 ans et plus, "reflétant la diversité de la population française en termes de sexe, d'âge, de catégorie socioprofessionnelle et de lieu d'habitation", ont échangé et remis un rapport indépendant sur deux des neuf thématiques (fin de vie et génomique en pré-conceptionnel). Il a aussi exercé un rôle de surveillance en portant un regard critique sur le processus mis en place.

Les forces et faiblesses du modèle

Si le rapport met en exergue un besoin essentiel d'information qui concerne non seulement les citoyens qui se sont exprimés, mais aussi les professionnels de santé, le modèle même des Etats Généraux en lui-même soulève des questions non négligeables. 

Déjà en termes de représentativité.  Jean-François Delfraissy, président du CCNE l'a admis lui même lors d'une conférence de presse mardi. Les Etats généraux ne sont pas pleinement "représentatifs" de la société. Ni "la France profonde", ni "les banlieues" n'ont été touchées, a t-il dit. Et, même si, a plusieurs reprises, Jean-François Delfraissy s'est félicité de la "forte mobilisation", notons que les 29 000 personnes mobilisées sur un site internet, et les 21 000 auditeurs de débats en régions représentent un chiffre dérisoire au regard de l'ensemble de la population française. 

Aussi, par le manque de débats et d'approfondissements. Notons que la thématique sur la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, n'a fait l'objet que d'un seul débat citoyen en France (contre 33 pour la question de la fin de vie, qui ne relève pourtant pas de la bioéthique et qui ne devrait pas figurer au programme de la révision de la loi de bioéthique donc). 

Manque de communication autour des débats citoyens et du site internet ? Manque de budget ? C'est ce que dénonce le Comité Citoyen, dans son rapport indépendant. "La mobilisation des citoyens, est selon le Comité citoyen, un point faible de ces Etats Généraux. Si elle a été réelle, elle nous a semblé insuffisante au regard des enjeux. En effet, il nous a semblé dommageable que les Etats généraux de la bioéthique soient peu relayés auprès de la population, et sur des supports de communication traditionnels uniquement, ce qui a pu freiner la possibilité pour les uns et pour les autres de s'emparer des différentes questions cruciales qu'ils abordent", explique-t-il. 

Par ailleurs, si l'on peut voir dans le modèle un véritable exercice de démocratie sanitaire, il n'empêche que les Etats Généraux n'ont duré que 4 mois et que le Comité citoyen ne s'est réuni que sur 4 sessions pour statuer. Ce qui  est pu lorsque l'on considère que neuf thématiques aux enjeux majeurs, si éloignées les unes des autres, ont été abordées. 

La révision de la loi de bioéthique prendra-t-elle vraiment en compte les arguments divers exprimés par les citoyens dans de ce rapport ? 

A suivre...

M.S

Lire le rapport : 

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