Centres de santé : quel rôle pour les infirmiers ?

Environ 1800 centres de santé sont répartis sur l’ensemble du territoire. Ces établissements, qui à l’origine étaient une réponse à une absence d’offre de soins libérale, se sont progressivement développés, pour aujourd’hui proposer une diversité d’activités au sein desquelles les infirmières ont toute leur place.

Centres de santé : quel rôle pour les infirmiers et les infirmières ?

Les infirmières du centre municipal de santé Elsa Rustin de Bagnolet (Seine-Saint-Denis). © Laure Martin.

Polyvalents, infirmiers ou dentaires, les centres de santé offrent aux patients une variété d’activités. Ils peuvent être gérés par des associations, des mutuelles ou encore des structures communales. Ces centres de soins organisés autour de professionnels majoritairement salariés respectent des missions et des obligations définies dans le code de la santé publique au premier rang desquelles pratiquer des tarifs conventionnés secteur 1 et le tiers payant. C’est notamment ce qui les distingue des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), autre forme d’exercice regroupé des professionnels de santé mais libéraux.

Comme les MSP, les centres de santé répondent aux besoins des territoires et aux attentes des patients. L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a d’ailleurs affirmé1 leur réelle utilité sanitaire et sociale : « s’ils ne représentent que 2,4 % des dépenses de santé ambulatoires au niveau national, ils assurent une offre de soins précieuse dans des quartiers à faible densité de professionnels libéraux et répondent aux préoccupations financières d’accès aux soins. » Et bien qu’hétérogènes, les centres de santé disposent d’une forte identité commune  puisque la plupart d’entre eux sont pionniers d’une médecine attentive aux exclus.

Autre avantage, pour les professionnels de santé cette fois-ci : ces centres répondent aux attentes de ceux qui souhaitent travailler en équipe, diversifier leurs activités soignantes et mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Les praticiens sont aujourd’hui de plus en plus demandeurs d’un travail salarié dans une structure aux horaires souples, où ils n’ont pas à remplir des tâches administratives, contrairement à l’exercice libéral.

Une santé économique fragile

Pourtant, les centres de santé font face à d’importantes difficultés économiques notamment parce qu’ils sont principalement financés par l’assurance maladie sur la base du nombre d’actes accomplis par les personnels soignants, actes ayant la même valeur que ceux réalisés en médecine libérale. Or, la gestion du tiers payant, avantageuse pour les patients, est lourde pour ces structures - en moyenne quatre euros par acte entièrement à la charge du gestionnaire. S’ajoute le travail d’accompagnement social comme l’ouverture des droits et les actions de santé publique, non financé ou alors à terme échu, qui pèse sur le budget.

Dans le cadre de la stratégie nationale de santé de la ministre de la Santé, Marisol Touraine a rappelé, « l’importance de la place des centres de santé dans l’offre de soins de premier recours et la nécessité de conforter cette place dans les zones urbaines sensibles ». D’ailleurs, le commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) et le ministère de la Santé ont décidé de soutenir les projets de centres de santé à échéance 2016-2017 dans des quartiers particulièrement déficitaires en matière d’offre de soins de premier recours.

A Paris, la situation des centres de santé est telle que la municipalité a mis en place, en novembre 2011, le programme Paris Santé afin d’améliorer l’accès aux soins en secteur opposable, d’aider les centres de santé à être plus viables économiquement et à se coordonner, puis de favoriser les projets d’exercices regroupés par un soutien à l’investissement.

Les centres ont aussi l’espoir que leur santé économique s’améliore puisqu’ils sont concernés par certaines mesures de la loi de modernisation de notre système de santé adoptée en janvier 2016. Avec la généralisation du tiers payant, les centres estiment que le modèle opératoire choisi par les pouvoirs publics va permettre d’améliorer la santé financière des centres de santé.

Autre point déterminant : l’application, depuis le 1er octobre 2015, d’un accord national négocié avec l’Assurance maladie - le dernier datait de 2003 - qui va permettre de récupérer tout ou parti du différentiel de financement entre les centres de santé et les MSP, améliorant ainsi leur santé économique. L’accord leur permet de bénéficier des avantages financiers liés au forfait médecin traitant (suivi des patients en en ALD et des personnes âgées), des rémunérations sur objectifs de santé publique (ROSP), ainsi que d’une rémunération spécifique valorisant la coordination des soins, la pratique d’équipe et la continuité des soins. L’application de l’accord est néanmoins conditionnée au respect d’un certain nombre de critères : larges plages horaires d’ouverture, présence d’un coordonnateur identifié, possibilité de rendez-vous non programmés pour les urgences, réunions pluriprofessionnelles pour les cas complexes. Ce qui est parfois difficile à mettre en œuvre dans les petits centres avec peu de praticiens.

Des soins et de l’éducation

Nous faisons beaucoup d'injections et de pansements. Les soins sont beaucoup moins techniques qu'à l'hôpital

"Nous faisons beaucoup d'injections et de pansements (...). Les soins sont beaucoup moins techniques qu'à l'hôpital". © Istock.

Dans ces centres de santé, pas de surprise, le rôle infirmier est de dispenser des soins aux patients qui viennent avec ou sans rendez-vous. « On fait beaucoup d’injections et de pansements », témoigne Christine Sabatier, infirmière depuis bientôt dix ans au centre de santé départemental Marcadet dans le 18e arrondissement de Paris. Auparavant, elle avait travaillé quinze ans dans les hôpitaux. « Les soins sont beaucoup moins techniques qu’à l’hôpital, ajoute-t-elle. Personnellement, cela ne me manque pas, mais pour une jeune diplômée, il est certainement plus intéressant d’aller à l’hôpital où elle peut apprendre et perfectionner sa technique. En centre de santé en revanche, on est plus proche du patient, on connait mieux sa vie, tout en ayant l’avantage de ne pas exercer seule comme en libéral. »

« En centre de santé, on gère également les urgences », précise Lydie Migne, qui, avant d’être infirmière au centre municipal de santé Elsa Rustin à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), a exercé au sein du centre de Montreuil (Seine-Saint-Denis) et était en charge des soins à domicile. Car les infirmières de centres de santé peuvent également, comme en libéral, dispenser des soins au domicile des patients. Certains centres de santé exclusivement infirmiers ont d’ailleurs une pratique qui s’apparente à l’exercice libéral, à la différence près que les infirmières sont salariées et ne vont généralement pas avoir à s’occuper de la gestion administrative.

Outre les soins, les infirmières ont aussi un rôle d’éducatrices en santé. Le centre de santé Marcadet travaille par exemple en partenariat avec les associations du quartier et, ensemble, ils organisent des journées sur le tabac ou des actions contre le cancer du sein ou le cancer colorectal. Idem au centre de santé de Bagnolet où les infirmières sont formées par les médecins afin de parler aux patients de la prise en charge de leur diabète et prochainement de l’asthme. « Les médecins nous donnent des cours, nous font une mise à jour et nous faisons régulièrement des réunions par exemple avec des allergologues ou avec des ORL sur vertiges », indique Sylvie Letendre, infirmière au centre de santé de Bagnolet.

Travail collaboratif

Ces professionnels de santé sont amenés à régulièrement travailler ensemble pour la prise en charge des patients même si ce n’est pas nécessairement un travail coordonné au sens législatif du terme. « La coordination est informelle, souligne Christine Sabatier. Nous discutons des patients, de leur évolution. C’est d’ailleurs ce que j’apprécie en centre de santé. Nous avons toujours des collègues avec qui travailler. »

« Je suis ici depuis trois ans et le rapport avec les médecins est plus sympathique qu’à l’hôpital, raconte Lydie Migne. Les relations hiérarchiques ne sont pas aussi marquées, le relationnel est donc meilleur. » Ainsi, si une infirmière à un souci avec un patient, elle peut généralement rapidement en informer le généraliste et lui demander s’il peut le prendre en consultation. Et inversement : « si les médecins ou les autres professionnels de santé ont besoin de nous, ils savent que nous sommes là », indique Lydie Migne.

« S’il n’y avait pas cette collaboration, cela enlèverait tout l’intérêt du centre de santé », considère Christine Sabatier. Entre les soins, l’éducation à la santé, la stérilisation, la commande du matériel, « notre rôle est très complet, poursuit-elle. Pour ma part, je ne fais pas que du soin. J’ai un œil sur tout ce qui se passe et je sais comment fonctionne le centre. Etre polyvalente, c’est ce qui me plaît. »

Moins de stress

Autre consensus entre les infirmières : au sein de ces structures, le travail est moins stressant. « Contrairement à l’hôpital où les infirmières sont débordées, en centre de santé, nous pouvons prendre le temps avec le patient lorsqu’il en a besoin », explique Christine Sabatier. Et de poursuivre : « A l’inverse du libéral, nous ne sommes pas chez les patients. En revanche, nous sommes dans leur quartier, cela apporte un côté convivial qu’il n’y a pas à l’hôpital. » Et si un patient se pose une question sur sa santé, il ne va pas hésiter à venir la poser. « J’ai l’impression que nous sommes le référent santé du quartier et ce lien-là est important. »

« Nous avons plus de contact et de relationnel avec les patients », complète Christelle Lemaire qui a quitté l’hôpital pour des raisons médicales. Aujourd’hui, elle ne souhaiterait en aucun cas retourner dans un service hospitalier. « Ici, c’est le jour et la nuit avec la clinique privée, témoigne Sylvie Letendre. C’est plus doux, on est à l’écoute des patients. On a moins de stress. » Elles sont également privilégiées par rapport à leur repos puisqu’à Bagnolet par exemple, elles ne travaillent qu’un samedi par mois, et le soir, elles terminent à 19 h environ. Une vie personnelle plus épanouie donc, puisque les infirmières soignent dans de meilleures conditions.

Laure Martin

Actusoins magazine pour infirmière infirmierCet article est initialement paru dans le n°23 (Dec 2016) d' ActuSoins Magazine.

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Intégrer la fonction publique territoriale

Les centres de santé municipaux sont rattachés à la fonction publique territoriale (FPT). Lorsque les infirmières souhaitent y travailler, plusieurs options s’offrent à elles. Soit elles ont auparavant travaillé dans la fonction publique hospitalière, sont donc titulaires et peuvent être détachées dans la FPT. Soit elles viennent du privé, elles rentrent donc comme contractuelles au sein d’un centre de santé municipal avant de passer un concours de la FPT, suivi d’un stage d’une semaine, et d’être par la suite titularisées.

1 Igas, Les centres de santé : situation économique et place dans l’offre de soins de demain, rapport établi par Philippe Georges et Cécile Waquet, juillet 2013.

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Réactions

8 réponses pour “Centres de santé : quel rôle pour les infirmiers ?”

  1. J’ai 30 ans de CMS un bel outil que l’on découvre seulement depuis peu et ca met en colère car nous étions souvent pour beaucoup des sous médicaux alors que nous y faisons du soin de la prévention du planning familial etc..

  2. Emeline Cbt dit :

    Fanny Costa et ca dans… disons 5 ans?!

  3. Liv Ina dit :

    On est pas en blouse chez nous…

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