Débat sur le fin de vie : le CCNE fait le point

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Débat public sur la fin de vie : le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) pointe une "césure entre les soins palliatifs et les soins curatifs",  fait un constat "accablant de non-accès aux soins palliatifs malgré la loi de 1999" et note des points de divergence sur l'euthanasie et le suicide assisté. 

Soins palliatifs, Maison médicale Jeanne Garnier, Paris 1993-1994

©Jean-Louis Courtinat

Ce rapport de 71 pages a été présenté le 23 octobre lors d'une conférence de presse par le président du CCNE, Jean-Claude Ameisen, et le vice-président, Alain Cordier.

"Ce n'est pas un avis du CCNE", a tenu à préciser le président en préambule, mais une "lecture par le CCNE du débat public en France", débat "qui a commencé en juillet 2012 lorsque le président de la République a à la fois annoncé un projet de loi et nommé la commission présidée par Didier Sicard".

Dans ce rapport, le CCNE "souligne le scandale que constitue, depuis 15 ans, le non-accès aux droits reconnus par la loi, la situation d'abandon d'une immense majorité de personnes en fin de vie, et la fin de vie insupportable d'une très grande majorité de nos citoyens".

Le président du CCNE a insisté sur le fait que "80% des personnes qui devraient avoir accès aux soins palliatifs n'y ont pas accès".

Un cloisonnement néfaste entre curatif et palliatif

Jean-Claude Ameisen a également regretté la "césure entre les soins palliatifs et les soins curatifs": "les soins de support, c'est le socle du soin".

Parmi les dysfonctionnements de notre système de santé, Alain Cordier, vice-président, cite "d'une part, un trop grand cloisonnement entre les différentes compétences et d'autre part, cette difficulté de concevoir le 'soin' et le 'prendre soin' comme un seul soin".

Jean-Claude Ameisen cite "le fait que des milliers de personnes venant d'Ehpad [établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes] décèdent aux urgences dans les quelques heures qui suivent leur admission alors que leur décès était prévisible depuis plusieurs jours", ou encore la "très grande difficulté dans notre pays par rapport aux autres pays européens d'accompagner en fin de vie à domicile".

Le rapport relève aussi un "manque de formation des médecins et des soignants", notamment  dans les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et les aides à domicile.

Ne pas oublier l'accompagnement en amont

Au-delà de ces constats, la prise en charge de la fin de vie ne doit pas se résumer aux trois dernières semaines de vie, selon le rapport du CCNE.

Le président de la CCNE a estimé que cette "idée particulière" des trois semaines "est sans doute un des blocages sur un véritable accès à l'accompagnement".

Ainsi, "si l'accompagnement n'est pas accessible avant les trois dernières semaines de la vie [...] ce n'est peut-être pas très surprenant qu'il ne soit pas accessible les trois dernières semaines".

Il a insisté sur cet "accompagnement défectueux en amont de la fin de vie" notamment "chez les personnes âgées, chez les personnes âgées malades et handicapées".

Il est désolant que l'on considère "que l'accompagnement de la fin de vie, le soulagement de la douleur et de la souffrance n'est pas l'exercice de la médecine, mais l'application d'une loi", a-t-il ajouté.

Des directives anticipées "contraignantes"

Il se dégage des débats "une impression que la volonté de la personne n'est pas entendue", a indiqué le président du CCNE.

Il juge consensuelle l'exigence de rendre les directives anticipées "contraignantes" pour les médecins et le personnel soignant, sauf si l’état du patient change par rapport au moment où elles ont été écrites. "Il faut qu'elles s'imposent au corps médical", a estimé le président du CCNE.

A l'heure actuelle, la loi Leonetti de 2005 précise que ces directives ne sont que des souhaits que l'équipe médicale est libre de suivre ou non.

Cependant, les avis divergent sur le fait qu’elles soient contraignantes quoi qu’il arrive (même si elles ont été écrites il y a longtemps alors que la personne n’était pas malade) ou, pour d’autres, qu’elles le soient une fois écrites après une discussion avec un médecin une fois la maladie connue.

La question de la prise en compte de la volonté du patient se pose encore davantage si la personne n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté et qu’elle n’a pas laissé de directives anticipées.

La loi Leonetti a mis en place une procédure collégiale, mais actuellement, si les proches et la famille sont consultés, ce sont les médecins qui décident in fine. Le CCNE propose qu’il n’y ait plus de hiérarchie, et que si aucun accord n’est trouvé, il soit fait appel à une médiation.

Selon le président du CCNE, le débat autour de la situation de Vincent Lambert a aussi mis l'accent sur les défauts de la procédure de décision relative à la fin de vie en l'absence de directives anticipées.

La sédation terminale : un droit pour le patient

Il doit pouvoir obtenir une sédation permanente jusqu’à son décès, s’il est en toute fin de vie ou qu’il a demandé un arrêt de traitement.

Les avis sont cependant là aussi partagés. Certains, comme la commission Sicard, estiment qu’une sédation terminale peut accélérer le décès en toute fin de vie, ce qui reviendrait à autoriser un geste létal, tandis que d’autres estiment seulement souhaitable de plonger dans une sédation profonde, mais uniquement pour soulager la douleur sans but de raccourcir la vie

Des divergences sur l'euthanasie et l'assistance au suicide

Des différents avis et rapports émis depuis deux ans, le CCNE constate « la persistance de profondes divergences » sur les questions de l’euthanasie et de l’assistance au suicide.

« A cela s’ajoute une réelle difficulté d’établir des définitions des termes utilisés qui soient partagées par tous. »

"Ce qui nous fait penser que la réflexion est en train de commencer à s'élaborer mais qu'elle n'est pas aboutie", précise le président du CCNE.

Le rapport sera remis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), une délégation interparlementaire chargée d’éclairer l’action du Parlement en matière scientifique et technologique. Une mission parlementaire sur la fin de vie y est en cours.

Selon le quotidien Les Echos, François Hollande a indiqué aux députés PRG qu’un texte serait déposé au Parlement en mars.

Rédaction ActuSoins, avec APM et Le Monde

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