La réalité virtuelle pour une formation en immersion

Le recours à la réalité virtuelle dans la formation initiale et continue des infirmiers permet une approche diversifiée de l’enseignement. L’immersion dans une situation de soins, qu’elle soit technique ou relationnelle, est une valeur ajoutée non négligeable à l’acquisition des connaissances et compétences. Cet article a initialement été publié dans le n°41 d'ActuSoins Magazine (juin-juillet-août 2021). 

La réalité virtuelle pour une formation en immersion

© CH Sainte-Marie, Nice

L’usage de la simulation dans les formations en santé a été impulsé par un rapport de la Haute autorité de santé de 2012.

Aujourd’hui, les référentiels de formation imposent le recours à la simulation dans la formation initiale et continue des infirmiers.

« La simulation englobe plusieurs modalités, notamment le numérique avec le serious game, la réalité virtuelle et la réalité augmentée, indique Guillaume Decormeille, infirmier de formation, doctorant en psychologie cognitive et formateur en simulation en santé au sein de l’entreprise de concepteurs en simulation numérique Sim For Health.

« Dans le domaine de la formation, explique-t-il, on dit souvent ″jamais la première fois sur le patient″, l’avantage de la simulation est de pouvoir dire ″bien faire la première fois sur le patient″. » Bien entendu, la simulation vient en complément d’autres types de formations : théorique, travaux dirigés, stages.

L’apprentissage du métier

L’un des avantages de la réalité virtuelle repose sur l’individualisation de la formation de l’étudiant dans le cadre d’une réflexion collective, afin d’atteindre des objectifs pédagogiques fixés par les formateurs.

D’où l’importance du brief général sur la simulation, du brief adapté à la simulation en cours, et du débriefing qui porte sur l’analyse de la séance et l’atteinte des objectifs.

A l’Ifsi du Chalonnais (Bourgogne-Franche-Comté), la simulation a fait son entrée dans la formation en 2013. Et depuis 2021, la réalité virtuelle est proposée aux étudiants pour l’apprentissage de la transfusion sanguine. Les trois formateurs en simulation en santé mènent des recherches sur l’intérêt d’un tel outil vis-à-vis de leurs élèves.

« Nous nous questionnons sur la pédagogie, explique Bruno Perricaudet, cadre de santé et formateur à l’Ifsi. Nous ne voulons pas tomber dans la fascination pour l’outil. » Outre la prise en main du dispositif, « nous avons passé du temps pour maîtriser le scenario », indique Arnaud Barras, cadre supérieur de santé et formateur à la simulation à l’Ifsi. 

Déjà vingt-cinq étudiants ont été bénéficiaires de la formation. Sept d’entre eux ont suivi individuellement la formation à la réalité virtuelle. Dans certains cas, ils ont bénéficié d’un debrief individuel, dans d’autres cas, d’un debrief collectif avec d’autres étudiants ayant assisté par retransmission en direct – mais sans immersion – à la séance de réalité virtuelle.

Une technique fiable

Les résultats sont sans équivoque : bonne fiabilité technique de l’outil, immersion et réalisme « époustouflants » et analogie avec l’exercice en réel. Questionnés post-séance, « les sept étudiants qui ont pratiqué la réalité virtuelle, estiment ne plus avoir d’anxiété en lien avec la réalisation de l’acte, et se sentent capables d’effectuer une transfusion sanguine », se félicite Bruno Perricaudet.

Néanmoins, l’acquisition des connaissances chez ceux qui ont seulement observé la séance est moins prégnante. Les formateurs ont aussi constaté une surcharge cognitive des étudiants en lien avec l’usage de la réalité virtuelle car de nombreuses informations sont à prendre en compte et à maîtriser. Le jeu est également très directif et, au cours du debrief, les formateurs leur transmettent encore de nombreuses informations.

« Nous nous questionnons sur une autre manière d’utiliser la réalité virtuelle, éventuellement en autoformation avec, bien entendu, toujours un débrief par les formateurs, indique Katia El Badaoui, cadre de santé et formatrice à l’Ifsi. Cela permettrait de répartir les enseignements dans le temps et de faire bénéficier tous les étudiants de l’outil. »

En formation continue

Les infirmiers peuvent aussi avoir recours à la réalité virtuelle dans le cadre de leur formation continue. C’est le choix qu’a fait Julien Bastide, infirmier libéral à Clermont-Ferrand depuis 2007 en cabinet de groupe. « A l’origine, ce n’est pas la réalité virtuelle qui m’a interpelé mais la thématique de la formation qui portait sur les voies veineuses centrales, explique-t-il. La formation était dispensée soit de manière classique, soit en réalité virtuelle. Le sujet étant très technique, j’ai pensé qu’il se prêtait à ce type de technologie. »

Dispensée sur deux jours, la formation est composée d’une première partie théorique avec une révision des bases du geste technique, puis une partie en réalité virtuelle au cours de laquelle les participants s’immergent dans le soin. « L’immersion a un vrai intérêt pour la pratique. Avec ce module on a l’impression d’être seul face à un patient pour choisir le bon geste. La valeur ajoutée repose à la fois sur l’immersion et sur la dynamique corporelle liée au déplacement », estime Julien, qui a également découvert que la réalité virtuelle permet d’ancrer les savoirs.

Pour aller plus loin : les formations DPC de nos partenaires pour les infirmiers et infirmiers libéraux

Former à l’approche relationnelle en psychiatrie

Le Centre hospitalier Sainte-Marie de Nice, dédié à la psychiatrie, utilise la réalité virtuelle pour la formation des infirmiers à l’approche relationnelle des patients. Trois infirmiers experts en psychiatrie ont participé à la création des modules et dispensent la formation. Une manière de transmettre les savoirs « qui se perdent en psychiatrie et de travailler à l’attractivité du secteur, stigmatisé », estime Alexandra Lecomte, l’une des IDE experts.

Cinq modules ont été élaborés : la psychogériatrie, l’unité de service fermé de l’aide-soignant au cadre supérieur, le service d’accueil d’urgence, la visite à domicile et le service spécialité en troubles du spectre autistique. « En psychogériatrie et dans le service fermé par exemple, nous avons élaboré des scénarios en nous inspirant des retours des nouveaux collaborateurs souvent surpris par l’agressivité et l’agitation des patients, explique Alain Mannocci, IDE titulaire du DE psychiatrie. Notre objectif est de permettre aux soignants d’apprendre à connaître les réactions des patients, les bonnes méthodes pour les aborder tout en gardant une bonne distance. »

La réalité virtuelle a toutefois ses limites, que les formateurs présentent lors du brief. « Dans les soins relationnels, les réactions des patients sont imprévisibles, ce que nous ne pouvons pas reproduire dans la réalité virtuelle, qui propose un nombre de choix limité. Notre but est donc avant tout d’interpeller les soignants sur leur pratique et d’ouvrir à la réflexion », indique Alexandra Lecomte.

Analyser l’attitude du soignant

A l’issue de la session, l’infirmier expert effectue un debrief avec l’infirmier en formation. « C’est la partie qui m’intéresse particulièrement, reconnaît Alain Mannocci. La réalité virtuelle permet d’analyser l’attitude du soignant, de repérer les domaines où il peut être en difficulté et de rechercher des solutions pour l’aider. » Une journée par semaine est dédiée à cette formation de deux heures et 87 soignants ont déjà été formés entre avril 2019 et avril 2020.

« Ce sont les cadres qui nous sollicitent pour les soignants de leurs équipes », fait savoir Alexandra Lecomte. Si certains souhaitent vraiment tester l’outil, il peut arriver que d’autres soient préalablement réticents à cette formation, avant d’être agréablement surpris. « Nous essayons au maximum d’en faire profiter les nouveaux infirmiers de l’établissement », ajoute-t-elle.

C’est le cas d’Hugo, qui était diplômé depuis un an lorsqu’il est arrivé dans le service : « J’apprécie tout ce qui concerne l’innovation et les multimédias, j’étais donc satisfait de pouvoir bénéficier de cette formation. Si j’ai aimé l’outillage, j’ai aussi particulièrement apprécié le debrief avec l’infirmier expérimenté, avec qui j’ai parlé de mon positionnement. »

Hugo a suivi la formation sur le sujet âgé violent en psychogériatrie. « J’avais plusieurs choix et des chemins à privilégier pour éviter le passage à l’acte, se rappelle-t-il. En étant immergé dans une situation que l’on rencontre quotidiennement, cela sert forcément car dans ce contexte, on a le droit de se tromper et d’en parler. Ensuite, lorsqu’on est confronté à la situation dans le service, on peut y repenser. L’expérience a donc été très positive. »

Laure Martin

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Cet article a été publié dans le n°41 d'ActuSoins Magazine (juin-juillet-août 2021)

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