Résilience, un vif rappel à l’Ordre

Résilience, un vif rappel à l’Ordre

Depuis bientôt un an, le syndicat professionnel Résilience tire tous azimuts sur l'ordre infirmier, en associant vastes campagnes de lobbying auprès des élus, actions judiciaires et communication acharnée sur le net. Entretien avec son secrétaire général, Hugues Dechilly.

Résilience, un vif rappel à l'Ordre infirmier

Après 10 mois d’existence, quel bilan tirez vous de vos actions ? Après seulement 10 mois d’existence, c’est toujours beaucoup de travail, peu de moyens mais des gens motivés et disponibles. Et de la motivation, il en faut pour contrer les moyens financiers démesurés de l’ordre infirmier, qui vit à crédit.

Au delà de la gestion actuelle de l’Ordre infirmier, quels arguments de fond avancez-vous pour vous opposer à tout ordre professionnel ? Notre haine des ordres professionnels vient du fait que ces organismes ont des pouvoirs extraordinaires. Normalement, les pouvoirs législatif(s), judiciaire et exécutif sont censés être contrôlés les uns par rapport aux autres. Les ordres, eux, cumulent ces trois pouvoirs. Ce genre d’organisation se retrouve juge et partie, et peut devenir incontrôlable avec des abus constatés tous les jours. Le slogan de RESILIENCE est clair : “Avec ou sans cotisation, l’ordre infirmier, c’est non!”  Nous appelons depuis le début à la désobéissance civique, que la cotisation soit à un euro ou à 75 euros.

Mais le soutien que vous rencontrez, notamment des parlementaires, ne vient-il pas d’une volonté de contrôler les infirmiers, et de les maintenir sous une autorité médicale ? L’ordre est issu d’une proposition de loi d’initiative parlementaire, parlementaires qui ont subi le lobbying des “illuminés de la profession”. Les parlementaires dont beaucoup sont médecins ou chirurgiens ont certainement eu peur de l’autonomie qui pourrait être accordée aux infirmières, c’est certain. Les médecins restent les leaders du monde de la santé et veillent jalousement à leurs intérêts. La preuve : les nouvelles règles de gouvernance à l’hôpital où le médecin chef de pôle est devenu tout puissant. Le jour où l’on aura 70 IDE à l’Assemblée ou au Sénat, le rapport de force pourra enfin être modifié. En attendant, il faut que les plus de 500 000 infirmiers prennent conscience de leur poids électoral et l’utilisent le moment venu pour faire pression sur les politiques, en exigeant des changements.

N’’est on pas face à une certaine hypocrisie de l’État, qui confie ses missions régaliennes à l’ordre pour ensuite se plaindre du coût élevé de la cotisation ? L’ État est hypocrite depuis le début, il veut faire gérer par une structure de droit privé les missions qui lui étaient dévolues avant . Cependant, à part gérer des fichiers qui ne sont pas à jour, je ne vois pas beaucoup d’autres actions. Ça m’étonnerait que l’ État ait dépensé 38 millions d’euros (le budget annuel de l’Ordre infirmier, ndlr) uniquement pour les IDE…

En attendant, la profession est totalement inaudible. Vous voulez supprimer l’ordre infirmier, mais quelle alternative proposez-vous ? Nous sommes contre les ordres, mais nous sommes pour une structure permettant de valoriser la profession. On aimerait renforcer ce qui existe, notamment le Haut Conseil des Professions Paramédicales (HCPP) en redistribuant les rôles, les missions et des moyens. Je suis pour qu’on discute d’un véritable socle commun sur des propositions qui intéressent véritablement les IDE au quotidien. La profession infirmière a malheureusement passé son temps à se tirer dans les pattes.

Quelles sont vos actions à venir ? Tout d’abord, nous organisons notre première Journée Nationale le 20 mai prochain à Strasbourg. On continue l’envoi massif de courriels aux députés et sénateurs. On ne baissera pas les bras tant qu’on aura pas au minimum une proposition de loi validée/votée. Nous ne lâcherons rien. La demande initiale reste l’abrogation, mais nous ne sommes pas naïfs : Si demain la proposition de loi de Yves Bur passe, l’ONI est mort. Il faut aussi que les libérales contre l’ordre règlent leurs compte(s) avec leurs syndicats. Nous appelons également à l’arrêt de l’encadrement des étudiants en soins infirmiers et l’arrêt de toute participation aux jurys, jusqu’à l’abrogation, même partielle, de l’ordre. Sur le plan juridique, nous avons déposés plusieurs plaintes dans plusieurs endroits de France (Strasbourg, Lyon,…) à l’encontre de responsables ordinaux pour des motifs divers. Le point commun des courriers qu’on reçoit est souvent l’utilisation de leviers syndicaux et ordinaux pour défendre des intérêts personnels. Bonne façon de limiter la concurrence pour les libéraux affiliés à l’Ordre… Dans le même ordre d’idée, il y a des élus ordinaux, infirmiers généraux notamment, qui passent leur temps à parcourir les couloirs de leurs hôpitaux pour pister les infirmières non inscrites… Toutes ces procédures vont prendre du temps, mais nous avons les preuves matérielles de tout ce que nous avançons.

Propos recueillis par Thomas Duvernoy

Pour aller plus loin :

Le syndicat résilience sur internet