Pourquoi dit-on que la France est nulle en prévention ?

Bon en curatif, et médiocre en préventif. Voilà ce qu'on pourrait inscrire sur le bulletin scolaire du système de santé français, du moins si l'on s'en rapporte aux discours propagés par les politiques et les médias. Une image qui n'est pas totalement fausse, mais qui mérite d'être nuancée.

Pourquoi dit-on que la France est nulle en prévention ?« En France on soigne bien, mais on n'est pas forcément en meilleure santé que chez nos voisins, parce qu'on prévient moins bien que chez nombre de nos voisins, en particulier européens. » Voici le constat relativement déprimant que dressait Emmanuel Macron le 18 septembre dernier en présentant sa stratégie « Ma Santé 2022 ».

En toute logique, le président de la République appelait les professionnels de santé à opérer une « révolution de la prévention, qui ferait résolument passer notre système et vos pratiques d'une approche curative à une approche préventive. »

Il est vrai que par bien des aspects, la France a du mal à respecter le principe le plus élémentaire de la santé, qui veut que la maladie la plus facile à soigner est celle qu'on parvient à empêcher de survenir. Pour s'en convaincre, il suffit de consulter les comparaisons internationales. D'après le Panorama de la santé 2017 réalisé par l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), qui porte sur les 34 pays les plus développés de la planète, notre pays se situe au 12erang des nations où l'on fume le plus de tabac, et au 4erang de celles où l'on boit le plus d'alcool.

Mieux manger, moins boire, ne pas fumer…

« De manière générale, la France souffre de taux de mortalité prématurée plus élevés que dans d'autres pays », résume Yves Charpak, vice-président de la Société française de santé publique (SFSP). « On sent bien que notre société a plus de mal que d'autres à réfléchir à certains aspects de la santé : manger des choses qui maintiennent en bonne santé, boire moins d'alcool, ne pas fumer... » Cet expert reconnu de la santé publique évoque également le poids des lobbys. « Chez nous, l’équilibre entre les groupes de pression qui disent qu’il faut faire plus attention à la santé et ceux qui promeuvent le développement économique n’est pas toujours à la hauteur », regrette-t-il.

Mais selon Yves Charpak, il ne faudrait pas verser dans l'autoflagellation. Il cite notamment « la qualité de vie et la protection sociale » comme desfacteurs contribuant à maintenir les Français dans un état de santé comparable à celui de leurs voisins européens, et ce malgré les taux de mortalité prématurée préoccupants évoqués plus haut. « Et les plans nationaux de prévention sont bons en France, même si leur mise en œuvre est parfois difficile », ajoute-t-il.

Yves Charpak tient par ailleurs à nuancer une idée reçue qui voudrait que la prévention soit sous-financée dans notre pays. « Quand on fait de la prévention routière ou de l’éducation à la santé à l’école, par exemple, ce n’est pas forcément compté comme une dépense de prévention, alors que cela en fait partie », explique-t-il.

Un combat de tous les jours

Reste que la prévention demeure un combat de tous les jours dans notre pays. « Il ne faudrait pas que dans un monde qui bouge toujours plus vite, nos décideurs sacrifient la santé et le bien-être de la population au nom d’autres enjeux », avertit Yves Charpak. Le vice-président de la SFSP pointe notamment la nécessité d’insister davantage sur ce sujet au sein du système éducatif. « On fait de l'éducation à la lecture, à l'écriture… Est-ce que la santé n'est pas un sujet qui mériterait un peu plus d’attention à l’école ? », demande-t-il.

Autre enjeu d’importance : l’exposition aux nouveaux risques comme les produits cancérigènes ou les perturbateurs endocriniens. « Des centaines, voire davantage, de produits sont mis sur le marché, et il y a beaucoup de risques qu’on ne connaît pas », avertit Yves Charpak. « Certaines expositions pourront se révéler un jour néfastes pour la santé, et la demande de la société pour davantage de surveillance sur ces sujets ne devrait pas être vécue par les producteurs comme une contrainte insurmontable, mais comme une réaction normale de la part des consommateurs. »

Reste la question du rôle des soignants dans le développement de la prévention. Et sur ce point, Yves Charpak attend beaucoup des professionnels de santé, infirmiers compris. « Ils sont les plus à même de comprendre les enjeux, et doivent jouer un rôle de leader », estime-t-il, ajoutant qu’ils doivent, en plus de leur mission pédagogique, assumer un certain devoir d’exemplarité. « Quand je vois des infirmières non-vaccinées à l’hôpital, ou des médecins qui fument devant leurs patients, je trouve cela un peu gênant », avoue-t-il. Et vous, vos vaccins sont-ils à jour ?

Adrien Renaud

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