A Saint-Denis, des soins alternatifs pour repousser le cancer

A l’hôpital Delafontaine, l’équipe mobile de soins palliatifs propose des soins de support aux malades en stade avancé… ou en rémission. Une alliance thérapeutique qui se poursuit en hôpital de jour à l’issue des traitements curatifs.

Véronique, infirmière du centre AION, et Aziza, une patiente qui continue à se rendre à l'hôpital pour des séances d'acupuncture et d'ostéopathie. ©Emilie Lay.

« Bonjour Véronique ! », lancent joyeusement Aziza, une patiente, et son inséparable sœur. L’infirmière de l’équipe mobile de soins palliatifs (EMSP) vient retirer les aiguilles d’acupuncture piquées sur Aziza pour soulager ses douleurs. Nous sommes à l’hôpital Delafontaine, à Saint-Denis. Malgré l’achèvement des traitements de ses cancers, cette patiente continue de se rendre à l’hôpital, pour des séances d’acupuncture et d’ostéopathie.

« Il existe un vrai besoin »

Initié en 2015 par l’EMSP, le centre AION (approche intégrative oncologique) se destine aux malades qui, comme Aziza, ne sont pas ou plus sous chimiothérapie. Objectif : maintenir une prise en charge, à base de soins de support et indépendamment du temps de la chimiothérapie.

Certes, des services proposent déjà ce type de soins, « mais pas de manière coordonnée, ou alors en hôpital de jour de soins palliatifs, rappelle la docteure Isabelle Marin, qui dirige l’EMSP. Alors, cela évoque la mort pour les malades et non la vie avec la maladie. » C’est pourquoi les patients du centre AION sont reçus en hôpital de jour de cancérologie. « Cela évite toute scissure entre les traitements spécialisés et la prise en charge par AION », souligne Véronique Laplanche, l’infirmière de l’équipe.

L’idée germait depuis longtemps dans l’esprit d’Isabelle Marin, en raison notamment « de l’histoire d’une copine, qui avait eu un cancer du sein. Elle s’est demandé comment vivre pour que cela ne revienne pas. Un médecin lui a répondu avec un bout de papier mentionnant deux noms de psychologues. Elle en avait été hyper choquée. Il existe un vrai besoin. Une fois les traitements finis, les gens sont paumés. »

Localisé dans la ville la plus pauvre du pays, l’hôpital Delafontaine se prêtait d’autant plus à l’expérience que 30 % des patients y arrivent métastatiques au moment du diagnostic de cancer. « Les maladies sont plus graves car les terrains sont différents, en lien avec la précarité de la population, juge Isabelle Marin. Les gens ont trop fumé, trop travaillé, ils sont dénutris, nous vivons sur des friches industrielles… Et pour beaucoup, on ne peut même pas proposer d’emblée un traitement tant ils sont fragiles. Au lieu d’attendre sans rien faire », ils peuvent désormais recourir au centre AION.

Véronique vient retirer ses aiguilles d'acupuncture à une patiente. © Emilie Lay.

Prise en charge coordonnée

Une trentaine de malades en ont déjà profité. « Aujourd’hui, c’est quelque chose qui roule vraiment, se félicite Véronique Laplanche. Nous accueillons au moins deux patients par semaine, dans le cadre d’une prise en charge coordonnée », avec des staffs AION pluridisciplinaires et un groupe d’analyse des pratiques mensuel.

L’inclusion dans ce centre est décidée lors des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP), en collaboration avec les partenaires d’AION : le centre de cancérologie de Sarcelles (95), ainsi que le réseau local de soins palliatifs Arc-en-Ciel qui adresse la majorité des patients suivis en ville.

Les malades sont ensuite invités à une première rencontre avec le médecin, l’infirmière et la psychologue de l’EMSP. L’évaluation de ses attentes, concertée avec le patient, donne lieu à un programme de soins taillé sur mesure. L’accompagnement par l’EMSP, la diététicienne et le médecin du sport est systématiquement proposé. S’y ajoutent, au cas par cas, diverses thérapies alternatives : acupuncture, ostéopathie, sophrologie, musicothérapie, socio-esthétique, auriculothérapie…

« Ce sont des options, insiste Véronique Laplanche. Nous tenons compte de la vie sociale des patients, avec une fréquence des rendez-vous adaptée. » Cette philosophie du soin découle directement de la démarche palliative : « Le sujet est pris en charge de manière globale et dans toute sa singularité », précise Sara Piazza, psychologue de l’EMSP.

Alliance thérapeutique

En intra hospitalier, les cancérologues confient généralement la prise en charge à cette équipe. « Mais l’idéal serait qu’ils continuent à suivre leurs patients, plaide Sara Piazza. C’est différent de se voir de temps en temps pour faire un point ou régulièrement pour combattre le cancer ensemble. »

C’est le fondement et le bénéfice essentiels de cette approche « intégrative » : instaurer une alliance thérapeutique active entre le malade et les praticiens de l’hôpital et de ville. Tenus informés, « les médecins traitants peuvent prolonger ce que nous avons entrepris », souligne Véronique Laplanche.

De leur côté, « les patients reprennent confiance s’ils possèdent d’autres ressources que les traitements, poursuit Sara Piazza. Notre médecin du sport leur donne des exercices, comme un peu de marche dans la maison. Pour le malade, cela signifie : ce que vous ferez produira des effets sur votre santé. » Une étude a en effet prouvé que le sport aidait à réduire les métastases *. De son côté, l’EMSP entend mener ses propres recherches, pour démontrer les apports des thérapies alternatives.

L’équipe voudrait également étendre sa patientèle. « Pour l’instant, nous n’avons que des malades impossibles à guérir, pose Isabelle Marin. Mais nous espérons recevoir des personnes en rémission. » Y compris venant d’autres villes ou départements. « Dans l’idéal, nous aimerions qu’ils nous sollicitent d’eux-mêmes, pour intégrer le centre », renchérit Véronique Laplanche.

Un développement qui implique un véritable changement dans les mentalités. « Une telle prise en charge de la personne atteinte de cancer est révolutionnaire pour les médecins, estime Sara Piazza, mais aussi au niveau social, dans les représentations que nous avons de cette maladie. »

Emilie Lay

*« Activité physique et survie après cancer », Bulletin du cancer Vol 99, octobre 2012, n°10 979-991

Actusoins magazine pour infirmier infirmière hospitalière et libéraleCet article est initialement paru dans le n°24 (avril 2017) d' .

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Réactions

2 réponses pour “A Saint-Denis, des soins alternatifs pour repousser le cancer”

  1. et pas qu en palliatif, tous services et pathologies !

  2. Céline Cha dit :

    Je dis oui à la reconnaissance officielle des soins alternatifs en soins palliatifs ! Hypnose, Sophrologie, Acupuncture

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