Accompagnement, soutien et dépistage du VIH dans les salles de « shoot »

Il y en a environ quatre-vingt dix dans le monde dont deux en France, l’une à Strasbourg, l’autre à Paris. Les salles de consommation à moindre risque (SCMR) permettent aux consommateurs de drogues, de le faire dans un lieu sécurisé et de manière encadrée. Ces structures en expérimentation jusqu’en 2022, offrent aux infirmières un rôle de premier plan.

 

Accompagnement, soutien et dépistage du VIH dans les salles de shoot

A Strasbourg (sur la photo) comme à Paris, la présence de l'infirmière - ou du médecin - est indispensable pour l'ouverture de la salle afin notamment de pouvoir intervenir en cas d'urgence, de malaise ou d'overdose. © DR

L’entrée est située un peu en retrait, à quelques mètres de celle de l’hôpital Lariboisière (10e arrondissement). Dans le hall, un consommateur souhaite entrer dans la SCMR qui a ouvert en octobre 2016. Il se rend à l’accueil, donne son prénom, sa date de naissance, le produit qu’il souhaite consommer, le mode de consommation, le dosage, et montre la substance afin d’éviter le deal et l’échange à l’intérieur de la salle. Il prend alors un numéro.

Lorsque ce dernier s’affiche sur l’écran, le consommateur entre dans la salle d’injection et d’inhalation où se trouvent six boxes avec des parois, six boxes sans paroi permettant une consommation en collectivité, ainsi que quatre postes pour l’inhalation installés derrière une cloison en verre avec un extracteur de fumée. 

La SCMR n’est accessible que pour la consommation de drogues injectables et inhalables. « Ceux qui fument le vivent comme une injustice, rapporte Séverine Mallégoll, infirmière au sein de la SCMR parisienne et membre de l’association médico-sociale Gaïa, porteuse de la structure. Mais notre choix se justifie puisque la SCMR entre dans le cadre d’une politique de réduction des risques (RDR), et ceux-ci sont plus nombreux avec les injections. » L’objectif est en effet d’éviter les overdoses et les risques infectieux liés à l’injection.

Au sein de la SCMR, le consommateur va pouvoir consommer en toute sécurité si besoin avec du matériel stérilisé distribué à l’accueil. « Des intervenants sont présents dans la salle, précise Séverine Mallégoll. Nous pouvons aider à la préparation du matériel si les consommateurs le demandent ou si nous voyons qu’ils sont en difficultés. » Les professionnels de la structure peuvent aussi rechercher la veine, faire un garrot ou préparer le produit. « Mais attention, en aucun cas nous ne mettons l’aiguille dans le bras et injectons le produit », tient-elle à préciser.

Accompagnement et réduction des risques

Gaïa a travaillé en collaboration avec l’équipe de l’association strasbourgeoise Ithaque - qui a ouvert une SCMR en novembre 2016 - à la rédaction des protocoles de fonctionnement de la structure, d’interventions des professionnels ou encore d’inclusion des usagers. Lorsqu’ils viennent pour la première fois, les consommateurs doivent répondre à un questionnaire sur leur consommation, leur santé, le dépistage et leurs droits sociaux. Ils doivent aussi signer le règlement du fonctionnement interne.

La politique de RDR « vise à prendre la personne comme elle est et si elle veut consommer de la drogue, alors nous l’accompagnons », explique Aurélie Kreiss, infirmière à la SCMR de Strasbourg. Il n’est en aucun cas question d’aborder l’arrêt de la consommation de drogue si l’usager n’en fait pas état lui-même. Et de poursuivre : « en revanche, si on ressent une motivation ou un ras-le-bol parce que la personne ne parvient pas à s’injecter le produit, nous pouvons lui suggérer d’autres modes de consommation ou lui donner les informations nécessaires pour l’obtention des produits de substitution ou un sevrage. »

L’accueil au sein des salles est inconditionnel, c’est-à-dire que la personne va être reçue quel que soit son état et sa situation, même les clandestins ou les sans-papiers. Malgré tout, l’équipe peut refuser l’accès à la SCMR s’il y a un risque pour la santé du consommateur. « Nous essayons alors de différer la prise de substance et nous l’accompagnons dans la salle de repos », indique Aurélie Kreiss.

L’accompagnement offert par les professionnels est physique, social et médical. L’assistante sociale travaille à l’ouverture des droits, à la recherche d’hébergement et de logement. « Ce soutien et cet accompagnement global sont importants car cela participe au fait qu’une personne va pouvoir aller mieux, considère l’infirmière. Dans la rue, elle n’a pas forcément envie d’arrêter la drogue. »

Séverine Mallégoll infirmière au sein de la SCMR parisienne

Les infirmières (ici Séverine Mallégoll, infirmière au sein de la SCMR parisienne) remplissent un rôle tout au long du parcours : accueil des consommateurs, entretien pour la délivrance du matériel, accompagnement à l'injection, information sur la réduction des risques... © Laure Martin.

Le rôle infirmier

Infirmières, médecins, assistantes sociales, éducateurs, intervenants en RDR : « toutes les personnes qui travaillent ici ont une solide expérience dans le domaine », souligne Séverine Mallégoll. A Strasbourg comme à Paris, la présence de l’infirmière - ou du médecin - est indispensable pour l’ouverture de la salle, « afin notamment de pouvoir intervenir en cas d’urgence, de malaise ou d’overdose, même si tous les intervenants sont formés au premier secours et ont reçu une formation de la part des médecins du Samu », précise Aurélie Kreiss.

Les infirmières remplissent un rôle tout au long du parcours : accueil des consommateurs, entretien pour la délivrance du matériel, information sur la RDR, accompagnement à l’injection,.... Elles effectuent la réalisation du test rapide d’orientation diagnostique (TROD) au VIH et « si les résultats sont positifs, nous pouvons poursuivre avec le dépistage sanguin car nous avons des tubes et une convention avec un laboratoire d’analyses médicales », indique Aurélie Kreiss. Concernant leurs compétences propres, les infirmières vont soigner les plaies et les abcès des consommateurs et « nous avons un bureau médical pour être à l’écoute des personnes », ajoute-t-elle.

Environ 65 % des personnes qui viennent dans la salle parisienne sont des sans domicile fixe et n’ont généralement aucun droit ouvert. Viennent aussi des personnes avec femme et enfants qui ne souhaitent pas consommer devant eux. Pour le moment, 400 personnes sont incluses et entre 180 et 200 personnes viennent quotidiennement. A Strasbourg, il y a un peu moins d’une centaine d’inclusion et une quinzaine de passages par jours. L’ouverture d’autres SCMR est prévue et en attente à Bordeaux et à Marseille.

Laure Martin

Actusoins magazine pour infirmier infirmière hospitalière et libéraleCet article est initialement paru dans le n°24 (mars 2017) d' ActuSoins Magazine.

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La législation

L’expérimentation est encadrée par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 tandis qu’une circulaire de politique pénale datée du 13 juillet 2016 accompagne la mise en œuvre et sera déclinée sur le territoire par les procureurs. La coordination nationale est sous la responsabilité de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Midelca).

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Réactions

4 réponses pour “Accompagnement, soutien et dépistage du VIH dans les salles de « shoot »”

  1. Je ne trouve pas cela adapté

  2. Je ne sais pas s’il faut en réjouir ou craindre le pire.

  3. Jonathan Laï dit :

    C’est valable pour les infirmiers aussi ou c’est juste pour les infirmières?

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