La simulation médicale, un accélérateur d’expérience

À l’occasion de l’ouverture à Toulouse de l’un des plus grands centres de simulation médicale de France, son directeur le Pr Geeraert nous présente cette nouvelle méthode pédagogique qui développe autant les techniques de soin et les réactions au stress… que la communication au sein des équipes soignantes.

simulation mannequin infirmier iade

Un bloc de simulation, parfaitement identique à un bloc classique. © Olivier Blanchard

Le service de simulation de Toulouse s’est installé au début de l’année à la place des anciens blocs opératoires, de la salle de réveil et du bloc de déchoquage de l’hôpital Purpan (ces derniers étant partis profiter d’une aile neuve à quelques mètres). Le service s’étend ainsi sur plus de 600 mètres carrés et il a pu déployer trois blocs pour la simulation de soins en anesthésie, pédiatrie et chirurgie.
Chaque salle opératoire est reliée à deux autres salles : une salle de contrôle où le formateur manipule le « mannequin-patient » et une autre salle de débriefing ou les élèves d’un jour peuvent suivre les actions de leurs collègues dans le bloc de simulation avant de revenir avec eux sur leur expérience.

Les séances de simulation, quel que soit le métier concerné (médecin, infirmier, aide soignant ou brancardier…) suivent toujours un protocole uniforme. Le groupe s’installe d’abord en salle de débriefing et fait connaissance avec le formateur qui rappelle les buts de la séance. Ensuite une partie du groupe se trouve confronté à une situation simulée dans un des blocs, face à un de ces fameux mannequins qui respire, parle, a le cœur qui bat etc. Et à qui ont peu faire tous les soins courants. Ces blocs étant équipés de caméras, le reste du groupe peut donc voir agir et réagir leurs collègues sur un grand écran depuis la salle de débriefing. A la fin de la simulation, le groupe entier se reforme en salle de débriefing et analyse son action. « Tout se fait dans une ambiance très chaleureuse, par exemple nous leur offrons toujours un café… », nous dit le Pr Geeraert « Les soignants qui viennent faire de la simulation doivent se sentir à l’aise. Grâce aux caméras (qui évitent de sentir sur soi le regard des collègues), ils oublient très vite qu’ils soignent un mannequin. À l’extrême inverse quelqu’un qui ne veut pas essayer cette façon de faire ne doit pas venir ».
L’intérêt de cette démarche pédagogique, explique madame Laffont Corinne, directrice de l’école d’IADE de Toulouse c’est donc qu’elle est « auto socio constructiviste ». En clair, il est question de prendre conscience de ses habitudes, d’accepter de les déconstruire avec l’aide des formateurs et de ses pairs pour ensuite reconstruire une nouvelle pratique sur des bases saines. « Ici finalement c’est l’erreur faite qui va donner sa vraie richesse à la formation. Une erreur que l’on a faite ici et que l’on corrige, on ne la refera plus ensuite. On a d’ailleurs l’habitude dire qu’en quelques séances ici, on prend quelques années d’expérience ».

Une gamme de compétences très étendue

Quand on voit le matériel technique qui encombre les salles et les armoires, on pourrait penser que la simulation ne sert qu’à apprendre des gestes techniques, or il n’en est rien. « Nous faisons des cessions pour des soins très spécifiques comme l’intubation ou des gestes encore plus précis pour les chirurgiens, puisque nous respectons au maximum la maxime du « jamais la première fois sur un patient » » nous dit le Pr Geeraert.

« Pourtant les situations de simulations sont révélatrices de choses bien plus variées et notamment des dynamiques de communication en équipe. On voit très vite la façon dont les personnes communiquent entre elles. C’est aussi l’occasion pour chacun de voir, sur la vidéo, ce que fait l’autre professionnel à coté de lui, c’est souvent la première fois et ça apporte énormément ensuite pour la dynamique de l’équipe parce que chacun comprend le rôle exact de l’autre et ses contraintes ». Et au final certaines séances de simulation se font même sans geste très technique mais simplement pour s’interroger sur la façon dont on transmet une information au téléphone, ou comment on interroge le patient à son arrivée au bloc…

L’erreur humaine en ligne de mire

salle debriefing bloc infirmiere simulation

Depuis la salle de debriefing on peut voir tout ce qui se passe dans la bloc. © Olivier Blanchard

Alors que ce genre de problème pourrait sembler anecdotique, le Pr Geeraert rappelle que 65 % des erreurs au bloc sont des erreurs humaines. La protocolisation des soins, qui diminue énormément les risques habituels de l’anesthésie, a créé un nouveau danger : « Aujourd’hui quand un problème arrive, il est forcement hors protocole, exceptionnel et plus que jamais les professionnels doivent être capable de réfléchir et de faire face sans chercher à revenir dans des rails ; il faut savoir gérer son stress et stimuler l’instinct et l’intelligence collective de l’équipe. C’est pour cela aussi que la communication est importante : le médecin doit formuler son objectif pour que chacun s’implique et soit ressource, il ne peut plus simplement donner des ordres. Mais ils n’ont jamais été formés à ça alors ça s’apprend ». Au final cette méthode pédagogique intéresse même d’autres secteurs économiques, ainsi le Pr Geeraert travaille avec Airbus pour former des pilotes « Eux aussi quand un problème arrive, ils n’ont que quelques minutes pour réagir. Une fois les protocoles épuisés, si ils sont incapable de réagir rapidement c’est la catastrophe… »

Il est question de prendre conscience de ses habitudes, d’accepter de les déconstruire avec l’aide des formateurs et de ses pairs pour ensuite reconstruire une nouvelle pratique sur des bases saines.”

Dans une salle de débriefing, une séance se termine autour d’un café. Un anesthésiste et une IADE ressortent perplexes du bloc de simulation. Ils n’ont pas compris la pathologie du patient et n’ont pas su poser un diagnostic sur ce qui se passait. « Ce n’est pas grave » dit le formateur « Ce qui est important c’est que tu as su réagir : ton patient ne respirait plus, tu l’as intubé et tu lui as sauvé la vie, c’est le principal ».
Un instant après on leur donne le fin mot de la situation : c’était une erreur humaine et le patient aurait reçu une dose du curare par erreur d’un autre soignant. « Ah ça c’est vache ! Si on ne peut plus se faire confiance entre nous ! » dit l’IADE. Mais la discussion continue et sur les 9 personnes dans la salle chacun, tour à tour, finit par évoquer au moins un cas similaire qu’il a rencontré dans sa pratique. La simulation semble donc une façon active de se poser les bonnes questions. Y compris les plus simples.

Olivier Blanchard
Article publié dans Actusoins magazine

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Réactions

22 réponses pour “La simulation médicale, un accélérateur d’expérience”

  1. Laurent Corbe dit :

    Le groupe officiel des blouses blanches afin d’échanger et partager des infos mais également nos expériences et compétences …. https://www.facebook.com/groups/1495447840731862/

  2. Arnaud Caulier Camille Chantoiseau Jonathan Gautier je donne mon avis sur la simulation ou pas ? 😉

    • L’outils est en soit quelque chose de pas trop mal, quoique le robot ne pourra jamais remplacer l’être humain! Avec ce simulateur c’est « RESET » si erreur… Mais c’est pas ça la vie! Les responsabilités c’est dès la première année qu’il faut les acquérir!
      C’est la finalité de cet outil qui me dérange le plus, une loi qui va valider les différents actes que l’on pourra faire ou non, bref nous parquer comme du bétail. Être jugé sur ta pratique tout ta vie. Oui, parce qu’aujourd’hui on travaille dans un monde de « fille », et je reste poli en employant ce terme.
      Moi, je préférais que l’argent de ces simulateurs, et leur coût de mise en service (formateurs + formation) reviennent dans nos poches. Et que les infirmier(e)s arrêtent de gagner autant qu’un jardinier…

  3. Marion Tsr dit :

    Alexandra Meyer c’est trop bien ça!!! Peut-être que tu le fera avec ton école!

  4. Oui j’ai aussi eu la chance de pouvoir en profiter et c’était très formateur avec des pro au top

  5. En effet Patricia Caricondo il se situe à houphed boigny, j’ai eu la chance de le faire (le cesu) très formateur

  6. en place aussi sur Marseille! vraiment très bien!!

  7. Non préférons faire cela en temps rea avec Jean-Mi Ferrandi mais cela reste un très bon exercice .

  8. Alice Gdl dit :

    Purpan et non Turpan !

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